Parce que la montagne demande du recul, pour mieux la voir et mieux en rire, nous sommes allés chercher un observateur à la mer. Bein oui. À La Rochelle précisément, là où l’aventure démarre plus souvent en mettant les bouts qu’en lovant les cordes. Bienvenue au niveau de la mer, histoire de nous mettre un peu la pression.
Qu’est-ce qu’un blanc bec de mon rang vient-il faire au sein de la rédaction – oh combien prestigieuse !– d’Alpine Mag ? Qu’ai-je à faire valoir face à ces gaillards intello-montagnards ? Pour tout dire, pas grand-chose. Rapide état des lieux de nos compétences respectives : ils courent les montagnes du monde entier été comme hiver, par les moyens les plus nobles qu’offre l’alpinisme. Ils écrivent, filment ou photographient la montagne comme ils respirent – et sans oxygène – avec les résultats que l’on sait. Ils tiennent l’alcool comme des barmans polonais. Bref, à bien y regarder il ne leur manque que des physiques avantageux.
J’habite La Rochelle depuis bientôt 40 ans et pratique la montagne trois à quatre semaines par an, si la météo est bonne. Je ne suis bon nulle part, mais mauvais à peu près partout dès lors qu’il s’agit d’y progresser hors sentiers. Je skie comme une bourriche d’huître et s’il est vrai que j’apprécie beaucoup l’escalade, il semblerait que la réciproque ne tienne qu’à un fil, ce qui peut vite s’avérer précaire, vous en conviendrez. Selon la formule consacrée : Je n’assure pas, donc j’assure. Quant au travail d’écriture, je le vis souvent comme la sensation d’enfiler une paire de chaussons en 40 (chaussant du 43). Enfin, je m’effondre généralement après deux bières, certainement sous l’effet de la pression.
Prenez les six lettres de A-L-P-I-N-E,
mélangez-les et tentez d’en tirer un autre mot.
Mais par tous les monts et par tous les vaux, qu’est-ce qui peut bien me lier à cette noble revue Alpine ? Le scrabble par dit ! Celui-là même qui fait la hantise de mes acolytes lors des longues soirées au refuge. Premièrement car ils n’y coupent pas, deuxièmement car je me plais dans cette noble (!) discipline de l’esprit, ce qui me permet en règle générale de les ridiculiser – je dois vous concéder que j’aurais préféré que ce soit en ski. Oui, le scrabble nous rapproche, au sens propre comme au sens figuré. Démonstration ! Prenez les six lettres de A-L-P-I-N-E, mélangez-les et tentez d’en tirer un autre mot. Alors oui bien-sûr, faibles d’esprits que vous êtes, vous autres montagnards, vous allez me sortir LAPINE ; en un seul mot pour les plus raffinés de vos vallées. Puis comme vous ignorez les règles du jeu vous allez tenter EPINAL. Les plus audacieux d’entre vous iront jusqu’à passer leur tour, pour remettre au petit sac vert, le A et le L dans l’espoir d’y piocher en échange un G et un E. Alors je me presse d’en finir avec ce texte, avant que l’effet du GENEPI n’annihile davantage vos facultés de compréhension. Le mot qui nous rapproche n’est autre que PLAINE ! Et comme en plus j’ai un S je le mets au pluriel, PLAINES : Scrabble ! plus 50 points !
Comme souvent quoiqu’on l’oublie, c’est de géographie qu’il s’agit. Le torrent de la vallée ALPINE deviendra ou rejoindra une rivière qui elle-même affluera dans un fleuve. Ce dernier sillonnera la PLAINE pour se jeter dans l’OCEAN. Vous souhaitez revivre au plus près le transect de l’eau de la montagne jusqu’à l’Océan via les plaines ? C’est très simple. Mélangez les cinq lettres d’O-C-E-A-N, vous obtiendrez un CANOE. Que la montagne est belle vue de la plaine…