350 pages, 850 itinéraires en glace et mixte : l’attente a été longue mais pas vaine ! Vingt ans se sont écoulés depuis le précédent topo, alors que vient de sortir cette nouvelle bible, Cascades de glace et dry du Briançonnais, réalisé par Sébastien Constant. Ce topo indispensable contient les secteurs du Fournel et de Freissinières, et propose les clés de la plus grosse concentration de cascades de glace des Alpes. Voilà qui tombe à pic pour l’Ice Climbing Écrins qui se déroule ce weekend.
Si les Alpes recèlent plusieurs vallées majeures pour la cascade de glace – sans oublier Gavarnie dans les Pyrénées – tout le monde s’accorde à reconnaître au Briançonnais la plus forte concentration de cascades de glace d’Europe, avec comme centre les deux vallées phares que sont Freissinières et le Fournel. Depuis trois bonnes décennies, les glaciéristes font le pélerinage dans les Hautes-Alpes et plus précisément à l’Argentière-la-Bessée, au sud de Briançon, d’où le Fournel, et Freissinières, ne sont qu’à quelques minutes de voiture.
À l’époque, des pionniers comme Robert Balestra, secouriste, et bien sûr Gérard Pailheret – inventeur du rassemblement qui deviendra l’Ice Climbing Ecrins – se délectent de dizaines d’ouvertures, particulièrement au Fournel, tant le terrain de jeu est vaste et les possibilités énormes. C’est le moment où sort le premier topo, en 1992 puis 1996, de Robert Balestra. Le dernier à être sorti avant le nouveau topo de Seb Constant est celui de Philippe Turin et Étienne Fine, en 2005 ! Après 150 voies en 1992, c’est plus de 850 aujourd’hui.
Avant les années 90 il y eut les premières aventures en cascade de glace au tout début des années 80, avec l’avènement des piolets à lame banane (Simond Chacal) à manche droit. Il y eut des pionniers comme Gérard Chantriaux, le visionnaire grimpeur (concepteur du Pulsar de Charlet) qui ouvrit en solo le cigare des Viollins (coté 6 à l’époque) en 1982, mais aussi les frères Jean-Marc et Stéphane Troussier, Jacques Perrier, Hughes Jaillet… qui à l’aube des années 80 défrichèrent les premières cascades comme Hiroshima au Fournel.
Puis vint ce que l’auteur du topo, Seb Constant, appelle « l’âge d’or » au tournant des années 90 : des hivers pauvres en neige, et plein de glace ! C’est le moment où François Damilano, mais aussi des locaux comme Philippe Pellet, Guy Cavarec, écument les cascades.
Le moment-clé ? 1991 ! L’année où la face de Gramusat, à Freissinières, vit éclore la première (Au-delà des ombres 5+ par Ph. Pellet et S. Rosso) d’une série de lignes aujourd’hui encore considérées comme majeures et pour beaucoup, de haut niveau, et une dizaine de jours plus tard François Damilano et Philippe Allardin avec la plus belle (c’est subjectif) voie de la face, Juste une illusion, 6.
En 1992 Christophe Moulin et Serge Angelucci ouvrent Geronimo, la plus haute ligne de la face (550 mètres !), tandis que d’autres lignes majeures tombent, avec Jeff Lowe et Thierry Renault (Blind Faith, 6), Jacques Perrier (L’ensemble de Mandelbrot, 6+) et même un certain canadien, Guy Lacelle, et aussi Jean-Christophe Lafaille.
La cascade de glace a trouvé son centre de l’univers, et il se trouve en face nord de Gramusat, pour les dix années qui suivent… et peut-être même encore aujourd’hui.
Extrait du topo, l’ensemble des vallées du Briançonnais, du Queyras et de l’Embrunais couvertes par le topo ©Éd. Constant
Du milieu des années 90 au tournant des années 2000, ce sera d’abord la quête des ultimes édifices fragiles, des tubes ou freestanding complètement décolés du rocher, puis carrément grimper sur le rocher, avec les premières lignes en mixte et en dry tooling, où le but était de rejoindre des draperies perdues loin du sol, ou de connecter des épées de glace entrecoupées de longueurs en rocher. Avec d’abord des ouvertures majeures en glace extrême, avec entre autres Over The Top (l’un des seuls grade 7 des Alpes), ouvert par Christophe Moulin et Jérôme Blanc-Gras en 1996.
