Elle s’est invitée sur la photo, discète. Ce ne devait être qu’un banal souvenir de camp de base en montagne, les feux de la ville en arrière-plan, à la veille d’une traversée du Grand Pic vers la Croix de Belledonne.
On savait bien en distribuant les cartes sur notre pierre-table basse que derrière nous, plein ouest, quelque chose se tramait. Qu’un évènement atrophysique rarissime et dépassant notre entendement était en train de foncer à toute allure dans l’espace infini, caché quelque part derrière le filtre flouté des pollutions lumineuses et atmosphériques. En me disant cela, je rangeais l’appareil photo et me concentrais sur l’atout pic de ma partenaire, terre à terre.
Pourtant, notre brillante victoire n’égalait mon intérêt pour la discrète comète. Une dernière photo pour être sûr. ISO 3200, 5s à F/4… C’est quoi cette étoile floue sous la casserolle de la Grande Ourse ? Une comète s’est invitée malgré l’orange de la vallée. Un truc qui fonce à une vitesse inimaginable alors qu’ici la nuit sans bruit laisse entendre les herbes hautes qui vibrent. Un truc qui ne réapparaîtra que dans 6000 ans aux yeux de l’homme, alors que l’on ne sait même pas ce qu’il adviendra de notre espèce dans les 100 ans à venir.
En la figeant sur ma photo, humble point blanc suivi d’une traîne, je ne sais pas si c’est un petit bout du passé ou de l’avenir que j’ai attrapé. Ce qui est sûr, c’est que jamais une partie de belote ne m’aura autant fait cogiter…
