Solitaire mais pas seul, père comblé, à cinquante ans Robert Jasper signe une année 2018 très fructueuse : avec une expédition solitaire réussie au Groenland, et la première en solo auto-assuré de sa propre voie référence en mixte, Flying Circus. Rencontre.
Flying Circus la story
« À l’époque de l’ouverture de Flying Circus, j’utilisais comme tout le monde des dragonnes sur mes piolets, et c’était assurément plus dur de grimper dans la traversée notamment avec des dragonnes, puisqu’on ne pouvait changer de piolet sans effort. La voie de Jeff Lowe, Octopussy, le premier M8, (1994) m’a ouvert les yeux, je me disais c’est une façon de faire de l’escalade libre nouvelle, je suis allé répéter Amphibian à Vail (M9, ouverte après Octopussy par Will Gadd), tout cela m’a inspiré pour créer Flying Circus en 1998, (le premier M10 de l’Histoire NDLR), protégée de façon naturelle avec des pitons et des coinceurs sauf un spit (et les relais), mais qui était totalement moderne dans le style. Pour moi c’est plus qu’un jeu, c’est un art, celui de créer une ligne qui paraît impossible au premier regard. »
Juillet 2018. Groenland.
« J’avais 90 kilos de matériel à bouger, plus 25 kilos de kayak pendant l’approche. J’ai amené le kayak pliable d’Europe. Le solo encordé, j’ai l’habitude. En février dernier j’ai gravi de cette façon ma voie Flying Circus. Il s’agit de trois longueurs en dry (plus une en pure glace) qui ont été un vrai test : malgré mon expérience en la matière de solo encordé, Flying Circus était très délicate à grimper de cette manière, car hormis les relais il n’y a pas de spits, et les traversées rendent l’opération complexe ». Rappelons que pour un soloiste encordé il faut gravir deux fois la longueur : une première fois pour équiper et monter au prochain relais, d’où le soloiste d’où redescendre au relais inférieur pour détacher sa corde d’assurage, libérer son sac, puis remonter déséquiper sa longueur jusqu’au relais supérieur. Ce qui fait trois parcours (deux fois la montée, une fois en descente) de la même longueur. Dans le cas de traverser, le grimpeur en solo encordé doit soit prévoir une très large réserve de corde de liaison pour jumarer au relais précédent, soit dans le cas de traversée prononcée, utiliser sa propre corde de progression fixée au relais précédent pour y revenir en sens inverse. « Tout cela au milieu des épées et autres stalactites géantes qui peuplent le plafond de Flying Circus » précise Robert Jasper. En résumé, il s’agit donc de ne pas faire de manœuvres de cordes susceptibles de se bombarder soi-même.
Robert Jasper Highlights
Robert Jasper a à son actif une centaine de solos dans les Alpes. Dont les 3 faces nord classiques des Jorasses, du Cervin et de l’Eiger. Mais aussi deux voies aux Droites, la Ginat et la plus rare Boivin-Profit, ou une première difficile au Jungfraujoch (Knockin’s on Heaven Door). Ce que l’on sait moins, c’est qu’il a aussi enchaîné le Grand Pilier d’Angle et Abominette, versant italien du mont Blanc. En rocher, il a également coché Spit Verdonesque à l’Eiger en solo. Surtout, il est l’auteur de nombre de premières en cordée cette fois. Citons entre autres une superbe première au Cerro Murallon avec Stefan Glowacz, et des voies de référence en libre extrême à l’Eiger : Symphonie de liberté, 8a, en 1999, puis la déjà mythique Odyssée (8a+, 1400 m), sans doute la voie la plus dure de l’Eiger, ouverte au prix d’années d’essais (entre 2009 et 2013) et finalement réussie en 2015 avec Roger Schäli et Simon Gietl.
Robert Jasper est soutenu par Gore-Tex. Plus d’infos sur son site en anglais.