Parce que nous envisageons le VTT comme un sport alpin à part entière, prenons le temps de faire le point sur les cotations et les niveaux de difficulté des itinéraires. Pour s’engager sur les sentiers en toute sérénité (ou presque…).
En VTT, la cotation n’assure pas vraiment de fonction de sécurité. Parce que la différence fondamentale entre le VTT et les autres sports de montagne précités, c’est que la pratique du VTT n’est pas une nécessité pour effectuer une course ; c’est au contraire une difficulté qu’on s’impose en sus. Pratiquer l’alpinisme est nécessaire pour atteindre la Verte. Pratiquer l’escalade est indispensable pour gravir El Capitan. Pratiquer le ski est plutôt conseillé pour descendre le Pan de Rideau. En revanche, pratiquer le vélo n’est pas du tout nécessaire pour descendre le Taillefer. Du coup, lorsqu’un VTTiste se retrouve en difficulté, il n’a pas forcément besoin d’aller mobiliser des ressources qu’il ignorait pour parvenir à franchir la section compliquée, oh non, il dispose d’une autre option : il lui suffit de descendre de vélo.
Certes, le ski-alpinisme peut dévier dans cette catégorie que je qualifierais de « sport masochiste », en ce sens où il est pratiqué là où le crampon est conseillé. Mais quoi qu’il en soit, si on pousse le raisonnement, tous les sports sont masochistes. Il sera toujours plus simple de rester chez soi plutôt que de gravir un sommet !
En VTT, la cotation permet donc surtout de s’éviter une galère doublée d’une humiliation, à savoir devoir descendre en poussant le vélo (et son ego). Le problème, c’est qu’une cotation est nécessairement subjective. Elle dépend grandement des variables d’environnement (froid, vent, humidité, présence de neige…). Par ailleurs, en vélo, il n’existe pas de cotation prenant en compte l’engagement général (longueur de la course, isolement, altitude…)
en ce sens où il est pratiqué là où le crampon est conseillé
La cotation VTT est ainsi basiquement composée d’une notation technique (T) et d’une évaluation d’exposition (E). Mais attention, il n’existe pas de standardisation aussi poussée que pour le ski de rando, l’alpinisme et à fortiori l’escalade. Ainsi, chaque topo peut avoir sa propre échelle (parfois des couleurs) fonction du public visé.
Globalement, les critères techniques retenus sont les suivants :
Largeur du chemin
(ou plus généralement des passages, si l’on considère qu’on est en freeride)
Raideur de la pente
(ou plutôt de l’itinéraire, un sentier pouvant être peu incliné sur une pente très raide) : il est à noter que contrairement au ski, le VTT permet plutôt difficilement de descendre des pentes raides. Globalement, on peut considérer que du 20° en vélo correspond à du 45 à skis. Et au-delà de 30°, il est quasiment impossible de s’arrêter à vélo, il faut forcément se positionner tout droit, avec du dégagement en bas.
Obstacles
rochers, marches, racines (on parle de chemin « roulant » ou « cassant »)
Virages
le VTT étant un sport de pilotage, une bonne partie des difficultés sont concentrées dans les virages ou épingles
Structure des roches
certaines roches sont plus faciles à passer que d’autres (voir notre article sur le vélo de montagne)
Pilotage
le fait que le terrain pardonne ou non l’erreur
Il est toujours difficile d’établir une cotation globale pour un itinéraire complet. C’est pourquoi je préfère coter chaque section indépendamment. On peut considérer (un peu arbitrairement) qu’il faut au moins 3 facteurs combinés sur une section pour qu’elle entre dans une catégorie donnée.
T1
Il s’agit grosso modo d’une piste roulable en voiture.
- Largeur : 1 m ou plus
- Pente : <15% (équivaut à 7°)
- Obstacles : inexistants
- Virages : aucune problématique, très larges
- Structure des roches : sans objet
- Pilotage : ce type de terrain est adapté aux débutants
- Récompense à l’arrivée : un verre d’eau
T2
C’est un sentier large, globalement sans surprise.
- Largeur : environ 50 cm
- Pente : jusqu’à 30% (14°)
- Obstacles : petites pierraille / racines peu émergentes / petites ornières
- Virages : faciles, il faut juste maîtriser sa vitesse
- Structure des roches : sans objet
- Pilotage : les erreurs de pilotage sont facilement rattrapables
- Récompense à l’arrivée : un jus de fruits
T3
Il s’agit d’un sentier étroit avec des portions un peu techniques. Le T3 correspond au niveau moyen d’un pratiquant régulier.
