Ne pas rester dans une case. Ne pas se satisfaire d’être bon, ou même excellent, dans une discipline. Aimer glisser. Aimer voler. Sur l’eau, dans l’air, sur la neige. Et puis, aimer l’aventure. Fils de guide devenu guide à Morzine, Christophe Tricou passe sa vie à imaginer de nouvelles aventures, de préférence avec des skis ou un parapente. Rencontre avec un vrai passionné du grand dehors, dont les yeux et la tête sont encore remplis de l’aventure vécue en Alaska, celle racontée dans les Jours Sauvages.
Au téléphone, son sourire lumineux se devine à travers ses paroles. « L’Alaska ? J’y pense tous les jours ! » s’exclame Christophe Tricou. Il y a un an et demi, il faisait partie de cette expédition heavy and slow comme l’a dit son copain Alex Marchesseau, qui a traversé l’Alaska avec skis et pulkas. Chargés comme des bêtes, ils ont vécu cinquante jours au rythme de la nature, immensément sauvage, de l’Alaska, avec ses trois amis, Alex, Hélias et Aurel, en skiant le Denali et le Foraker au passage, deux énormes montagnes.
Un voyage dont on ne revient pas indemne, et pour le meilleur. « J’y pense tous les jours… » Parce que même pour lui, qui n’a jamais compté ses sauts en BASE ou wingsuit, ce grand voyage des sommets aux rivières d’Alaska a eu, et a encore, énormément d’importance.
Sans doute est-il facile de ranger les gens dans des cases, fussent-ils surdoués dans un sport. Christophe Tricou a sans doute, sans le planifier, coché toutes les cases : la montagne et le ski sous toutes ses facettes, le parapente à onze ans, une tribu père, frère, soeurs, mordus de montagne, de parapente et de voile.
L’Alaska en a rajouté une, définitivement : celle de l’aventure avec un grand A, et toujours la liberté et la créativité en montagne, qui l’animent depuis ses débuts. La trentaine entamée, Christophe a pris le temps de nous raconter quelques pans de son parcours bigger than life.
Originaire des Gets, familier de Morzine, Christophe Tricou y est désormais basé, comme on le dit d’un pilote, lui qui aime voler sans bruit et sans moteur. Car outre son diplôme de guide de haute montagne – ou guide touristique en milieu vertical comme il le dit lui-même, Christophe aime tout ce qui vole, ou qu’il peut piloter pour voler dans les airs.
Parapente, BASE jump, wingsuit… et tout ce qui vole sur la neige : ski, et snowboard. Le combo gagnant, c’est quand il peut associer deux de ses passions pour la glisse dans les trois dimensions : ski et parapente, et même parapente et BASE jump.
Biberonné aux vidéos des Soul Flyers, Christophe Tricou a appris vite. Le parapente gamin avec son père, déjà. Le ski en compétition en parallèle, ski alpin, puis ski cross. « Mon père était guide et moniteur de parapente. Pour sa passion de la montagne, mes parents ont débarqué à Morzine en venant tout droit de Paris » raconte-t-il. La fratrie s’éclate sur le domaine, passe du ski au snowboard, du parapente à la grimpe.
Lui part habiter à Chamonix, où tout lui paraît plus grand qu’à Morzine. Il découvre d’immenses possibilités en combinant ses deux passions : le ski et le parapente. « C’était une journée magique dans le massif du Mont-Blanc. Dans la même journée avec un copain nous avons fait cinq descentes à skis, reliées en parapente. Dont une en partant du pied de l’Aiguille Noire de Peuterey, une sur le glacier des Grandes Jorasses, une au Pas de Chèvre (côté nord des Drus), pour finir par une descente originale partant au-dessus de la Charpoua, de la base du couloir en Y, probablement très peu skiée, et la fin en parapente à nouveau ! »
À Chamonix, Christophe découvre d’immenses possibilités en combinant deux de ses passions : le ski et le parapente
Pour Christophe, le parapente ouvre clairement des possibilités qu’il n’a pas fini d’épuiser, de préférence en combinant des descentes à skis. Mais il y a tout le reste : le premier stage de parachutisme à 18 ans, le BASE jump en 2014, découvert en sautant sous voile de parapente, puis la wingsuit.
« À l’époque il y a pas mal de cartons, c’est le début du proximity flying. Mais nous, on fait plein d’activités différentes, c’est une force. Je fais du bateau, de l’escalade… le BASE n’est pas devenu une priorité. Ça m’a donné du recul, m’a préservé quelque part d’aller chercher les limites » dit-il.
« Tu passes beaucoup de temps à prendre des risques, à faire des choses qui sortent du cadre. Et surtout, tu évolues dans un milieu qui est un peu dangereux. Des fois, il ne faut pas y aller » reconnaît-il, lucide. Et pour cause : en 2022, c’est l’accident.
