Si le Bourg d’Oisans accueillait cette année le Plus Petit Festival International de Films de Montagne, c’était pour mettre à l’honneur la Bérarde, la vallée du Vénéon, meurtrie, et ses habitants. C’était aussi un signal : la Bérarde existe toujours dans les coeurs et son Festival survit lui aussi, en Oisans. Mieux : malgré la catastrophe, la vallée du Vénéon peut souffler, relever la tête en mettant films de montagne et artistes à l’honneur. Alpine Mag y était et vous confirme : le Vénéon est plus que jamais vivant.
Si le petit village de Saint-Christophe-en-Oisans est de nouveau accessible grâce à une navette, nul ne sait quand la haute vallée, jusqu’à la Bérarde, le sera. Alors en attendant, il fallait tenir. Ne rien lâcher. Tout faire pour montrer que le coeur du Vénéon bat plus que jamais. L’association A.V.E.C. Saint Christophe, organisatrice de l’événement, en partenariat avec l’association O.T.T.E.U.R, n’a pas renoncé. Le Plus Petit Festival International de Films de Montagne 2024 a bel et bien eu lieu !
L’événement a démarré par une soirée inaugurale, à Saint-Christophe-en-Oisans. La route n’est qu’une piste par endroits, mais la fréquentation, autour de Venosc, est impressionnante étant donné que les voitures lambda ne peuvent accéder. Au coeur de St-Christophe, la Cordée, le bar mythique de la vallée, rassemble les visiteurs. Une fin d’été qui serait presque normale si la route n’était pas coupée, et la Bérarde dévastée. Il fallait débuter le Festival en ce lieu. Avant de convier un large public au Bourg d’Oisans.
Le Plus Petit Festival International de Films de Montagne a accueilli quatre cent personnes sur quatre séances. Une belle fréquentation : chaque soir, le cinéma Les Écrins au Bourg d’Oisans a fait salle comble. Il faut dire que les films présentés étaient alléchants. On a ainsi pu voir ou revoir avec plaisir Maurice Baquet, l’accordé, de Gilles Chappaz, Chronoception, de Guillaume Broust, À l’ombre du Chamlang, de Jérémie Chenal, ou encore La Grave BB de Pierre Petit, parmi la douzaine de films proposés au public. Celui-ci votait pour la remise du seul prix du Festival, « celui que chaque réalisateur aime recevoir » a dit Guillaume Broust, qui a reçu le Prix du public pour Chronoception, la belle virée en freeride en Asie Centrale.
Les rencontres littéraires dans les salons de l’hôtel l’Oberland ont aussi rencontré leur public. C’est Gérard Guerrier qui a ouvert le bal, autour de son singulier roman Le Seigneur des Écrins, dont l’intrigue se déroule à la Bérarde. Puis, des auteurs vivant dans la vallée du Vénéon ont attiré nombre de lecteurs, curieux ou passionnés : Jean-Marc Rochette – Au coeur de l’hiver – et Simon Parcot – son nouveau roman, le Chant des pentes. Hervé Bodeau a conclu par une causerie autour de son livre Les refuges de montagne.
Co-organisatrice du Festival, secrétaire de l’association A.V.E.C., Marie Claude Turc, remercie chacun pour ce bel élan de générosité puisque les recettes sont collectées pour l’association des Amis de la Bérarde et du Vénéon. Depuis trois décennies, Marie-Claude Turc tient le café-resto-hôtel-librairie de la Cordée à St-Christophe. Voici ce qu’elle retient de ces dernières semaines.
Comment s’est passé l’été qui s’achève ?
Marie-Claude Turc : Cet été, les gens ont cru qu’ils ne pouvait pas venir, qu’on pouvait rien faire. Maintenant, il y a une navette pour monter. Même si elle a été mise en place un peu tard, c’est sûr, mais oui, ce n’est quand même pas aussi dramatique que ce qu’on croit, pour nous, en tout cas, à Saint-Christophe. Même si on a fait une saison minable, quand même, par rapport à une saison normale. Mais du coup, ça m’a donné la possibilité d’avoir du temps pour réfléchir à autre chose et justement à me dire: Il faut à tout prix trouver une solution pour faire ce festival.
Oui, puis on s’est mobilisés. Un jour, Pierre-Henri Perret, le chef de secteur du Parc National des Écrins, s’est arrêté boire un verre à la Cordée et je lui ai dit : tiens, au fait, tu crois qu’on pourrait avoir la salle de cinéma de Bourg d’Oisans ? Parce que c’est le Parc qui la gère avec la mairie. Le soir même, j’avais leur accord !
Ton premier sentiment après ce beau Festival de la Bérarde, délocalisé à Bourg d’Oisans ?
J’étais émue. J’ai failli en pleurer à la fin. J’étais émue de dire à chaque fois que c’était pour la Bérarde. Voir que plein de gens, plein d’artistes sont venus. Ils sont venus. Voir toute cette générosité. Je l’avais déjà un peu senti tout de suite après la catastrophe. Tous ces gens qui appelaient, qui voulaient faire des choses.
Je suis émue, j’ai failli pleurer à la fin de chaque séance. Marie-Claude Turc
Comment as-tu vécu l’après-catastrophe ?
J’avais embauché déjà du personnel, deux personnes qui étaient rentrées pour travailler juste avant la catastrophe. Je me suis dit : je n’ai pas envie de les lâcher parce que ça, c’est arrivé. Je me suis dit : on fera des choses que l’on n’a pas l’habitude de faire habituellement. On voyait qu’on ne pouvait pas faire les animations qu’on voulait parce que la route était coupée.
On s’implique aussi au niveau de l’association AVEC au sein de la fête des guides, mais du coup, elle s’est faite à Saint-Christophe un peu, à Venosc aussi. Et puis après, la grosse animation qui restait, c’était le Plus Petit Festival.
Beaucoup de personnes qui se sentent concernées par la vallée du Vénéon. Des personnes m’ont dit: Comment ça va là-haut ? Ils croient encore qu’on est sinistrés au point de ne pas pouvoir bouger. Ils n’osent pas venir.
Qu’imagines tu pour la Bérarde ?
La Bérarde pourrait aussi accueillir quelque chose de plus que de la montagne, ou un refuge… Un observatoire de la montagne ? Un observatoire des risques avec une dimension environnementale ? Après les habitants de la Bérarde, eux, ont peur que ce soit sanctuarisé et qu’ils ne puissent plus revenir. Moi, j’ai toujours insisté pour que le Festival de la Bérarde se passe à la Bérarde. Mais cette année il fallait faire autrement.
Remise du Prix du Public à Guillaume Broust (3e à dr) pour son film Chronoception avec Jean-Marc Rochette (à g.), Marie-Claude Turc (2e à dr.), et Didier Minelli, guide et membre d’OTTEUR (4e à dr.) ©JC
Qu’est-ce que tu espères pour l’année prochaine ?
Déjà, faisons le bilan de ce qui a été fait. Avoir mis en place cette navette, et la gratuité du télécabine de Venosc cet été. Il y a énormément de gens qui se déplacent à Venosc. Parce qu’en fait, il y a plein de touristes aux Deux Alpes. Et qui descendaient jamais. Mais l’autre jour, quelqu’un m’a montré une photo de la queue là-haut, au départ, en haut du télé. Sans déconner, aux Deux Alpes, la queue pour descendre à Venosc en été ? Je pense que personne n’a jamais vu ça avant.
Dans le futur Il faudrait que ça soit gratuit tout le temps. Idem pour les navettes, parce que de toute façon, on arrivera vite à être saturé à St-Christophe. Il n’y a pas de grand parking. Il faut des navettes en continu.