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Paul-Emile Victor : le rêve et l’action

12 clichés, 12 aventures

Paul-Emile Victor fut l’un des plus grands explorateurs du XXe siècle. Spécialiste de ce pionnier des mondes polaires, Stéphane Dugast a rédigé cette magnifique biographie à quatre mains, aux côtés de la fille unique de Paul-Emile, Daphné Victor. Tous les deux, ils déroulent la fresque magnifique d’un homme qui su allier rêve et action. Voici en 12 photos et légendes, 12 temps fort d’une vie d’aventure.

Paul-Emile Victor, Le rêve et l’action, Daphné Victor et Stéphane Dugast, Editions Paulsen, 2020, 216p., 39,90€

1921 – © Bridgeman Images/Fonds de dotation Paul-Émile Victor

LA MANSARDE
En 1921, le jeune Paul Victor a 14 ans. Il reçoit la bonne éducation bourgeoise d’un fils d’industriel installé depuis peu à Lons-le-Saunier, au cœur du Jura. Enfant rêveur et solitaire, il aime à se réfugier dans sa “mansarde“ nichée sous les toits de la maison familiale – la première des nombreuses cabanes qu’il construira tout au long de sa vie. Dans cet antre qu’il décore et aménage lui-même, il dessine, écrit, lit et surtout rêve à sa vie future. L’étagère est garnie de livres d’aventure et d’action. Aux murs sont épinglées deux cartes : l’une, immense, de la Polynésie, l’autre de l’Arctique.

1925 – © Bridgeman Images/Fonds de dotation Paul-Émile Victor

LE SCOUT
Paul et sa sœur Lily apprennent très tôt la nature et les activités de plein air, grâce notamment au mouvement scout, importé en France en 1911. Au sein des Éclaireurs de France, d’inspiration laïque, Paul Victor (à droite) devient « Tigre souriant ». Il se reconnaît dans les valeurs d’égalité, de loyauté, de solidarité, d’esprit d’équipe. Il apprend l’autonomie, la débrouillardise, l’ouverture sur l’ailleurs et l’autrement. Il aime cette vie en groupe et en plein air, il aime camper, coupé de tout. Chez lui, les ferments sont là, ceux qui feront pousser en lui la graine de l’aventurier et de l’humaniste.

1930 – © Bridgeman Images/Fonds de dotation Paul-Émile Victor

LE LARGE
Parce qu’il rêve de voyager et que pour cela, il faut savoir naviguer, Paul Victor abandonne ses études d’ingénieur au bout de trois ans, et intègre l’École de la marine marchande à Marseille. L’expérience est peu concluante : il supporte mal les contraintes, la discipline, les règlements stricts et parfois incohérents. C’est pourtant dans la Marine nationale – celle qu’on appelle “la Royale“ – qu’il s’engage en 1929 pour effectuer ses dix-huit mois de service militaire. Devenu aspirant élève-officier, ses affectations successives ne l’empêchent pas de s’ennuyer ferme, tant la routine et la discipline lui pèsent. Il en ressortira affublé d’un nouveau prénom, Paul-Émile, et bien décidé à continuer de construire ses rêves.

1931 – © Bridgeman Images/Fonds de dotation Paul-Émile Victor

L’ENVOL
Éric, le père de Paul-Émile, a adhéré dès 1921 au Comité français de propagande aéronautique, qui défend et soutient le développement de l’aviation naissante. Pour Paul-Émile, piloter est, certes, un loisir passionnant et peu ordinaire pour l’époque, mais c’est surtout un des outils nécessaires à un futur explorateur. En 1931, il se rend régulièrement de Lons-le-Saunier à Orly, qui n’est encore qu’une immense étendue d’herbe. Une biroute plantée au milieu d’un champ indique qu’il s’agit d’un terrain d’aviation, et deux immenses hangars à dirigeables le confirment. Ayant appris à piloter sur un Potez 36, c’est sur cet avion qu’il obtiendra son brevet de pilote.

la traversée d’ouest en est
de la calotte glaciaire du Groenland

1934 – © Bridgeman Images/Fonds de dotation Paul-Émile Victor/photo R.Gessain

LE DÉCLIC
Dix mois après s’être installé à Paris et avoir suivi les cours d’ethnologie au Collège de France et au musée d’ethnographie du Trocadéro (futur Musée de l’Homme), Paul-Émile entame en août 1934 un séjour d’un an sur la côte est du Groenland. Il est très vite fasciné par le mode de vie de ceux qu’on appelle alors les “Eskimos“, par leur prodigieuse adaptation à un milieu naturel hostile et leur faculté à être heureux sans grands besoins matériels. L’ethnologue écoute, dessine, enregistre, filme, photographie. Il apprend rapidement à parler la langue, à conduire le traîneau à chiens et le kayak, à chasser, à pêcher et surtout, il se révèle à lui-même.

1936 – © Bridgeman Images/Fonds de dotation Paul-Émile Victor

L’EXPLOIT
Juin 1936 : premiers Français à le faire, Paul-Émile Victor et trois compagnons accomplissent la traversée d’ouest en est de la calotte glaciaire du Groenland. L’un fait la trace à skis tandis que les trois autres suivent avec leurs traîneaux, chargés chacun de 500 kg de rations et matériels.
12 à 15 heures de marche pendant 49 jours, 829 kilomètres, des vents pouvant souffler jusqu’à 120 km/h et une température qui aura oscillé entre -10 et -27°C pendant 12 jours d’affilée.

