
Il y a quelques jours, Christophe Profit a dû se présenter à nouveau sur les bancs du tribunal, devant la cour d’appel de Chambéry. Lors d’un premier jugement, l’alpiniste et guide de haute montagne s’est vu reprocher d’avoir retiré des pieux sur la voie normale du mont Blanc en 2022. Accusé de « vol » il avait été condamné pour cela à 600 euros d’amende – au lieu des 4000 requis par le procureur – en juin dernier, une décision qu’il a contestée.
D’ailleurs, en première instance, il a été lavé de l’accusation de « mise en danger de la vie d’autrui » telle qu’était énoncée la plainte du maire de St-Gervais, M. Peillex, instigateur des pieux sur l’arête des Bosses du mont Blanc.
Près de sept mois plus tard – ce qui donne une idée de la surcharge dont les tribunaux sont accablés – le parquet a requis à l’encontre de Christophe Profit la confirmation de la peine de 600 € prononcée en première instance.
Pour l’avocate générale, citée par Le Dauphiné Libéré, « si cette infraction sous-tend un deuxième débat, sécuritaire ou philosophique sur la façon de faire de l’alpinisme ce n’est pas à la cour de trancher ». Alors que fait Profit sur le banc des accusés ?

Christophe Profit chez lui. ©Ulysse Lefebvre
Résumons. Christophe Profit a retiré deux des quatre pieux à la main. Il a averti le PGHM, et a voulu discuter de l’intérêt d’équiper une arête qui devient en glace quand une trace permet, au moins une partie de la saison, de contourner l’arête en passant par un cheminement facile en versant nord. Il n’a pas volé du mobilier urbain ou du cuivre pour le revendre !
De surcroît, la question de la légalité de ces pieux est posée : cet équipement irait à l’encontre du texte de protection du mont Blanc, l’APHN… lui même oeuvre du maire de St-Gervais, qui n’est pas à une contradiction près. L’argument a été avancé par l’avocat de Christophe Profit.
Si l’avocat général ne veut pas parler du fond de l’affaire, que juge-t-on en cour d’appel ? Depuis quand la justice jugerait-t-elle quelqu’un sans prendre en compte ses motivations ? Pourquoi, si le parquet ne veut pas entendre sa dimension « sécuritaire ou philosophique », s’est-il donné la peine d’instruire et de traîner M. Profit au tribunal ? La justice tomberait-elle dans la crevasse béante de ne pas voir autre chose qu’un « vol » de bouts de plastique dans cette affaire ?
En démissionnant de la compagnie des guides, Christophe Profit a déjà payé pour cette affaire
Ne vous y trompez pas. Le plus grand alpiniste français est un justiciable comme un autre, fut-il une icône de la montagne. Mais Christophe Profit a déjà payé.
Après avoir voulu rendre les pieux aux guides de Saint-Gervais, dans un geste incompris d’apaisement, il a été lâché par certains de ses pairs au sein de la compagnie des guides de Chamonix. Lui qui en était l’un des plus fameux représentants, a donné sa démission pour marquer son désaccord avec ceux qui défendent l’équipement de la voie normale du mont Blanc. Pour lui qui s’est totalement investi dans le métier de guide, se résoudre à quitter la compagnie a dû être un crève-coeur.
Christophe Profit a donc déjà payé pour les pieux. Sa place chez ses pairs contre sa volonté farouche de garder sa liberté, et surtout de provoquer un débat, une réflexion sur ce que devient, ou pas, la haute montagne. Que la justice puisse s’en souvenir.