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Charles Dubouloz et Symon Welfringer signent une première en style alpin à la frontière Népalaise

Du 17 au 19 mai 2024, la nouvelle génération de l’alpinisme français incarnée par Charles Dubouloz et Symon Welfringer a une nouvelle fois frappé. En seulement trois jours, les deux compères ont ouvert « Le cavalier sans tête », un nouvel itinéraire technique qui zèbre les 1700 m de la face ouest du Hungchi (7029 m) à la frontière du Tibet et du Népal. C’est la première fois que ce sommet méconnu est gravi en style alpin. Un plan B qui se révèle quatre étoiles, et une très belle réalisation à la clé.

Il y a quelques semaines, Charles Dubouloz et Symon Welfringer nous avaient notifié leur départ vers l’Himalaya à l’aide des nouveaux outils de communication des alpinistes 2.0 que sont les stories instagram. Pour autant, personne ne savait quels étaient leurs objectifs. Seulement accompagnés du photographe et vidéaste Mathurin Vauthier présent pour documenter l’expédition, aucuns doutes, ils n’étaient pas venus pour acheter du terrain.

en expédition à l’autre bout du monde
les choses se passent rarement comme prévu

L’objectif initial ? Le Gyachung Kang (7952m) quinzième plus haut sommet du monde. Un monstre du Khumbu aux portes du club des 8000 situé sur la ligne frontière entre le Népal et le Tibet, dans un secteur intercalé entre l’Everest et le Cho Oyu.

Moins d’une dizaine d’expéditions dénombrées sur ce sommet depuis la première ascension japonaise en 1964. Même pour nos deux athlètes, cela s’annonçait comme un gros morceau. Sauf que comme le précise Charles et Symon dans leur post commun sur Instagram « Quand on part en expédition à l’autre bout du monde les choses se passent rarement comme prévu. »

Symon et Charles au camp de base. ©Mathurin Vauthier -Millet

Nous retrouvons la fougue
notre soif de sommet

Au fil des semaines, la météo complexe et une bronchite très sévère pour Symon clouent les deux français au camp de base sur la glacier Ngozumpa. L’acclimatation est compliquée, le temps s’écoule trop rapidement. Contraints mais pas résignés, Symon et Charles finissent alors par poser leur regard sur la face ouest du Hungchi (7029 m), « l’heureux inattendu » selon eux.

Plus proche et moins haut, le sommet propose tout de même une face raide et esthétique qui répond aux attentes de la cordée. « Nous retrouvons alors la fougue des rêveurs, aventuriers, conquérants et notre soif de sommet. » racontent les deux alpinistes. La motivation revient au galop. C’est décidé, il faut remonter en selle.

Un sommet presque vierge

Le 17 mai, départ à 5h du matin à l’assaut du monstre. Encore plus que l’objectif initial, le Hungchi n’est pas prisé par les foules. En 20 ans, la montagne a été vaincue par seulement trois expéditions. La première triomphe en passant par l’arête Sud-ouest en 2003. C’est l’œuvre d’une expédition japonaise du club alpin d’Osaka menée par Takashi Shiro.

Cinq jours plus tard, une expédition sud-coréenne répète l’exploit. Enfin, trois ans après, ce sont de nouveau des japonais qui se tiennent au sommet après avoir gravi cette fois-ci le versant tibétain. La liste des réussites n’est pas longue à énumérer, les infos sont peu nombreuses. Les précédentes expés ont un style bien éloigné de l’éthique alpine que s’impose Charles et Symon. Il y a de la place pour nos deux français et leur talent.

La face ouest du Hungchi. ©Mathurin Vauthier – Millet

Longue chevauchée vers le sommet

Ainsi, Charles et Symon se lancent dans une gigantesque escalade qu’ils qualifient de  « complexe et intense ». Malgré un état de fatigue avancé pour Symon, les longueurs s’enchaînent jusqu’au col situé à 6 580 m. Là, les deux alpinistes posent leur bivouac, le premier de l’aventure. Le lendemain est décisif, il faut se reposer. Le 18 mai, c’est le summit push. C’est aussi l’anniversaire de Charles qui fête ses 35 ans. A quelques centaines de mètres du sommet, peut-il rêver meilleur cadeau ?

A 13h30, Charles et Symon atteignent le point culminant du Hungchi. Ils viennent de réaliser la première ascension en style alpin du sommet. Instant de bonheur, mais il ne faut pas traîner. Très vite, en dépit des prévisions initiales optimistes, la météo bascule. Le ciel se ferme devant eux, la neige tombe à gros flocons. Il faut descendre avant de se faire enfermer.

Bivouac givré. ©Coll. Dubouloz-Welfringer – Millet

Symon dans une des longueurs de glace de la face. ©Coll. Dubouloz-Welfringer – Millet

plus de retour en arrière possible

Début de descente ardue. Après avoir peiné à perdre seulement 300 m de dénivelé en quelques heures, Charles et Symon décident de poser un second bivouac. Tout au long de la nuit, le vent souffle extrêmement fort sur la tente. Le 19 au matin, la neige tombe toujours. La cordée décide alors que coûte que coûte, ce dernier jour sera celui du retour au camp de base. D’un commun accord, ils se délestent de leur tente et continuent leur descente en s’engageant dans le versant est, à l’opposé de leur itinéraire de montée. Le pari est risqué, bivouaquer une troisième fois n’est plus une option, plus de retour en arrière possible.

Charles en second dans une section moins raide. L’ambiance himalayenne est au rendez-vous. ©Coll. Dubouloz-Welfringer – Millet

nos compétences et motivations d’alpinistes
ont été mises à rude épreuve

Charles et Symon au sommet. Heureux. ©Coll. Dubouloz-Welfringer – Millet

La décision s’avère finalement être la bonne. Aux termes de nombreux rappels et de longues heures de concentration, les alpinistes atterrissent finalement au pied du géant. « Ces 3 journées ont mis à rude épreuve nos compétences et motivations d’alpiniste. Une adversité telle que le souvenir restera ancré irrémédiablement dans notre mémoire. »  rapportent-ils.

Le cavalier c’est nous
deux êtres entêtés, heureux et comblés

Une aventure qui incarne parfaitement l’essence de l’himalayisme de haut niveau. Fin mélange entre douleur, exploration, technicité et force de ténacité et d’abnégation. En témoigne le nom de la voie « Le cavalier sans tête », référence directe à la chanson éponyme de Damien Saez écoutée pendant l’expédition. Un cavalier qui à travers les tempêtes va « comme une pierre lancée », « comme une flamme sous la neige brûlante. Que nul ne peut éteindre ». 

Modèles établis du haut niveau, Charles et Symon concluent cette aventure ainsi :  « Le cavalier c’est nous : deux êtres entêtés, heureux et comblés. »