fbpx

L’Obiou, balade en face nord dans le Dévoluy

La face nord-ouest de l'Obiou vue de l'arête de Rattier. ©Jocelyn Chavy

La Grande Tête de l’Obiou, 2789 m, est un morceau de choix pour randonneurs avertis. Mais sa face nord-ouest est destinée aux alpinistes plus qu’aux grimpeurs : malgré une cotation modeste (PD+), elle recèle de longs passages faciles mais exposés, avec un rocher dévoluard parfois délicat, une escalade subtile. L’ambiance ? Dingue. L’itinéraire ? Astucieux, il permet de naviguer dans cette petite face de 600 mètres de dénivelé en se jouant des impressionnantes tours et parois qui l’entourent. Le vaisseau minéral de l’Obiou est bien gardé. 

L‘Obiou n’en fait qu’à sa tête, et parfois elle demeure couvertes de nuages menaçants, couvrant d’humidité les vastes parois qui font de l’Obiou un sommet plus impressionnant que difficile. Si les grimpeurs ont le plaisir de parcourir la désormais classique Vendanges tardives, une magnifique escalade en face est, les randonneurs savent que l’Obiou est un royaume à part, un vaisseau minéral aux tours menaçantes, aux parois surplombantes et aux pierriers infinis. Mais dans sa vaste face nord qui prend le soleil l’après-midi, puisqu’orientée nord-ouest, l’Obiou recèle un bijou pour amoureux du Dévoluy au pied chamois. Le rocher y est parfois moyen, certes. L’exposition, forte. L’escalade, facile. L’assurage ? Disons, inventif. 

Pas de crampons, mais ils ont failli sortir du sac. ©JC

Après la première cheminée supérieure, décalage aérien vers la gauche pour trouver la suite. ©LC

Ceci pour prévenir le montagnard alléché : comme disait Rébuffat du Cervin, beau de loin, mais au rocher loin d’être beau. Rien de rédhibitoire cependant. Il y a bien ces bouts d’escaliers dévoluards, strates de calcaire empilées les unes sur les autres, parfois cassantes, et puis ce couloir au milieu au rocher sableux. Rien non plus de différent avec ce qu’on gravit dans le Valais, l’Oisans, ou le Mon-Blanc au mois d’août. C’est une facette de six cent mètres pour alpinistes, voilà. 

Les strates de calcaire typiques du Dévoluy

Le style Dévoluy. ©JC

Sur la double vire, ambiance face nord en octobre. ©JC

Dans la descente, par les Chatières. ©JC

Malice

Il y a bien ce pilier nord-ouest (TD, 6a) à la réputation moyenne, à gauche de ladite face nord-ouest. Mais notre itinéraire, lui, est bien plus simple, sauf pour le tracé, plein de malice. L’idée ? Chercher le moyen le plus simple de grimper six cent mètres sans trop de difficultés, en les évitant tout simplement. Du Petit Endroit, un point de bascule entre le soleil et l’ombre, une grande traversée ascendante met dans l’ambiance. Cette première partie est peut-être la plus délicate, car la plus exposée.

S’assurer n’est pas évident, aussi la corde est à utiliser avec parcimonie, ou en assurage court. Des gradins, puis un couloir facile (seul passage en rocher pourri) permettent de prendre de la hauteur et atteindre une double vire (on prendra celle du haut), qui permet de retraverser aisément vers la gauche pour atteindre les cheminées de sortie. Il y a un vrai plaisir que de marcher, poser les mains, en gardant sans cesse un regard vers le haut pour se diriger au mieux, au flair, dans cette face austère.

Depuis le sommet de l’Obiou, son ombre s’étale sur le lac de Corps, avec les Écrins en toile de fond. ©JC

Le regard se pose mille mètres plus bas, et même plus, dans la combe de l’Obiou

Tuyaux d’orgue

Des tuyaux d’orgues qui s’élèvent vers le ciel, et s’évanouissent dans les pierriers, très loin en bas. Les cheminées supérieures sont raides, la corde est la bienvenue, même si poser un coinceur est rare, et encore plus de trouver un piton. Il doit y en avoir deux ou trois environ. Le vide se creuse, et l’ambiance n’a rien à envier aux faces nord plus haut en altitude. Il faut dire que le regard se pose vite mille mètres plus bas, et même plus, dans la combe de l’Obiou. Le clou du spectacle ? Sans doute cette petite traversée entre les deux systèmes de couloirs-cheminées, très aérienne. Tant de beauté est presque un mystère.