J’ai l’immense cadeau d’avoir récupéré après mon accident
À Avoriaz, une grande falaise borde la station, falaise elle-même bordée d’une forêt. Pas idéal pour prendre son élan ? Qu’à cela ne tienne, Christophe construit une rampe de lancement, en bois, pour sauter d’abord à pied, à vélo, à ski, et même en snowboard. L’été venu, lui et ses copains mettent des tapis en caoutchouc, pour glisser et s’envoyer en l’air, avec« un crocodile gonflable sous le bras » !
Mais la blague tourne mal quand, un jour, Christophe sort de la trajectoire : il part la tête la première dans la falaise. Réussit à ouvrir son parachute, tape violemment. Reprend le contrôle de la voile. Atterrit, et s’écroule par terre, la hanche en morceaux.
« Ma blessure a été bénéfique » dit Christophe. « J’ai l’immense cadeau de pouvoir être comme avant mon accident, d’avoir retrouvé mon corps à 100%. Ce n’est pas donné à tout le monde. Simplement, j’ai évolué, mentalement. Ça met du plomb dans la tête » confesse-t-il. Ce n’est pas gagné au départ : Christophe Tricou passe des mois en rééducation.
Et puis retentit l’appel de l’aventure, alors qu’il n’est pas complètement rétabli, il part au Pakistan avec des copains. Changer d’air, changer de dimension. Mais toujours dans la troisième.
Dilemme au Diran
Christophe a ses skis Elan comme d’habitude – son parapente, et des potes sur la même longueur d’onde. « Passer de Cham’ au Pakistan, ça m’a fait le même effet que de passer du Chablais au massif du Mont-Blanc : tout est plus grand !» Ils se régalent, et puis en fin de trip, la tentation est grande de se poser au sommet du Diran, le beau 7000 du secteur, pour en redescendre à skis !
« On arrive versant ouest, tout se passe bien jusqu’à 6900 mètres, on se retrouve la tête dans les nuages, impossible de monter au sommet. Je décide de franchir le col entre le Rakaposhi et le Diran, pour essayer d’attraper un thermique versant sud. En fait je me retrouve à descendre, et je n’ai que quelques minutes pour prendre une décision ».
Un dilemme terrible à presque 6000 mètres : descendre dans une vallée inconnue et marcher plusieurs jours pour rentrer à la civilisation, ou tenter de se poser, pour regagner le maudit col à pied ? Christophe Tricou choisit la deuxième solution, trouve une épaule accueillante, sans séracs, et se pose. Il range la voile, met les crampons pour remonter au col, situé à 5700 mètres. Il s’avère qu’il est 3 ou 400 mètres dessous, et la nuit le rattrape.
« Je ne suis pas stressé, car je savais que la météo était bonne pour le lendemain. Le plus important est d’envoyer un message satellite pour les potes ». Il festoie avec une barre de céréales, et passe la nuit dans le rebord d’une crevasse, enroulé dans sa voile. À l’aube, il patauge dans une neige en sucre mais finit par atteindre le col. « J’arrive au soleil, le vent est nul. Je m’assois et profite de ce moment de tranquillité et de beauté ultime avant de chausser mes skis et m’envoler pour le bon côté. » Fin de l’aventure.
Ski et parapente vs BASE et parapente
On l’a dit, c’est sa recette préférée. Et pour cause : « avoir les skis en montagne avec le parapente, c’est une sécurité immense. Même avec du vent arrière, tu arrives à décoller ! Il faut apprendre à gonfler face à la montagne, et tu te fais un vent relatif pour décoller… grâce aux skis qui te permettent de glisser sur la neige » explique Christophe Tricou.
En haute montagne, il utilise une mono surface de 16 m2, pour s’échapper des sommets. Et cela ne date pas d’hier : pour son ascension de la Walker aux Jorasses en 2015, Christophe est arrivé avec un copain au pied des Jorasses en parapente depuis l’Aiguille du Midi, et repart des Grandes Jo de la même façon.
En 2023, il innove. Un nouveau combo parapente BASE, déjà testé dans le Chablais. Aller aux Jorasses en parapente, et en repartir en wingsuit.
Christophe Tricou part du refuge Torino en parapente. Dans son sac : un bout de bois pour faire un corps mort, une corde de trente mètres, des crampons, un piolet, et un parachute de BASE. Son parapente est une voile confort de 21 m2, « une double couche qui permet d’enrouler les thermiques » détaille -t-il.
Aller aux Jorasses en parapente, et en repartir en wingsuit. 100% Tricou.
Après avoir patienté jusqu’en début d’après midi que le ciel des Jorasses se dégage, il vole jusqu’à leur crête faîtière, et réussit à se poser. Il emballe le tout dans sa combinaison de wingsuit – le piolet strappé à la cheville, la corde autour de la poitrine – et gagne le départ de l’exit en rappel. Pile dans l’axe de la voie Desmaison, en face nord, un saut ouvert par François Gouy, et une vue imprenable sur les abîmes du Linceul.
Il faut voir les images pour tenter de comprendre : en deux minutes Christophe survole le Linceul, franchit l’arête des Hirondelles pour rebasculer en italie et se poser « au milieu des golfeurs » à Planpincieux. Magique et bluffant. Christophe en a fait un film, Petit rêve.
