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Symphon’ice : cascade de glace au soleil

Oisans Connection

Symphonice 2019. ©Jocelyn Chavy

Tous les ans, les cascades d’Oz et de l’Alpe d’Huez accueillent la Symphon’ice, un festival de cascade de glace pour tous. Alpine Mag était là pour l’édition 2019 des 26 et 27 Janvier. Organisée par le club FFME Montagnes de l’Oisans avec l’Office de Tourisme d’Oz, coup de projecteur sur un événement à ne pas manquer pour les glaciéristes qui refusent de choisir entre glace et soleil !

D scènes, deux ambiances. Premier jour grand soleil, deuxième jour tempête écossaise. La Symphon’ice était l’occasion d’expérimenter la glace loin des affluences habituelles dans ce genre d’événements, où on est à peu près sûr de voir plusieurs cordées se suivre, se doubler et se bombarder à tour de rôle. Non, à Symphon’ice, l’ambiance est résolument différente. Ceux pour qui cascade de glace est synonyme de corps transis de froid, d’onglées et de fond de canyons obscurs devraient sans hésiter s’inscrire à la prochaine édition. Au menu : soleil, glace à profusion (pour une fois les deux ne sont pas antinomiques) et approche express. Le tout équipé en moulinettes par les guides et organisateurs, pour une grimpe centrée sur le plaisir !

Ice Bille en ligne de mire. ©Jocelyn Chavy

À gauche, Mathieu dans Supercramp directe.
À droite, la Grotte. ©Jocelyn Chavy

même quand on grelotte, il y a un je ne sais quoi d’excitant à grimper.

Anne-Laure

Ce combo unique a un nom : les falaises du Lac Besson, sur le domaine skiable de l’Alpe d’Huez. Accessibles en télécabine par les stations d’Oz ou de l’Alpe d’Huez, ce site regorge de classiques de niveaux abordables pour le débutant comme pour l’amateur éclairé. Des cascades déflorées au tournant des années 80 par l’un des inventeurs de l’activité, le regretté Godefroy Perroux. Pour les puristes pour qui cascade de glace doit rimer avec froid, le secteur de La Fare, accessible depuis Oz, offrait de belles longueurs, souvent plus longues que leurs voisines du Lac Besson.

Curiosité givrée

La glace reste pourtant un sport confidentiel. Déjà parce que pour beaucoup, il semble légèrement surréaliste : grimper, oui, mais sur de l’eau gelé ? Étrange activité où on est sûr d’avoir froid, d’être mouillé, voire souvent les deux en même temps ! Pourtant, débutants comme confirmés sont unanimes : « Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai vraiment trouvé ça ludique de taper dans la glace avec nos piolets. Au début il faisait froid à l’ombre, puis le soleil est arrivé et c’était du pur plaisir. Mais même quand on grelotte, il y a un je ne sais quoi d’excitant à grimper. » raconte Anne-Laure, venue en groupe du massif du Sancy.

Lucas Berthet dans La Grotte. ©Jocelyn Chavy

Cette expérience dans des conditions idéales est rendu possible par l’investissement du club local Montagnes de l’Oisans, affilié FFME, et de son président Eric Bertrand, club qui organise l’événement chaque année avec la compagnie des Guides de l’Alpe d’Huez. Un rendez-vous à taille humaine, en partenariat pour cette édition avec l’Office de Tourisme d’Oz en Oisans, petite station familiale qui rajoute au charme du weekend. Tout le monde apprend vite à se connaître, et tous se retrouvent le samedi soir autour du repas servis par l’organisation du festival. L’occasion d’échanger trucs et astuces sur les conditions des différents secteurs, en vue de découvrir dimanche les autres lignes équipées par les guides. Cédric, encadrant FFME et déjà amateur de glaçon approuve : « Avoir un guide avec soi est un vrai plus. Non seulement il assure la sécurité de tous, mais il est aussi présent pour transmettre et faire comprendre le milieu montagnard. Même si on a l’habitude de partir en montagne par soi-même, le guide est là pour ouvrir notre connaissance de la montagne. » Une disponibilité appréciée et rendue d’autant plus possible lorsqu’on évolue en effectif réduits.  

. Antoine Pêcher explique la glace. ©Jocelyn Chavy

 Approche rapide en 30 minutes. ©Jocelyn Chavy

Des Calanques au Ben Nevis

Samedi matin, premier jour de la Symphon’ice, les guides ont briefé les participants : « Préparez-vous à avoir froid. L’onglée de la première longueur est quasi obligatoire ». Au final, l’ambiance était plutôt au farniente au soleil, la doudoune délaissée avec joie pendant que l’odeur des grillades du restaurant d’altitude voisin emplissait les narines. Le tout sans affecter la qualité de la glace, fruit d’un hiver bien rigoureux.