Puis c’est la curée, version dry, et pas qu’à Gramusat, mais dans toutes les grandes parois de Freissinières, qui deviennent un laboratoire du haut-niveau, un mouvement inauguré dès 1991 (avec un peu d’artif) avec les Racines du Ciel (6, M6/A2 par Serge Angelucci, Damilano, Moulin), et qui sera libéré par l’avènement du « sans dragonnes » au début de la décennie 2000.
Des lignes éphémères, interrompues, et extrêmes, naissent ensuite, comme le Cimetière des Éléphants (6/M8, par Cyrille Copier, Jean-François Étienne, Ph. Pellet, en 2000).
Des grimpeurs comme Cyrille Copier, Tony Clarasso, Jérôme Blanc-Gras, Christophe Moulin, Arnaud Guillaume, réinventent la glace. On voit éclore les longueurs extrêmes en M10 comme Quartier Nord (coté M9 aujourd’hui).
Ce nouveau topo du Briançonnais permet, par ses dates et ses lieux précis, de retracer cette histoire de la glace, qui est aussi un pan de l’histoire de l’alpinisme.
Fred Degoulet dans Riff Raff, haut dans les Viollins, vallée de Freissinières, en 2022. ©Jocelyn Chavy
La cascade de glace devient populaire
Mais la cascade de glace, même dans le Briançonnais, ne se réduit pas à une pratique du haut-niveau. Le nombre de cascades abordables est très important, pour peu qu’on veuille se donner la peine de sortir des plus classiques, comme le spot bien couru de Cervières, au-dessus de Briançon, ou Ceillac. Et puis il y a aussi les structures artificielles pour découvrir l’activité glace.
C’est tout le mérite d’un nouveau topo du Briançonnais que d’embrasser l’histoire de la glace mais surtout de proposer d’aller voir un peu plus loin, dans la vallée d’à côté – au fond de Freissinières, à Chichin par exemple, des lignes peu fréquentées – et pourtant défrichées dès 1995 pour certaines.
D’ailleurs dans ce nouveau topo il n’y a pas que le Briançonnais, le Fournel et Freissinières. On y trouvera aussi les excellents secteurs du Queyras, plus au sud, du Valle Argentera, en Italie, mais aussi la Vallouise, et l’Embrunais et ses vallées moins fréquentées aux nombreuses possibilités, dans le niveau abordable (Crévoux par exemple) comme le très dur (avec la paroi de la pisse à Rabioux, et la fameuse Rappelle-toi que tu es un gnome, par Raphaël Borgis, Damien Charignon et Seb Foissac en 1999).
Outre le Briançonnais, on trouve le Queyras, la Vallouise, l’Embrunais et même le Valle Argentera dans ce nouveau topo
Mission topo
L’auteur, par ailleurs guide et ancien CRS du secours en montagne, s’est attaché à donner les clés pour chaque itinéraire, avec des accès et des approches précises.
Important : est mentionné en orange le risque d’avalanche, s’il existe, pour chaque cascade. Seb Constant a préféré l’écrire noir sur blanc plutôt que d’indiquer un degré d’engagement en chiffre romain qui n’est guère utilisé dans le 05.
Chaque secteur, et donc chaque voie, a été tracée sur photo : un boulot titanesque quand on connaît l’ampleur du terrain, et la relative brièveté de la saison glacée.
Si un topo est d’abord un recueil d’histoires de l’alpinisme, c’est surtout un guide qui permet d’éviter de s’entasser dans les voies les plus parcourues, ou dans celles rentrées sur camptocamp.
Dans un épais préambule, Seb Constant prend le temps d’expliquer quel matériel utiliser pour quelle approche, quel rack ou quel ensemble de vêtements prendre pour cette pratique exigeante de la montagne hivernale. Et surtout, comment préparer sa sortie.
Seb Constant nous en dit plus sur sa démarche dans une interview à paraître sous peu.
Un topo avec toutes les voies en photo
Se procurer le topo
Il est disponible en librairies et au Vieux Campeur.
Également disponible en ligne sur la boutique en ligne des Éditions Constant.