Première partie de l’expédition d’Antoine Bouvier, Julien Colonge, Sébastien Overney, Claude Vallier, Anthony Calvet et William Mermoud. Direction le Svalbard, cet archipel norvégien situé dans l’océan Arctique. D’un train en Haute-Savoie au voilier Lifesong, ils nous racontent leur aventure, leurs découvertes et leur impatience d’atteindre ce paradis blanc pour pouvoir skier.
L’expédition Soft Svalbard, c’est le rêve d’un groupe de copains de partir à la découverte du milieu polaire, sur l’archipel du Svalbard, à 1000 km au sud du Pôle Nord. Là où le soleil ne se couche jamais, où les glaciers et les montagnes s’étendent à perte de vue, dans le territoire de l’ours blanc. Vivre et se déplacer en autonomie dans cet espace, pour expérimenter pleinement ce qu’il avait à nous offrir, ses paysages, sa rudesse, sa neige, pour essayer de faire quelques belles courbes à ski. Apprendre à observer la nature qui nous entoure, à la comprendre, à s’adapter, à apprécier chaque minute de cet espace temps si différent.
Prendre conscience également de la fragilité de ce milieu polaire, très lié au changement climatique. Pour essayer de limiter notre impact pour nous y rendre, nous avons opté pour des moyens de transports plus « doux » : le train d’abord, de France jusqu’au Nord de la Norvège, puis le voilier, de Tromso à Longyearbyen, capitale du Svalbard. Je vous emmène à bord de ce fabuleux voyage, accompagné par Anthony, Julien, Claude, Sébastien et William.
Dimanche 28 avril 2024, 7h49. Après deux ans de préparatifs, nous y sommes ! Le train TER en gare de St Gervais les Bains – Le Fayet se met doucement en route, avec une partie de l’équipe à bord. Suite aux arrêts de Cluses puis Bonneville, l’équipe est réunie et heureuse de se retrouver pour entrer dans le vif du sujet, enfin !
Le train et ses changements successifs – avec nos 2 housses à skis et nos 8 sacs de voyage – nous amènent petit à petit vers le Nord : à travers la Suisse, l’Allemagne, la Suède, et enfin la Norvège et Tromso. Ses 54 heures de trajet, dont 2 nuits en train couchette, nous offrent le temps de se retrouver, d’apprécier l’évolution du paysage qui nous entoure, et bien sûr de subir quelques retards et changements d’itinéraires ! Nous ne le savons pas encore, mais ce sera un bon entraînement pour développer notre capacité d’adaptation, indispensable sur les terres du Svalbard.
Nous larguons les amarres depuis tromso
À Tromso, après une nuit confortable dans un hostel de la ville, nous retrouvons Christophe, le capitaine du voilier Lifesong. C’est à bord de ce magnifique voilier de 20m de long, en coque aluminium renforcée pour naviguer dans les mers froides, que nous allons embarquer pour rejoindre le Svalbard, 620 miles plus au Nord, soit environ 1000 km.
Notre expérience en mer est relativement limitée pour la plupart d’entre nous, et c’est avec un mélange d’excitation et d’appréhension que nous larguons les amarres depuis Tromso. Cette navigation débute en fin d’après-midi dans les eaux calmes du fjord, tout proche des nombreuses montagnes environnantes, dont les Alpes de Lyngen, réputées pour la pratique du ski de randonnée. Un paysage incroyable s’offre à nous, avec en bonus la présence de dauphins à nez blanc – proche de la taille d’un orque – dont nous distinguons les nageoires à intervalles réguliers.
Cette douce mise en action ne sera que de courte durée : après un dîner copieux avec sushis fait maison au menu, nous quittons le fjord pour rejoindre la mer de Barents, avec des vents à près de 20 noeuds (40 km/h), et des creux marqués. Lifesong avance à bon rythme, sa grand-voile lui transmet toute la puissance du vent. Nous débutons les quarts de nuit : par tranche de 2h, en binôme, nous sommes à la barre du bateau, chargés de vérifier la bonne avancée du voilier et l’absence d’obstacles devant nous.
Cette navigation dans les eaux agitées de la mer de Barents ne nous laisse pas indifférent, et le mal de mer ne tarde pas à arriver pour une partie de l’équipe ! Le petit-déjeuner, à peine avalé, repart aussitôt par dessus bord ! C’est donc ça, le mal de mer ! Pourvu que ça ne dure pas durant les 4 jours prévus de traversée.
bercés par un environnement à la fois
si ressemblant et si différent d’une seconde à l’autre
On se réfugie tous tour à tour, entre nos quarts, dans notre “zone de confort” : allongé dans notre couchette. Ici, au moins, aucun risque de voir le repas de midi ressortir. Le passage de la position allongée à debout, pour aller sur le pont ou aux toilettes, est le plus technique et le plus redouté… Contre toute attente, 24h plus tard, la mer se calme, les organismes s’habituent, et le mal de mer disparaît pour laisser place au plaisir d’avancer à la force du vent.
Bercés dans un environnement à la fois si ressemblant et si différent d’une seconde à l’autre. Les occupations sont limitées dans cet espace restreint. Entre 2 quarts, nous passons du temps à nous reposer, à assister Charlotte et Cécile pour la préparation du repas, parfois nous tentons une petite lecture ou une partie de cartes qui nous rappelle assez vite à la prudence face au mal de mer…
Ce territoire tout blanc dont nous avons tant rêvé,
recouvert de glacier et de montagne,
est enfin là, devant nous !
C’est ainsi que nous approchons et découvrons petit à petit les côtes du Svalbard. Ce territoire tout blanc dont nous avons tant rêvé, recouvert de glaciers et de montagne, est enfin là, devant nous ! La vigilance est de mise, car ces eaux polaires contiennent de nombreux « growlers », ces petits icebergs issus de la banquise. Même si Lifesong a une coque renforcée, mieux vaut éviter d’impacter l’un de ces morceaux de glace !
Nous affalons la grand-voile, et continuons notre navigation dans ce labyrinthe d’icebergs, de plus en plus dense. Le drône se révèle être alors une aide précieuse pour trouver le meilleur chemin dans l’Isfjord, jusqu’au port de Longyearbyen, capitale du Svalbard avec ses 2400 habitants.
Nous profitons de cette escale technique pour récupérer du matériel (pullkas, réchauds, essence, duvet, matelas…) et compléter nos réserves de nourritures (près de 200 repas lyophilisés !).
Puis Lifesong repart de nouveau pour une dizaine d’heure de navigation, jusqu’à jeter l’ancre dans la baie d’Eidembukta, notre point de dépose. C’est la fin de notre aventure en mer, et c’est non sans émotions que nous saluons une dernière fois l’équipage du Lifesong, reconnaissants d’avoir partagés ces 5 jours de traversée joyeuse avec eux.
Quelques aller-retours en annexe plus tard, nous voici tous les six posés sur la terre Oscar II. « Ça y est, nous y sommes ! » Dix jours après avoir quitté la Haute-Savoie en train, nous allons débuter notre itinérance qui doit nous mener à la banquise du fjord St John, skis aux pieds et pulkas chargées. Le rêve qui nous a animé ces derniers mois devient réalité. Malgré la fatigue accumulée pendant ce long voyage, quel bonheur d’être là ! En guise de bienvenue, un renard polaire vient nous saluer. Et nous rappeler que nous sommes ici sur le territoire d’un autre mammifère à fourrure blanche… l’ours polaire.