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Quand les guides perdent leur boussole

Un guide traverse un glacier de l'Oberland bernois. ©Jocelyn Chavy

Notre magazine est ouvert à tous les représentants des socio-professionnels de la montagne. C’est pourquoi nous publions cette tribune du président du Syndicat Interprofessionnel de la Montagne (SIM), qui veut alerter les guides sur les choix effectués par le syndicat majoritaire SNGM.

Pour le SIM, les selfies de représentants du SNGM, le syndicat des guides historique, lors du congrès annuel de Domaines Skiables de France sont les gouttes (de retenue collinaire) qui font déborder le vase.

Les statuts d’un syndicat professionnel proscrivent tout parti pris politique ou religieux – et c’est le cas aussi du Syndicat National des Guides de Montagne (SNGM), le syndicat historique qui, bien que n’en représentant plus que 80%, prétend encore parler au nom de toute la profession.

Au mépris de cette règle statutaire, certains élus du SNGM s’affichent ouvertement dans le jeu politicien depuis plusieurs années et engagent ainsi l’ensemble des guides aux côtés de mouvements politiques ou religieux auxquels n’adhèrent évidemment ni la totalité ni même une majorité d’entre eux. Au risque de l’incohérence, du reniement voire du ridicule – et de dilapider ainsi le principal capital de la profession : son image.

Ces pratiques ont atteint en 2022 des sommets de caricature : en juin, un vice-président du SNGM figure à ce titre sur les tracts de campagne législative d’un député LREM (pourtant en contentieux judiciaire avec des guides et en concurrence électorale avec le propre avocat du SNGM) ; en août, c’est un cardinal ultraconservateur – radicalement homophobe et anti-avortement (au point de les assimiler au nazisme et à l’islamisme) mais néanmoins  possible successeur du pape François – qui est accueilli en grande pompe à Chamonix pour bénir l’emblématique compagnie locale  pour sa fête annuelle ; et en septembre, un vice-président du SNGM, le président de la compagnie de la Vanoise et un guide militant du parti Horizons viennent représenter la profession au congrès annuel de Domaines Skiables de France à l’hôtel de région AURA. 

un cardinal homophobe et anti-avortement est accueilli en grande pompe à Chamonix pour bénir l’emblématique compagnie locale 

Ces affichages politiques et religieux frappent par leur incohérence avec les « valeurs » d’une profession dont le SNGM se prétend le gardien. 

Ainsi donc, pour le SNGM, il serait possible de se poser pompeusement en « guides-sentinelles du climat » tout en soutenant à la fois les tenants du ski industriel et un président de région AURA qui assèche les Alpes et les associations de protection de la nature au profit des canons à neige et du lobby de la chasse ?

Il serait possible de se présenter à l’assemblée nationale en « premiers de cordée » de la transition écologique tout en moquant en chœur au congrès de DSF les « Zadistes de Beauregard » et autres « Amish » mangeurs de quinoa qui se battent pour sauver une zone humide à La Clusaz (parmi lesquels des guides adhérents du SNGM) ? 

Il serait possible de vanter la force et la sincérité de son engagement environnemental tout en posant hilares avec des ministres et députés d’un mouvement politique qui a été condamné en justice pour son inaction climatique et qui traite ces enjeux aux 10ème et 41ème rangs gouvernementaux, sous la houlette de ministres sans expérience ni crédibilité en la matière ? 

Il serait possible de prétendre défendre la dignité d’une profession tout en posant en mode « selfie »  auprès de toute éminence susceptible d’offrir un vague accessit à la cour du pouvoir (à l’instar de politiciens de métier voire de groupies énamourées de Justin Bieber ou de Timothée Chalamet) ?

la seule église, le seul parti d’un syndicat de guides qui se respecte devrait être celui de la clairvoyance, de l’intégrité et du courage

Il serait même envisageable, pourquoi pas, qu’après s’être affiché résolument en Syndicat des Guides « Macroniste » ces derniers temps, le SNGM tourne demain « Mélenchoniste », « Mariniste » voire « Maréchaliste » selon le sens du vent politique du moment ? 

Certes, le SNGM revendique, entre autres solgans, que « s’adapter, c’est notre métier » – mais il pousse peut-être ici trop loin le concept de « en même temps » ! 

La seule église, le seul parti d’un syndicat de guides qui se respecte et qui respecte la profession et ses adhérents devrait être celui de la clairvoyance, de l’intégrité et du courage. Par ses affichages actuels, le SNGM pourrait conduire la profession de guide (puisqu’il prétend la représenter à lui tout seul) à perdre son crédit et son honneur – c’est-à-dire son âme et sa peau.

Il est temps que ses élus retrouvent une boussole et le sens de l’itinéraire. Ou que ses adhérents les guident, si nécessaire.