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Joyeux anniversaire, Christophe !

Les 30 ans du K2

Au soir du 15 août 1991, il y a trente ans, deux alpinistes se dressent au sommet du K2, 8611 mètres. Pierre Béghin et Christophe Profit viennent de réussir l’ascension parfaite : celle de l’arête nord-ouest du K2, immense montagne gravie à deux, dans le plus dépouillé des styles, celui qu’un Messner a hissé au pinacle avant eux. Ce 15 août 1991, une cordée magique signe l’une des plus belles ascensions françaises en Himalaya. Christophe Profit est à l’apogée de sa carrière d’alpiniste professionnel. Bouche bée, le monde entier l’a vu, en 1983, les mains dans les fissures de la Directe Américaine, sans corde ni baudrier, sa vie ne tenant qu’à un fil, celui de la confiance extrême qu’il avait placé en lui. Un exploit en solitaire réitéré seulement il y a quelques jours par le plus audacieux des grimpeurs actuels, Alex Honnold.

Christophe Profit au sommet du K2, avec Pierre Béghin, le 15 août 1991. ©collection Béghin.

En 1983, Pierre Béghin, de dix années son aîné, signe le Kangchenjunga en solitaire, l’un de ses deux solos himalayens majeurs (avec le Makalu en 1989). Béghin connaissait le K2. Il l’avait humé en 1979, de même que le style d’ascension lourde qu’il ne voulait plus et qui était celle de l’expé française de cette année-là. Sans sommet. Et avant un nouvel échec en 1988. Béghin a tourné autour du K2 pendant plus de dix ans. Christophe Profit, lui, a signé la trilogie des faces nord en hivernale et en solo en 1987, son autre indépassable exploit dans les Alpes.

J’ai besoin d’être à l’unisson de la montagne, de vibrer avec elle. Christophe Profit.

Août 1991 : Profit et Béghin sont au K2. Le vétéran dur-à-cuire s’est associé au flamboyant taiseux. Les deux hommes bivouaquent à plus de 7900 mètres, le 14 août au soir, après avoir avalé plus de mille mètres de dénivelé depuis le camp 1. Le lendemain sera une épreuve pour les deux alpinistes, un choix de cordée, qui doit traverser un champ de mines, en l’occurence une gigantesque zone de plaques à vent. « Le courage est indispensable pour oser se lancer et pour surmonter les difficultés, mais il faut qu’il ait été nourri par l’expérience du danger et par la confiance en soi qu’on en a tiré » a écrit Reinhold Messner, une icône pour Béghin. Les deux hommes franchissent le Rubicon, et malgré une neige pourrie où ils s’enfoncent jusqu’aux cuisses, ils poursuivent jusqu’à la nuit tombée. Et atteignent le sommet du K2, ce 15 août 1991. Deux jours de descente pour un succès magistral. 

La quintessence du style alpin. Une ascension parfaite. Une cordée magique. Trente ans plus tard, il n’y a peut-être pas de cordée équivalente, en France. Sans doute n’y-a-t-il pas déficit d’alpinistes extrêmement doués. Mais l’audace, la vista, et ce qu’il faut bien appeler l’ambition d’une telle cordée, on n’en voit guère, à l’exception, sans doute, de celle du Gang des Moustaches qui a oeuvré en face sud du Nupste (2017), ou de celle, rescapée, de Stéphane Benoist et Yannick Graziani à la face sud de l’Annapurna (2013).

Cette cordée magique, Béghin-Profit, ne se reformera pas. L’année suivante, à l’automne, Béghin s’encorde avec une autre pointure plus jeune que lui, Jean-Christophe Lafaille, pour gravir la face sud de l’Annapurna. Il n’en reviendra pas. Christophe Profit, lui, continuera un temps les expés, avant de se tourner vers le métier qui l’a toujours animé : celui de guide de haute montagne. « J’ai besoin d’être à l’unisson de la montagne, de vibrer avec elle » nous a confié un jour Christophe Profit. Nul doute que ce 15 août 1991, la cordée était à l’unisson.