Imaginez un instant que vous survolez la cime d’un géant de 8 051m. Imaginez qu’au lieu de huit jours d’ascension, vous devenez capable de tutoyer les toits du monde par la voie des airs, en quelques heures. C’est le pari fait par Antoine Girard, repoussant les limites du style alpin grâce à un subtil mélange de vol et de grimpe. Grisant.
Vole et grimpe
Contrairement à la solitude de son aventure pakistanaise, Antoine Girard peut cette fois compter sur les compétences alpines de Julien Dusserre, guide de haute montagne basé dans le Champsaur. « Dans ce voyage, on a décidé que les décisions seraient prises conjointement, mais avec la prise en compte de l’expertise de chacun en son domaine : Julien pour les questions de conditions et ascension en montagne, moi pour la partie vol et parapente. » Et quand ils approchent du Shalbashum (6 680m), sommet choisi pour l’acclimatation, c’est d’abord Antoine qui ouvre la voie quelques mètres sous le plafond nuageux, le long de grandes falaises qui se perdent dans le brouillard.
Puis c’est au tour de Julien de donner le feu vert pour un atterrissage sur une zone crevassée. Antoine Girard : « Une plateforme semble accessible vers 5 800m en parapente, mais une fois engagé, il n’y a plus de demi-tour possible. J’ai besoin de l’avis de Julien car l’endroit est parsemé de crevasses et je ne veux pas prendre seul la décision de nous jeter dans la gueule du loup ! Je ralentis et lui pose la question. Il valide la décision de s’y engager. » Cet atterrissage sera sans doute l’événement le plus incertain du périple. Une plate-forme neigeuse qui se perd dans le brouillard, blanc sur blanc, avec pour tout repères quelques crevasses à éviter et bien d’autres invisibles sur lesquelles il vaut mieux ne pas se poser. « J’attends longtemps l’impact du sol devenu invisible, je m’écrase dans la neige profonde, un bon 50cm de neige fraîche. Je ne bouge plus, je tire simplement la voile à moi. Julien s’écrase à son tour à trois mètres de moi, j’étais sa cible ! » Il faut ensuite mettre rapidement les crampons et le baudrier, s’encorder, pour ne pas finir dans l’abîme d’une crevasse dissimulée par la neige abondante. Une neige tellement profonde qu’elle retient les deux alpinistes volants un peu plus haut, sur un autre plateau vers 6 200m. Et quand un orage arrive au loin, on touche du doigt l’une des problématiques essentielles de la démarche vol/grimpe : la redescente. Comment décoller vite depuis un plateau, qui plus est en neige profonde empêchant de courir ? Comment redescendre à pieds, dans un dédale de crevasses qu’une approche traditionnelle permet au moins de repérer à la montée ? « Nous avions anticipé ce genre de problématique. Pour le Langtang Lirung, nous avions prévu de quoi attendre trois ou quatre jours en altitude en cas de mauvais temps. On sait aussi que les créneaux sont relativement nombreux puisqu’un quart d’heure de beau temps nous suffit pour décoller ». Malgré des photos prises en vol pour se repérer en cas de nécessité, le cheminement est trop laborieux. Le surlendemain, ils tentent leur chance au décollage, depuis un petit plateau plus bas, où ils sont contraints de creuser une tranchée dans la neige pour pouvoir courir dans l’axe de la pente. Et ça marche. Retour au village. C’est là l’intérêt de ce nouveau style alpin.
L’himalayisme à la journée : un nouveau style alpin ?
Pour gravir le Langtang Lirung, Antoine Girard et Julien Dusserre établissent un camp de base à…10km de la montagne. Une distance inimaginable avec les moyens d’approche habituels (en marchant, avec porteurs) mais pratique en parapente : « On a choisi de s’installer dans un petit village à 3 850m. On parcourait les dix kilomètres d’approche en une demi-heure de vol environ. Je pense que pour des ascensions à la journée, il faut rester à une distance de 40km max, pour des vols d’une heure trente environ ». Car l’objectif d’Antoine Girard est bien là : réaliser des ascensions en Himalaya à la journée, comme n’importe quel alpiniste de Chamonix partirait dans le Mont-Blanc pour rentrer le soir : « Pour moi, le parapente c’est comme la benne du téléphérique de l’aiguille du Midi. Tu voles, tu trouves un camp de base où tu peux atterrir et décoller, et choisir un itinéraire pas trop technique car il faut pouvoir redescendre dans les 24h. » Extrême comme démarche ? Girard s’en défend : « Au contraire, je pense que ça peut être un bon moyen pour le grand public de grimper des sommets plutôt faciles mais parfois éloignés, comme le Yala Peak (5 520m). A pieds, c’est un à deux jours de marche pour accéder au camp de base et seulement quelques heures d’ascension. En parapente, tu fais l’aller-retour à la journée, ascension à pieds comprise ! »
Du matos sous la sellette
Le matériel transporté varie au fil du périple. La version XXL comprend :
Parapente Explorer Gin 2 Sellettes Kortel : Kolibri (2kg) et Kliff (260g) Instrument de vol : Syride nav3 (90g) Casque Petzl Sirocco (170g) Piolet Petzl Sum’tec (470g) Crampons Petzl Dartwin (765g) Baudrier Petzl Sita (270g) Corde Petzl Paso guide (2,4kg)
- 38kg chacun | Vol d’approche, de Katmandou à la vallée du Lang Tang ( beaucoup de nourriture et la totalité du matériel d’alpinisme et de bivouac).
- 18kg chacun | Du village/camp de base au Shalbachum (moins de vivres, affaires de trek en moins).
- 12 kg chacun | Pour l’objectif principal, le Langtang Lirung (seule la sellette légère -300g- est emmenée, matériel et nourriture réduits au strict minimum.)