Qui dit Julien « Pica » Herry dit souvent pente raide. Pourtant, ce spécialiste des descentes extrêmes dans le Mont-Blanc est aussi un guide de haute montagne discret, amateur de randonnées paisibles et de découverte. Ça tombe bien : Pica n’avait jamais foulé les neiges des Aravis. Le split, les skis et c’est parti, avec l’aide de l’application Whympr, son partenaire, pour choisir un bel itinéraire dans la combe de Tardevant, sous le froid soleil de janvier.
« Tu sais moi, au-delà des Houches, je ne connais plus ! » On a d’abord cru à une petite blague de Chamoniard endurci. Pourtant non, c’était bien vrai, du moins en partie, n’exagérons rien. Julien Herry, Pica pour les intimes, n’est jamais venu dans les Aravis. Lui qui connait sûrement mieux le Karakoram au Pakistan, est l’un des spécialistes des pentes les plus extrêmes du massif du Mont-Blanc. Il en connait d’ailleurs les moindres recoins. C’est un peu le Vivian Bruchez du snowboard. Le film Earn your turn qu’on vous présentait récemment le montre bien. Spécialiste du split board, Pica est aussi discret que brillant. Sous son indéboulonnable casquette, deux yeux perçants scrutent la montagne.
Vérification de l’itinéraire dans l’application Whympr . ©Ulysse Lefebvre
L’itinéraire réalisé dans l’application Whympr.
Le post de la sortie créé par Alice Barbier © Whympr
La carte des pentes. © Whympr. / IGN
Le soleil plutôt que la pente
Aux parking des Confins, il ne faut pas s’attendre à trouver la solitude. Départ archi-classique pour les combes des Aravis, le lieu situé à quelques encâblures de La Clusaz a le mérite d’offrir un panel de randonnées variées, aux dénivelées moyennes de 1000m.
Combe n°1 : Grand Crêt. Degré de traçage : ratissé.
Combe n°2 : Paccaly. Degré de traçage : rayé.
Combe n°3 : tardevant. Degré de traçage : disons parcouru. Va pour la 3.
Comme ses voisines, la combe de Paccaly s’étend du nord-ouest au sud-est sur une grande largeur, laissant aux skieurs le choix de leur itinéraire. Mais sous ses airs débonnaires, elle offre aussi quelques options intéressantes. L’une d’entre elles semblait faite pour le programme classique de Pica : du raide avec le couloir Tchadar. Sous ce nom aux sonorités pakistanaises, à notre connaissance sorti de l’imagination de feu Jean-François Hagenmüller, ce cache un petit couloir de 200m qui relie la combe de Paccaly à celle de Tardevant. Soit on y accède depuis Paccaly, soit on remonte le couloir pour le repérer et ne pas se faire surprendre par la pente de neige à 40° maximum.
Pourtant pour cette journée de découverte des lieux, l’ambiance du groupe n’est pas vraiment à la performance ou l’adrénaline. La trace moutonnée que l’on suit tranquillement fait l’unanimité face à l’ombre permanente du Tchadar. Plaisir 1 – Prise de tête 0.
De Tardevant au Pakistan
Le Pakistan, Pica commence justement a bien le connaître. Sa dernière expé, on a pu la découvrir dans le film Hunza, dans lequel il explore la vallée éponyme avec Léo Slemmet et Sam Favret. Mais cette fois, Pica y retourne avec d’autres ambitions : « On repart la semaine prochaine, fin janvier, dans l’Hindu Kush pour sensibiliser et former les gens au ski, avec entre autres Hélias Millerioux, Mathieu Maynadier, Lise Billon ou encore Victor Daviet. On y a déjà envoyé plus de 2 tonnes de matériel de montagne collecté. » Pour Pica, c’est une sorte de juste retour depuis que les habitants des vallées des Hunzas l’ont aidé à être secouru après un grave accident de snowboard. Aujourd’hui, il « espère contribuer au développement des sports de montagne et à son tissu économique et touristique » explique t-il sous les rochers de la Salla. C’est là que se niche le Tchadar justement.
La carte IGN dans l’application Whympr.
Carte Whympr qui présente les sommets des Aravis. © Whympr.
Vue 3D du massif. © Whympr.
Du ski au split
Pas essoufflé pour un sou, Pica traîne pourtant ses deux planches de split à un rythme soutenu, tandis que nous tentons de le suivre avec nos skis aux allures d’allumettes. Et à chaque fois c’est pareil : il fait une pause, on le rejoint alors qu’il tire déjà sur sa roulée, puis on repart, d’un bon pas. C’est que le spliteux nonchalant n’a pas toujours eu 25cm au patin. Ses débuts en montagne se sont faits sur les pistes : « J’ai fait plus de 8 ans de ski de fond et de compétition, avec une victoire de la Topolino notamment. Puis j’ai rapidement arrêté mes études. J’ai passé le guide et le monitorat de ski presqu’en même temps. Mes premières années de pratique intensive, c’était de l’alpinisme et de la grimpe. Ce n’est qu’après que je me suis mis au snowboard ».
Rêver d’une sortie, essayer de comprendre une ligne, chercher des infos,
la partie préparatoire est parfois aussi excitante que la course en elle-même !
Et le plus souvent Whympr y participe.
Pica
Avec un grand-père guide, un père guide à l’ENSA et une mère championne de ski alpin, la montagne au sens large était presque une évidence. Aujourd’hui, c’est en bon père de famille qu’il réfléchit à sa pratique et celle de ses enfants : « De nos jours, tu hésites à mettre tes enfants au ski de fond pour ne pas les laisser dans la pollution de la vallée. D’ailleurs, c’est beau les Aravis, mais c’est quand même 1h30 de Chamonix ! » Alors quand le mont Blanc apparaît depuis la crête sommitale de l’Ambrevetta (2463m), Pica sourit : « La maison n’est pas loin à vol d’oiseau ! »
C’est que Pica a l’oeil pour apprécier les distances, repérer les lignes. Pour ça, il n’hésite pas à s’aider de l’application Whympr qui le soutien dans sa pratique : « J’apprécie la possibilité de garder en mémoire mon carnet de courses, de trouver des infos régulières sur les conditions en montagne et évidemment d’utiliser la cartographie. Rêver d’une sortie, essayer de comprendre une ligne, chercher des infos, la partie préparatoire est parfois presque aussi excitante que la course en elle-même ! Et le plus souvent Whympr y participe. »
Aujourd’hui, on a dit plaisir uniquement.
Les jeux de la glisse
Coup d’oeil de l’autre côté : les pentes raides de l’Envers des Aravis plongent dans la vallée de l’Arve. Une prochaine fois pour Pica ? « Pourquoi pas, même si c’est quand même un style particulier la pente raide dans les Aravis non ? ». Pas faux. Il y a quelques jours, Bruchez et Bonhomme ouvraient une nouvelle ligne à Blonnière. Et c’est dans ces mêmes Aravis qu’un certain Tardivel inventait il y a quelques temps le dry-skiing, avec des raclages de skis sur le caillou, entre deux pentes de neige raide. « Particulier » tu disais ?
Mais aujourd’hui, on a dit plaisir uniquement. A la descente, on s’embarque donc comme des gosses dans un parc de jeux. Même si les risques d’avalanche doivent toujours être mesurés, la combe offre pas mal de possibilités de lignes débonnaires et chacun trouve une portion de neige vierge à tracer ou à slasher à l’ombre de la tête de Paccaly.
Les raides couloirs seront pour plus tard. Pour l’instant, on joue entre ombre et lumière avec l’agréable impression qu’il reste un sacré bout de montagnes à explorer.