Et si Darwin avait été alpiniste ?, Cédric Dentant, Ed. Le Naturographe, 2020, 170p., 24,50€
Et si Darwin avait été alpiniste ? Autrement dit : et si l’un des plus grands naturalistes avait grimpé les montagnes tout en réfléchissant à sa théorie de l’évolution des espèces, qu’en serait-il ressorti ? Des découvertes incroyables probablement, qui auraient surgi plus tôt et n’aurait fait que renforcer le « darwinisme ». Imaginez plutôt : des plantes, lichens et autres bactéries qui se sont adaptées pour vivre à très haute altitude, jusqu’aux dernières pentes de l’Everest, à plus de 8400m. Qu’il soit trop pressé pour les voir, ignare ou mal équipé (quoi, vous n’avez pas un microscope en fond de sac ?), l’alpiniste ou le grimpeur passent en général à côté de bien des êtres vivants, occupants à temps complet de la montagne parcourue le temps d’une course.
Et si les alpinistes étaient naturalistes ? C’est la question qui résonne en écho au titre de ce livre passionnant écrit par le botaniste Cédric Dentant. Lui qui est aussi alpiniste apporte une réponse de 170 pages. Et cette réponse, c’est une plongée à vue dans quelques morceaux choisis de l’histoire commune des plantes et du rocher, des mousses et de l’altitude, des grimpeurs et de toutes ces petites plantes qui colorent les parois et le pied des voies.
Il est évidemment question de Darwin et des montagnes éponymes en Patagonie, mais aussi du célèbre Saussure et de l’androsace Saussurei que l’on trouve sur les flancs du mont Blanc (voir notre article dédié à ce sujet). Le voyage est ensuite hétéroclite, du Cervin à l’Everest. Mais ce n’est pas sur le toit du monde que ce petit livre d’aventure, cette belle plante grimpante et littéraire, va trouver son sommet. C’est plus proche de nous, là où les pieds de voie sentent bon le soleil et ces inombrables fleurs sur lesquelles Cédric Dentant met enfin un nom. A Buoux puis Céüse, son histoire des gimpeurs et des plantes nous emmène sur le calcaire qux côtés de Raymond et Huguette Coulon, Philippe Macle ou Jean-Christophe Lafaille. Voilà deux chapitres que l’on sent avoir été écrits avec tout l’amour des lieux et de ses occupants, tous grimpants. On y découvre ou redécouvre que le potentiel d’escalade de Ceüse a été découvert grâce à une petite fleur.
On serait bien en peine de déterminer s’il s’agit d’un livre d’escalade ou de botanique. Ce n’est ni l’un ni l’autre mais chaque domaine est abordé avec l’érudition du savant et les mots du pratiquans. Objet éditorial inattendu, Et si Dawin avait été alpiniste apporte un regard nouveau et rafraichissant sur notre manière et nos motivations à parcourir la montagne. Et nous, lecteurs découvrant tout un monde végétal nous ouvrirons plus encore les yeux lors de notre prochaine ascension.