«Le monde d’un malheureux est un autre monde que celui de l’homme heureux.»
Librement inspiré de Ludwig Wittgenstein.
Il neige, tous les sons sont atténués, enveloppés, cotonneux, amortis ; il a fait demi-tour.
Derrière lui il y a un corps, il s’enfoncera doucement dans la rimaye entre le rocher et la neige; cette neige, qui est douce et froide, agit comme un lubrifiant et permet au corps d’entamer lentement une glissade dans un espace – une poche insoupçonnable – de la longueur d’un sarco- phage. C’est là qu’il reposera maintenant et pour long- temps.
Est-il encore vivant cet homme au moment où il glisse, la tête ensanglantée, vers le bas ?
Avant que tout ne s’éteigne pour toujours, avant que son monde ne disparaisse à jamais, sa main se crispe dans un geste rageur, ce dernier mouvement épuise les derniers grammes d’énergie qu’il possède encore ; il disparaît.
*
Bernard Messner se tenait au milieu d’un groupe d’hommes et de femmes dont certains, pour les hommes, avaient des épaules larges de lutteurs, portaient des vêtements amples et une arme à la ceinture. À bien y regarder, les quelques femmes présentes avaient une silhouette de sportive aguerrie et, comme leur alter ego masculin, arboraient leur arme de service. Bernard Messner tranchait au milieu de ces sportifs. Il avait l’allure d’un professeur des années soixante, affectionnait les pantalons de velours à grosses côtes, portait part tout temps des chemises invariablement bleues. Sa moustache était rigoureusement taillée en brosse et
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