C omme souvent dans le Verdon, le rocher est excellent. Son calcaire gris fait partie de ce que le jurassique nous a légué de meilleur : adhérent, compact, sculpté, comme sur cette paroi des basses gorges.
20 juin 2021. La prise est petite mais saillante. Il faut la pincer et laisser le picot pénétrer la pulpe des doigts. Quant aux pieds, nus sur le caillou, ils se tendent sur les appuis minuscules. L’hiver n’a pas été riche en escalades. Le grimpeur retrouve lentement les réflexes, la technique mais surtout le contact avec le minéral. Et puisqu’il s’essaie à escalader seul et sans corde, il sert un peu plus fort les aspérités du rocher.
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L’un des mythe du solo intégral a été inventé ici, par un grimpeur-épure dansant dans l’opéra vertical. Combien sont-ils encore a rêver de l’escalade comme art de vivre, refuge de simplicité et d’authenticité ? Quel grimpeur ne s’est pas senti poussé un bandeau dans les cheveux en pénétrant dans les gorges du Verdon ? Qui n’y a pas eu faim d’un simple sandwich et soif d’un verre d’eau ?
Alors une fois engagé sur la paroi, seulement équipé de ses doigts et de ses mythes, le grimpeur-rêveur progresse timidement. L’escalade n’est pas extrême mais sa peau brûle. Il s’élève au-dessus de l’air chaud qui l’éloigne peu à peu du monde d’en bas. Tête en l’air, il s’éloigne enfin du terre à terre. Son plaisir de retrouver ces mouvements particuliers, athlétiques et esthétiques, est immense. Il vit en quelques minutes d’escalade un bonheur infini. Inexplicable mais sans prétentions. Aussi primaire que fugace. De cette intensité floue dont sont faits les rêves.
L’escalade est une respiration
La réalité le rattrape. Les avant-bras brûlent, les orteils tremblent. Seul et sans corde il doit lâcher et s’abandonner à la chute. Les eaux vertes du Verdon l’accueillent à flots ouverts. Remontée à la surface, grande inspiration, large sourire et c’est reparti.
L’escalade est une respiration. Et nous avons l’été au bout des doigts pour reprendre notre souffle.