C’est l’histoire d’un gars qui a gardé la motivation. Il a tenté l’Everest en 2019, et a dû s’arrêter à 8650 mètres. Sans oxygène, non pas parce que quelqu’un lui avait volé ses bouteilles au camp 4, mais parce qu’il avait choisi de grimper dans le style le plus dépouillé. Faire demi-tour à 200 mètres du sommet de l’Everest doit être aussi pénible qu’une rage de dents dans un avion. En 2021, rebelote : il échoue à 7900 mètres. Et cette année, David Göttler a réussi. À 43 ans, il a réalisé son rêve de gravir l’Everest sans oxygène le 21 mai. Son sixième 8000 gravi de cette façon. On peut sans doute féliciter David Göttler pour cette énorme performance. Pas seulement pour l’Everest by fair means. Mais aussi pour sa motivation. Sa persévérance qui a fini par payer : trois expés pour un sommet, c’est beaucoup, dit Steve Swenson, qui avec 4 buts au Gasherbrum IV, s’y connaît en la matière.
21 mai. David Göttler sur le Toit du monde. Le masque visible n’est pas de l’oxygène mais sert à filtrer l’air froid de la haute altitude. ©David Göttler
C’est l’histoire d’une fille qui a gardé la motivation. Sophie Lavaud a bouclé son douzième 8000, le Lhotse. La franco-suisse s’y connaît, elle aussi, en motivation. Elle qui a démarré l’alpinisme avec le mont Blanc il y a 18 ans, se retrouve 19 expéditions plus tard dans l’avant dernière ligne droite des quatorze 8000, elle qui en a gravi quelques uns sans oxygène avant de s’accorder cette concession. Il lui reste le Nanga Parbat. Et le Shishapangma, versant tibétain. Un sommet qu’elle connaît bien, puisqu’elle a déjà gravi le Shisha central (8013 m) – et ce n’est pas celui validé comme étant le véritable point culminant du Shisha (8027 m). Du coup, Sophie a prévu de retourner au Tibet ! La motivation, vous dis-je. Et je ne suis pas devin, mais je ne pense pas que Sophie Lavaud cessera de partir en Himalaya après son quatorzième.
Tout le monde ne peut ni ne doit répondre à l’injonction du lundi.
Un dernier pour la route ? Le vétéran Paul Ramsden qui a trente ans d’Himalaya et quatre Piolets d’Or dans sa besace, a réussi un sommet perdu au Népal, le Jugal Spire. Une dent de requin de plus de mille mètres, gravie au prix de quatre bivouacs avec Tim Miller, jeune pointure britannique. Il n’y a pas d’âge pour bouffer de la face nord, juste une très grosse motivation. « Mon premier sommet [himalayen] depuis 2016 ! » s’enthousiasme Paul.
Je vous fais grâce des citations « monday motivation », servies à satiété par un Nirmal Purja et sa saignante « Giving up is not in the blood ». Tout le monde ne peut prétendre à être Winston Churchill. Tout le monde n’a pas vocation à empiler les sommets en courant, a fortiori à 8000 mètres, comme Nims l’a fait avec le Kangchenjunga, l’Everest et le Lhotse, et un paquet d’hélicos. Tout le monde ne peut, ni ne doit répondre à l’injonction du lundi, celle d’être toujours plus performant.
Ce que montrent plus humblement David, Sophie et Paul ne tient pas en une citation. Ce qu’ils et elle nous disent ? Croyez en vos rêves. Ils valent le coup.
PS : Dernière bonne nouvelle, last but not least, il pleut ce soir !