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Chers directeurs de station, le tourisme de demain aura-t-il lieu ?

Chers directeurs de station,

Peut-être lirez-vous cette bouteille à la neige.
J’imagine combien l’humeur doit être bonne là-haut en cette fin de semaine. Le plan montagne II annoncé jeudi 16 septembre perpétue les priorités, pour ne pas dire les obsessions, des dirigeants de notre belle région, promoteurs du ski à tous prix.
Mais j’ose croire que quelques doutes émergent dans l’esprit de beaucoup d’entre vous. Peut-être même que ces doutes se transformeront en voix discordantes puis en force de transformation.
Notez-bien que je n’ai rien contre les stations de ski. Je crois même qu’elles ont été indispensables à l’émergence des plaisirs de la glisse chez tous les skieurs, y compris chez les randonneurs les plus sauvages. Qui sont tous sont passés par le flocon, les pistes vertes puis le piquet avant de sortir des domaines skiables pour découvrir la montagne non aménagée.

©Ulysse Lefebvre

Chers directeurs de station, il n’est pas question ici de rêver du monde d’avant les stations de ski.
En revanche, il existe encore beaucoup d’espaces préservés et ce sont ceux là que l’on veut protéger. Ce n’est pas contre les stations que l’on se positionne, chez Alpine Mag comme chez beaucoup de montagnards, mais bien contre leur extension, contre cette fuite en avant pour multiplier des remontées mécaniques et des hébergements que l’on a déjà du mal à remplir.
L’évolution du climat ne joue pas en la faveur du tourisme d’hiver d’antan. Les températures sont en hausse.
La crise sanitaire a révélé les faiblesses des plus grosses stations internationales très dépendantes des touristes étrangers, coincés par les frontières.
Et le développement d’un tourisme plus doux, plus varié voire complémentaire au ski traditionnel, est plébiscité par un public aux aspirations nouvelles, même chez les accros du virage coupé sur neige finement gauffrée.
N’oublions pas aussi l’idée d’un tourisme quatre saisons présent en filigrane des réflexions sur l’aménagement des stations et villages de montagne depuis des décennies. En filigrane seulement.

Ce n’est pas contre les stations que l’on se positionne, chez Alpine Mag, mais bien contre leur extension

Chers directeurs de station, nous voilà à la veille d’une réouverture des domaines skiables en France et j’imagine les enjeux pour tout l’écosystême dont vous avez la responsabilité. Vous y avez tellement réfléchi !
De notre côté, en tant que journaliste, nous avons suivi avec attention d’innombrables réunions, webinaires, conférences en ligne et autres groupes de réflexion sur le tourisme de demain, du moins de l’après-covid. Et cette semaine, les Etats généraux de la transition du tourisme en montagne confirme cette tendance. Un vent de renouveau semblait souffler même au sein des plus grandes instances dirigeantes du monde du ski ou des élus de montagne. Le conservatisme semblait s’ouvrir à de nouvelles idées.

Mais on est passé des réunions d’urgence et aux réflexions sur la résilience pour finir par un plan de relance. La boucle est bouclée. Retour à la case départ. Touchez 100 millions.

Aujourd’hui, c’est le nombre de canons
qui est braqué sur le client

Ou plutôt 30 millions rien que pour les canons, pardon les enneigeurs (et leurs retenues collinaires). Et le développement durable des stations ? 10 à 20 millions. L’approximation en dit long sur les ambitions. Et pour emmener nos gamins à la montagne ? 6 millions seulement. Bref, des arbustes qui cachent la forêt.
Il fut un temps où la promotion d’un domaine se faisait à coups de kilomètres de pistes annoncés. Aujourd’hui, c’est le nombre de canons qui est braqué sur le client.

Chers directeurs de station, nous y avons cru en avril dernier lors du « Mountain Next » à Chambéry. En mai, c’est Joël Giraud qui annonçait « l’ambition d’une offre touristique nouvelle ». Aujourd’hui, on nous annonce « la montagne la plus durable d’Europe » grâce à un nouvel investissement massif sur l’enneigement artificiel.
Plus c’est gros, mieux ça passe.
Mais on peut espérer, chers directeurs de station, que vous ne vous laissiez plus éblouir par des financements à court terme. Les stations de ski françaises, fleurons du tourisme d’hiver (qui n’est un gros mot pour personne contrairement à ce que dit M. Wauquiez), méritent mieux que d’être baillonnées par des canons à fric.
Chers directeurs de station, on compte sur vous.