Sauvage en Alaska
L’Alaska ? « J’y pense tous les jours » : on l’a dit, et c’est pour une bonne raison. Vous avez lu le récit de cette aventure, vu le film les Jours Sauvages qui raconte la traversée épique de l’Alaska qu’il a réalisé avec Hélias Millerioux, Alex Marchesseau et Aurel Lardy. C’était au printemps 2023 : cinquante jours à tirer une pulka à travers les chaînes du Denali et du Foraker. Une aventure, une vraie, des compagnons qui se soudent, s’aident souvent et parfois se prennent le chou au fil des jours, à s’ensauvager dans les montagnes, à traverser des cols trop raides en pulka, et des montagnes trop raides à skis – mais ils passent quand même, parce qu’il le faut
Son copain Alex lui a proposé l’idée, il a hésité, vient de subir une deuxième opération à la hanche. Et puis il s’est décidé, a redoublé d’efforts dans la rééducation. Aujourd’hui, il garde énormément de choses de cette expédition hors du temps : « 50 jours, c’est énorme, mais s’il avait fallu faire 70, on les aurait fait...» Aujourd’hui encore, « c’est un trésor intérieur. J’en ai encore des sensations, parfois c’est mon cerveau qui m’en parle, parfois c’est mon corps, c’est omniprésent. Cela m’aide autant que mon accident, c’est une ouverture d’esprit.»
Sur le Denali, Hélias a dit à Christophe : « il faut que tu apprennes à te reposer ! » Mais lui, en forme, est monté au camp 4, où se trouvaient les Rangers. Et en est revenu avec l’autorisation d’aller au sommet. Puis de skier le « joli couloir » du géant de l’Amérique du Nord.
Cet expé en Alaska, c’est un trésor intérieur
Dans le film, on sent Christophe renaître skis aux pieds jusqu’au point de non-retour franchi allegro par Hélias, l’ascension du Foraker qui fait peur aux trois autres.
« Là, la façon dont Hélias nous a amenés à prendre la décision d’y aller, de nous faire changer d’avis, sur le moment c’est un peu dur. D’habitude, je suis un peu leader, mais là, non, tu prends sur ton ego, en fait c’est là que tu évolues, que tu écoutes quelqu’un qui a un autre vécu. Je suis reconnaissant à Hélias de nous avoir fait aller dans ce sens là. » Et d’avoir skié le Foraker.
Les quatre sont restés bons amis. Le plus dur a été après, « perdre cette famille qu’on s’est créé pendant deux mois ». Et Christophe se souvient autant des pentes du Denali et du Foraker dévalées à skis, que des rivières immenses sur lesquelles ils ont pagayé en fin d’expé. L’aventure existe quand on l’accepte : « J’avais un calepin avec moi. Le huitième jour, j’écris : j’ai la certitude que j’irai au bout ».
Passé des rivières d’Alaska à celles des Alpes-Maritimes pour le stage canyon du guide n’a pas été facile. « Un jour je repartirai à l’aventure » dit Christophe, qui a perdu son père Nicolas Tricou, emporté par une avalanche l’année dernière. Ils étaient ensemble. Aujourd’hui, Christophe a repris le bureau des guides aux Gets, celui de son père. « C’est lui qui m’a mis la montagne dans le sang. Il m’inspire amour, fierté, respect » dit-il.
Alors des idées, des créations originales en montagne, il lui en reste quelques unes. Mais pas qu’en montagne, d’ailleurs. « Je vis désormais à Morzine. Et c’est plus équilibré, entre Chamonix et le lac Léman, où mon frère a un bateau ».
La passion de la mer ? Pas qu’un peu. Sous la mer aussi : Christophe pratique l’apnée. Et comme d’habitude, à très bon niveau.
Les skis Elan Ripstick Tour 88 qu’a emmené Christophe en Alaska, et dont il se sert régulièrement dans l’hiver.
ELAN, les skis de Christophe Tricou
Il est enseignant, moniteur et guide, et entretient une relation spéciale avec Elan depuis plusieurs années. La marque slovène propose une gamme qui le satisfait en tous points. En ski de rando, Christophe Tricou utilise beaucoup les Elan Ripstick Tour 88, « un ski hyper polyvalent. C’est un ski facile, avec une spatule qui ressort dans les neiges profondes ». Un ski de randonnée léger et solide que nous avons aussi apprécié en test et que Christophe a emmené en Alaska. « Le Ripstick Tour 88 est un ski assez taillé, qui marche aussi en neige dure, avec sa spatule large qui apporte de la facilité ».
Pour les grosses conditions, il utilise aussi le Ripstick Tour 94, qui a les mêmes qualités, et le nouveau 104 les jours exceptionnels. Il les prend à sa taille, en 177 et 179, sauf le 104 qu’il skie en plus grande taille. Bien sûr, en hors pistes, il skie avec les Elan Ripstick 96 et Elan Ripstick 102, la version freeride originelle de la gamme Ripstick. Ces skis sont impressionnants dit-il car « tu arrives à faire des courbes de géant en piste, et tu as un max de plaisir en hors pistes ! » dit le spécialiste des Gets.
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