- Largeur : entre 20 et 50 cm (il faut commencer à savoir placer ses pédales fonction des obstacles)
- Pente : jusqu’à 40% (18°). (Il devient alors nécessaire de se positionner derrière la selle.)
- Obstacles : pierrier moyen / racines hors sol / marches jusqu’à 30 cm / sentier raviné
- Virages : certaines épingles nécessitent un réel contrôle. Elles peuvent être étroites, déversantes et nécessitent un passage ralenti.
- Structure des roches : parfois un peu traîtres, glissantes ou déversantes
- Pilotage : une erreur est en général rattrapable sans chute
- Récompense à l’arrivée : une bière
T4
On passe sur du technique plus ardu.
- Largeur : < 20 cm (le placement des pédales doit être précis et rapide, souvent en contre équilibre)
- Pente : jusqu’à 60% (27°)
- Obstacles : gros pierrier pouvant passer « en force » / racines hors sol multiples et vicieuses / marches jusqu’à 50 cm / ravines ou ornières très prononcées
- Virages : des épingles nécessitant un pilotage très précis. Elles sont étroites et aigues, déversantes ou avec marches et nécessitent un passage presque à l’arrêt.
- Structure des roches : roches vicieuses, nécessitant une bonne lecture de terrain, parfois très glissantes ou déversantes
- Pilotage : une erreur conduit nécessairement à la chute
- Récompense à l’arrivée : une vodka-martini
T5
On se rapproche du trial, le positionnement sur le vélo devient critique. Il faut en général repérer la section à pied avant de se lancer.
- Largeur : il faut savoir placer ses roues au centimètre
- Pente : > 60% (27°)
- Obstacles : gros pierrier, nécessitant du franchissement / racines inextricables / marches > 50 cm / sauts obligatoires
- Virages : certaines épingles ne sont passables qu’en nose-turn.
- Structure des roches : roches trialisantes
- Pilotage : une simple hésitation conduit à la chute
- Récompense à l’arrivée : des vêtements de rechange, parce que vous n’avez plus un poil de sec
T6
Le T6 devient difficile à appréhender en termes de cotation : il s’agit soit de trial pur (donc du statique), soit d’un sentier avec des franchissements énormes et engagés (donc de l’hyperdynamique). Cette cotation n’est accessible que pour une mince élite de pratiquants.
- Largeur : il faut savoir placer roue avant ET roue arrière au centimètre
- Pente : pouvant atteindre 100% (45°)
- Obstacles : sauts importants obligatoires (grande longueur ou/et grande profondeur)
- Virages : passables en combinant plusieurs mouvements de trial.
- Structure des roches : roches trialisantes
- Pilotage : il ne faut pas faire d’erreur
- Récompense à l’arrivée : une révision du vélo, qui a bien morflé
À ces cotations, il convient d’ajouter :
NR (Non roulant)
Comme son nom l’indique, cela signifie qu’il faut descendre du vélo pour passer.
NR-ESC (Non roulant Escalade)
C’est un ajout personnel, mais je trouve que lorsqu’on fait du vélo de montagne, c’est un élément important à préciser. Cette cotation signifie qu’il faut porter son vélo tout en parvenant à se dégager au moins une main pour parvenir à franchir des sections d’escalade facile. En effet, si porter son vélo est aisé, le porter sur des portions raides devient vite extrêmement difficile et dangereux, car la masse décentrée du vélo déséquilibre et empêche de nombreux mouvements basiques de par son encombrement (les roues touchant la paroi, notamment). Il faut donc avoir un très bon pied montagnard pour réaliser un portage sur de petites portions un tant soit peu « escalade ».
Exposition
Enfin, à la cotation technique, on ajoute une cotation d’exposition, qui évalue le risque de blessures en cas de chute. Intrinsèquement, une cotation d’exposition n’a pas grand sens car vous pouvez très bien vous tuer de votre propre hauteur. Surtout en vélo, où l’on tombe toujours mal… Néanmoins, cette cotation est nécessaire pour jauger des risques inhérents à l’environnement. Et autant en ski on peut considérer qu’en général l’exposition et la technique vont de pair, autant en VTT, ça n’est pas du tout le cas. Vous pouvez très bien emprunter un sentier très facile à flanc de falaise.
E4
Cela signifie que le passage se trouve en bordure de falaise. En cas de chute, la mort est inéluctable, sauf miracle. Mais mieux vaut ne pas compter dessus et s’engager sur le passage que si l’on est d’un niveau technique au moins 2 crans supérieur. Par exemple, si l’on est capable de passer du T4, on ne s’engagera sur un passage E4 que de niveau T2 maximum. Et auparavant, on éteindra sa Gopro, source de témérité mal appropriée.