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On a grimpé avec Jean-Marc Rochette

Pilier Chèze, Tête du Rouget

C’est sans doute l’auteur qui a le mieux raconté la montagne depuis Rébuffat. Avec sa BD autobiographique, Ailefroide, Jean-Marc Rochette a touché un très large public tout en parlant au coeur des passionnés qui ont aimé ses références précises au massif des Écrins. Dessinateur, co-auteur de la BD Transperceneige devenu film à succès puis série Netflix (Snowpiercer), artiste-peintre, Jean-Marc Rochette est revenu, depuis, à la montagne. Nous avons grimpé avec lui le pilier Chèze à la Tête du Rouget, belle escalade au-dessus de sa maison.

L‘homme est épris de liberté, et l’artiste n’a pas de raison de s’encombrer du vouloir plaire qui anime les sphères virtuelles. Jean-Marc Rochette est entier, de même que sa passion pour la montagne. Entre deux confinements, l’idée germe de proposer une ascension à Rochette, qui a renoué avec l’alpinisme après une coupure de quelque quarante années. Ce sera l’occasion de réaliser un épisode du podcast la Folie des Hauteurs signé par Lionel Cariou pour France Bleu. Et de faire un reportage, bien sûr, en grimpant cette belle voie du cirque du Soreiller : le pilier Chèze à la Tête du Rouget. Ladite tête du Rouget a ceci de particulier qu’elle recèle sans doute l’un des plus beaux rochers de l’Oisans, un granit franc et rouge, mais aussi que ce sommet surplombe la maison que Jean-Marc Rochette a acheté dans le hameau des Étages.

Rochette a renoué avec l’alpinisme après une coupure de 40 ans, et s’est installé en Oisans.

Rochette en son jardin. ©Jocelyn Chavy

Il est cinq heures, le Vénéon s’éveille. ©JC

L’artiste et dessinateur a en effet élu domicile dans ce coin sauvage de l’Oisans, d’où l’on aperçoit le versant nord-ouest Dôme de Neige des Écrins, sur la route de la Bérarde. Rendez-vous est pris chez lui, d’où à proximité le sentier pour le Soreiller s’élève et conduit au pied de la Dibona, au refuge du Soreiller. Magnifique pilier de granit ouvert en 1963 sur la Tête du Rouget (3418m), le pilier Chèze offre une escalade assez raide mais avec suffisamment de prises, une voie classique cotée D (5b max, 350 m) où il faut savoir se protéger, pour le leader, avec de rares pitons et donc placer des coinceurs.

Journaliste à France Bleu Isère, Lionel Cariou ajoute à son jeu de coinceurs un micro et un enregistreur HD, tandis que je me charge du matériel photo et vidéo qui va servir à réaliser le teaser de notre saison 2 du podcast de la Folie des Hauteurs. Rochette, lui, emmène ses chaussons, son verbe passionné et son regard curieux, avide d’escalade et d’angles inédits.

Voici ses paroles, recueillies au fil de l’ascension. Son accident, son retour à la montagne, le dessin, tout revient à chaque relais, après chaque longueur. Au sommet qu’il n’a jamais foulé le paysage lui est familier : l’Oisans l’a façonné. Merci Jean-Marc.

©Jocelyn Chavy

A la brèche, première interview. ©JC

« Au départ je voulais être peintre, mais j’avais une passion pour la grimpe, et je n’étais pas très bon en dessin, je dessinais comme ça sans plus. Puis quand j’ai été blessé à 20 ans, je me suis mis à faire de la BD, et les progrès ont été immédiat, je suis passé d’un mec qui était relativement commun en dessin, à un type qui dessinait un peu comme les américains. Il y avait toute une école américaine un peu underground : Richard Corben, Krum, etc… et j’étais un peu dans ce style-là et ça a marché tout de suite !
Je sais pas du tout comment expliquer le fait que ça a marché. J’ai eu mon accident et ça a changé mon axe de vie. Peut-être que je me suis accroché au dessin comme à une bouée. » Jean-Marc Rochette

Premières longueurs du pilier Chèze ©Jocelyn Chavy

 ©JC

« Après mon accident, mon corps n’aimait plus du tout ça. J’ai encore grimpé une saison derrière, mais je m’étais quand même fait arracher toutes les dents dans mon accident, et c’était juste mon corps qui ne voulait plus. Je me suis pris une pierre dans la tête, au niveau de la mâchoire inférieure, ça m’a pété toutes les dents. » Jean-Marc Rochette

JM Rochette assure Lionel Cariou dans la longueur-clé, autour de 5/5+. ©Jocelyn Chavy

« Ce pilier Chèze, c’est une très belle ligne ! Il y a un sens artistique dans les grands ouvreurs. Dans le ressaut de toute façon c’est dur de partout, Chèze a trouvé le bon chemin. D’ailleurs des fois on se dit que c’est miraculeux car il y a la bonne prise au bon endroit. Il y a une espèce de logique entre le corps humain et la roche. » Jean-Marc Rochette

©Jocelyn Chavy

Partie supérieure, une arête commode. ©JC

©Jocelyn Chavy

« La BD dans laquelle je raconte ma vie, Ailefroide, s’est vendue à plus de 100 000 exemplaires, ça n’est arrivé que à Frison-Roche, Messner ou à Herzog, mais c’était il y a longtemps. Rayon montagne il n’y a que 3 ou 4 bouquins qui ont atteint ce niveau. Ce qui est incroyable pour l’histoire d’un alpiniste lambda, j’étais un grimpeur comme il y en a plein. C’est peut-être pour ça que ça a connu un tel succès, c’est le côté universel de l’histoire. Tout le monde peut se reconnaitre dans Ailefroide. » Jean-Marc Rochette

Du sommet de la Tête du Rouget, vue sur le Pic Gény à gauche, la Meije en toile de fond ©Jocelyn Chavy

Cariou-Rochette : une interview haut-perchée. ©JC

« Je pense que je regarde le monde à travers le prisme de la montagne, j’y vois des poussées, des forces. Les ombres en montagne je les trouve super belles, elles sont complexes. Quand on regarde ça c’est un monde abstrait. Mais si tu commences à regarder, il y a des structures partout, des matières, c’est très pictural. » Jean-Marc Rochette

La descente, à droite l’Aiguille du Plat de la Selle. ©Jocelyn Chavy

Tête du Rouget : le pilier Chèze est l’évident pilier de droite, au rocher rouge. ©Jocelyn Chavy

Rochette au Soreiller ©JC

« Je suis super content, c’est une voie quand tu sors de là t’as vraiment fait de la montagne ! Il y a deux longueurs difficiles et les trois longueurs qui suivent c’est du IV peu clouté, il faut que le type qui soit en tête soit sûr de lui, c’est vraiment une magnifique voie. Et très content que le mec est donné son nom au pilier, le Pilier Chèze, c’est comme une signature. C’est l’honneur et la chance des grands grimpeurs c’est qu’ils restent toujours vivants dans le cœur de ceux qui suivent. Comme des artistes. » Jean-Marc Rochette

©JC

Propos recueillis par Lionel Cariou et Jocelyn Chavy.

Retrouvez Jean-Marc Rochette :

– dans le troisième épisode de la Folie des hauteurs, le podcast montagne de France Bleu

– dans la vidéo teaser tournée au pilier Chèze en compagnie du dessinateur.