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Nous étions dix au bivouac de la Fourche.
C’est peu mais ça suffit, c’est un petit lieu.
C’est peu mais ça suffit pour dire qui nous sommes.
Il y avait deux femmes, la parité s’était égarée dans la Combe Maudite. Et donc huit messieurs.
Nous avions tous la même dégaine. Même morphotype, un peu jeunes, pas larges d’épaules, une tronche voisine, les deux filles aussi et surtout moi. Mêmes fringues, à cent grammes de plume près. Mêmes attitudes, jambes croisées, mains qui parlent. Dix êtres aux faces et profils identiques. Logique, les haltérophiles aussi se ressemblent, une histoire d’organe et de fonction, une histoire de liens et de liant.
Sur les dix, pas de noir, pas d’arabe, pas de jaune. Que des blancs-becs cramoisis, monochromie de rigueur. Toscani, le photographe des United Colors of Benetton serait là, il n’aurait que les Gore-Tex séchant dehors pour fabriquer de la diversité. Pas d’homo non plus ou alors, ici, dans la cabane des hommes braves, se cachent-ils encore plus qu’ailleurs.
Cette scène, je l’ai vécue tant de fois. À la table du refuge, au rayon montagne du magasin, dans tel festival. Il y a plein de toi autour. Souvenirs de fêtes foraines, déambulant dans le palais des glaces où tu ne vois que des toi. J’observe cette cabane de la Fourche et je me dis qu’elle fait une drôle de chambre des représentants, tellement fidèle à mon monde mais si peu du vaste. Comme toute communauté.
Immanquablement, dans ces moments à discussion