De l’alpinisme ? Peu importe. Le Dévoluy laisse passer ceux qui cherchent.

Depuis le Bonnet de l’Évêque, 2663 m, vue sur l’Obiou, dans les nuages, et sa face nord-ouest. On voit la double vire au milieu. ©JC

Massif du Dévoluy, l’Obiou, 2789 m. face nord-ouest

 

Le départ se fait du même point que la voie normale de l’Obiou : les alentours du col des Faïsses, que l’on atteint par une piste carrossable depuis Pellafol via le col de la Samblue. Le parking est situé avant le col des Faïsses, en haut de la combe de la Fontaine, d’où part un sentier qui coupe et rejoint le point 1772 sur IGN.

Itinéraire

Depuis le parking sous le col des Faïsses, 1600 mètres, monter par un sentier qui coupe le flanc nord du col, jusqu’au point 1772 où l’on récupère le sentier de la voie normale de l’Obiou. Franchir le Pas du Vallon, puis, après une traversée, atteindre les replats du Vallon, vers 2000 mètres. On quitte le sentier pour viser le Petit Endroit, une épaule sur l’arête nord de l’Obiou. Traverser un pierrier puis remonter par un système de vires herbeuses et un pas en rocher facile le Petit Endroit.

De celui-ci, sorte de vaste collu entre la combe du Petit Obiou et la face nord, on distingue bien celle-ci. Encordement très court conseillé à partir de là. L’itinéraire est en trois parties : 1) une assez longue traversée ascendante à droite qui s’achève par un couloir 2) une traversée horizontale à gauche, rapide, sur la double vire 3) les cheminées finales.

L’itinéraire débute par une grande traversée montante vers la droite : il s’agit de viser une grande tour décollée dans la face, d’abord en s’élevant un peu, puis en traversant des zones de vires raides entrecoupées de petits murs en rocher fragile. Prudence, cette première section est aisée mais très exposée, y compris aux chutes de pierre, peu protégeable. 

Atteindre le milieu de la face, et des gradins. Remonter la rive d’un couloir sableux, risque de chutes de pierres, plutôt par sa rive droite. En arrivant au pied de la tour, remonter au mieux par quelques pas d’escalade puis par un couloir secondaire des gradins pour atteindre la double vire qui raye la face. Monter sur la vire supérieure. 

Traverser la vire à gauche assez longuement, facile et exposé, franchir un angle. Un bâton en bois indique la cheminée. Remonter celle-ci en deux à trois longueurs (III+, rares pitons), puis, quand elle devient plus raide se décaler une quinzaine de mètres à gauche, passage aérien. Monter dans un couloir (rocher moyen) avec une sorte de pilier au milieu, puis des gradins. Un passage étroit dans une faille livre l’accès au sommet. Au total pour la partie supérieure, après la vire, environ 5 longueurs de 30 mètres.

Descente : par conditions sèches, la voie normale est facile mais n’est pas la plus simple à trouver. Sinon, ou dans ce cas de conditions automnales, avec un peu de neige (qui encombre la vire de la voie normale), préférer descendre par la voie des Chatières, assurage possible si neige ou glace. 

Difficulté : PD+. En hiver, D à D+.

Matériel : friends petits à moyens très utiles pour les fissures horizontales, câblés inutiles. Grandes sangles. Crampons, piolet si neige. Chaussures à semelles un peu rigides agréables pour les pierriers d’accès et retour, et « gratonnages » en calcaire. 

Première : 22 septembre 1927, Charles Buisson, Gilbert Paulin, Léon Royer

Conseils : l’exposition (première partie, et traversée de la double vire), et la difficulté de poser des protections, ainsi qu’un rocher parfois délicat, ne font pas de cet itinéraire une course pour débutants, ou pour une cordée trop hétérogène. Mieux vaut (bien) se connaître pour pouvoir avancer rapidement et simultanément, sans prendre trop de risque ni tirer trop de longueurs, hormis quelques unes dans la section supérieure.