©Fonds de dotation Paul-Émile Victor

LA GUERRE
Après huit mois d’un voyage incertain, Paul-Émile Victor arrive en juillet 1941 aux États-Unis où il compte bien poursuivre sa carrière polaire brusquement stoppée par la guerre. Mais il devra attendre un an avant de pouvoir s’engager comme simple soldat dans l’aviation américaine. Son expertise polaire enfin reconnue, et son brevet de parachutiste en poche, il est affecté en 1943 à Denver, dans le Colorado, comme commandant en second et instructeur. Au sein de l’École de formation arctique (
Arctic Training School), il forme et entraîne des escadrilles de recherche et de sauvetage (Search And Rescue Squadrons) en milieu polaire, avant de prendre le commandement de l’une d’elles en Alaska.

© Bridgeman Images/Fonds de dotation Paul-Émile Victor

L’ENTREPRISE
Dès 1946, jouant la carte de la sensibilité nationale, Paul-Émile Victor réussit le tour de force d’engager la France exsangue d‘après-guerre dans la voie des explorations polaires. En février 1947, les Expéditions polaires françaises (EPF) sont créées par le gouvernement d’une IVème République à peine née. Leur objectif : réaffirmer, en Arctique comme en Antarctique, l’existence de la France comme nation polaire. La toute première expédition a lieu en 1948 au Groenland, où il s’agit d’installer, à 3 000 mètres et au cœur de l’inlandsis (la calotte glaciaire), une station scientifique où des hommes puissent vivre et travailler sur le terrain.

©Fonds de dotation Paul-Émile Victor

LE PARTAGE
Dès avant-guerre, une des volontés de Paul-Émile Victor est de transmettre, de faire connaître au grand public la réalité des régions polaires et du travail scientifique qui s’y fait. Il publie nombre de livres de “vulgarisation“ et donne nombre de conférences, grâce entre autres à Connaissance du monde – dont le slogan est « À l’écran, un grand film ; sur scène, l’auteur ». Que ce soit dans de grandes salles prestigieuses comme la salle Pleyel à Paris, dans des salles des fêtes en province ou dans les écoles, ses talents d’orateur, de conteur et de pédagogue, alliés à son charisme, font mouche à chaque fois.

©Fonds de dotation Paul-Émile Victor

LES SCIENCES
La seconde Expédition Glaciologique Internationale au Groenland (EGIG 2), entamée en 1957 dans la foulée de la première, réunit la fine fleur des organismes et instituts polaires du monde. Elle se prolongera année après année jusqu’au début des années 1970, tant les résultats des recherches scientifiques menées sur le terrain apportent de connaissances sur la planète, que ce soit en glaciologie, géologie, climatologie, médecine polaire, etc. Paul-Émile Victor, chargé des missions préparatoires à l’international, n’a pas besoin d’être poussé pour faire alors de nombreux séjours au Groenland (ici en juin 1967, sur la calotte glaciaire).

©Bridgeman Images/Fonds de dotation Paul-Émile Victor

L’ÉCOLOGIE
Ses voyages aux quatre coins du monde et la lecture, dans les années 60, du premier livre traitant de la dégradation de l’environnement – Silent Spring (Printemps silencieux), de l’Américaine Rachel Carson -, provoquent chez Paul-Émile Victor une réelle prise de conscience. En 1974, il crée le Groupe Paul-Émile Victor pour la défense de l’homme et de son environnement, où le rejoignent des personnalités sensibles à cette cause et très médiatiques alors : (de gauche à droite sur la photo) le médecin Alain Bombard, le docteur et mécène Jacques Debat, la pilote d’essai Jacqueline Auriol, le physicien Louis Leprince-Ringuet, le vulcanologue Haroun Tazieff et l’océanologue Jacques-Yves Cousteau.

© Bridgeman Images/Fonds de dotation Paul-Émile Victor/photo B.Barbier

LE PARADIS
Le 11 décembre 1958, Paul-Émile Victor écrit dans son carnet de poche : « Nulle part ailleurs au monde ! » Il vient de survoler pour la première fois Bora Bora, dans cette Polynésie française qui le fait rêver depuis l’enfance. Il y revient plusieurs fois et se prend de passion pour ces îles et leur population encore intouchée – comme l’étaient avant-guerre les Inuits de la côte est du Groenland. Quelque vingt ans plus tard, il décidera de s’y installer définitivement pour y vivre une “retraite“ aussi active qu’abondante : sur son motu(petit îlot corallien accroché sur la barrière de Bora Bora), il reçoit moult visites, dessine, peint, écrit… C’est au large de Bora Bora que, selon sa volonté, il sera immergé le 13 mars 1995 depuis le bâtiment de la Marine nationale Dumont d’Urville.

Photos publiées avec l’autorisation gracieuse du Fonds de dotation Paul-Émile Victor.

Daphné VICTOR Après une vie professionnelle orientée vers l’audiovisuel et le droit, Daphné Victor se consacre de manière active au Fonds de dotation Paul-Émile Victor, qu’elle a créé avec ses frères et dont elle assume la présidence. Dans le cadre de son devoir de mémoire vis-à-vis de son père, elle a, entre autres choses, réédité ses œuvres autobiographiques et ses livres les plus importants, et fait paraître un recueil de ses dessins, ainsi que deux biographies (dont celle, illustrée, chez Paulsen) de l’explorateur.