2ème jour, autre ambiance au secteur de la Grotte ©Arthur Lachat

Spindrifts dans Supercramp directe. ©Arthur Lachat

Dimanche en revanche, l’Écosse s’est invitée dans la partie. La neige tombe, soufflée par le vent. Une chance que les secteurs choisis ne soient pas exposés aux avalanches. Un autre bon point pour la Symphon’ice. Les spindrifts (petites purges de neige poudreuses) s’écoulent régulièrement depuis le haut des falaises, recouvrent les sacs et s’infiltrent dans les cols. L’ambiance a changé depuis la veille. Finie la rigolade, la montagne montre son deuxième visage, plus austère, mais tellement vivifiant ! Pas de quoi arrêter les grimpeurs, venus de Châteauroux ou du massif central pour certains d’entre eux. Glaciéristes débutants ou sortie club, la glace attire les curieux, qui n’hésitent pas à parcourir la France pour venir taper du glaçon. Un attrait d’autant plus compréhensible pour la bande de clermontois, chassés de leur terrain de jeu habituel après l’interdiction de la pratique de l’alpinisme dans la réserve naturelle du Sancy, en Auvergne. Antoine Pêcher, guide de haute montagne et conseiller technique de la FFME suit attentivement la provenance des participants. « Aujourd’hui, ce sont beaucoup de grimpeurs de salles et de falaises qui viennent découvrir la glace. Alors que l’escalade rocheuse se démocratise massivement, la cascade de glace est vue comme une activité un peu à part, un extra qui vient en complément d’une autre pratique. Pour les professionnels de la montagne, guides comme fédérations, la glace est l’occasion de fidéliser des grimpeurs purs et durs en les amenant à s’ouvrir à d’autres pratiques. » Une ouverture qui permet aussi de faire vivre des professionnels désireux de montrer toute la variété de ce qu’à la montagne à offrir.

Vers un avenir glacé ?

En deux jours, les 32 participants auront beaucoup appris. La progression en cascade est rapide confirment les guides. La gestuelle est simple et un weekend suffit à acquérir les bases pour pouvoir se faire plaisir par la suite en moulinette. Progressivement, le pratiquant pourra s’essayer à l’escalade en tête, en plaçant ses propres protections. Plus qu’un simple extra, la cascade de glace a vocation à étoffer l’offre d’activités en montagne. La glace, on ne sait pas vraiment pourquoi, mais on adore ça. Le planter de piolet, accompagné de son bruit si caractéristique, rend tout simplement heureux. Venir en station pour une semaine de ski ininterrompue n’intéresse plus autant. La cascade de glace est une alternative pour découvrir la montagne autrement, et un rassemblement comme la Symphon’ice constitue un cadre privilégié pour s’adonner à une activité peu connue du public. Pour autant, Symphon’ice et sa glace ensoleillée ont un gros potentiel qui ne demande qu’à éclater. Une rencontre à ne pas manquer avant que l’endroit ne soit victime de son succès !  Vous pourrez alors dire que vous y étiez en pionnier, « before it was cool »…

Chaude ambiance chez les glaciairistes !  ©Jocelyn Chavy

Arthur Lachat dans Stalactus.  ©Jocelyn Chavy

Marion Blanchard dans Ice Bille.  ©Jocelyn Chavy

Supercramp ou pas ? ©Jocelyn Chavy

Topos 

Les plus belles cascades (abordables) de Oz-en-Oisans et l’Alpe d’Huez.
Approche : depuis Oz-en-Oisans, emprunter le télécabine de Poutran. Depuis l’Alpe
d’Huez le premier tronçon du Pic Blanc. Prendre ensuite la piste de Chamois sur
quelques mètres et suivre le large chemin tracé par les dameuses qui longe les falaisesndu lac Besson. On atteint rapidement les secteurs (Super Misère en premier).
Description faite dans le sens d’arrivée, de droite à gauche donc.

  • Super Misère et Misère, 3+. Une grande longueur au choix, à droite la goulotte de Misère, à gauche la belle longueur de Super Misère, bien formée cette année. Relais équipés.
  • Supercramp, Supercramp Directe, Dessous Dessus, La Grotte. 3+ à 4+. Un beau secteur d’une à deux longueurs. Conditions excellentes en ce moment, sauf pour le dièdre bien sec des Frères Ennemis, à droite (mais dans lequel on peut se tester en dry, en atteignant le relais depuis la Grotte.)
  • Ice Bille, 4. Un très large triangle glacé qui se parcourt en deux (grandes) longueurs. Au moins trois cheminements possibles, à droite et à gauche du pan glacé, et juste à gauche en L1, petite goulotte très mixte intéressante (broches courtes indispensables).
  • Stalactus, 4. Deux longueurs sympa, courts murs raides entrecoupés de bonnes
    marches, glace parfois mince ou décollée, bourrins d’abstenir. Relais équipés.
  • Symphonie. Cascade massive et emblématique, 4 à 4+. Deux longueurs dans le grand mur initial (ou une très longue, plusieurs cheminements possibles) mènent au rideau final. Le plus facile consiste à grimper à droite puis à passer en traversée derrière les grosses stalactites, avant de sortir à gauche par un petit mur. Relais équipés. En ce moment une grosse stalactite pend dans l’axe du mur initial : prudence l’après-midi avec le soleil.
  • Un autre secteur, accessible depuis Oz-en-Oisans, concerne les cascades de la Fare, idéales pour une initiation.Topo : Cascades Oisans aux Six Vallées, Tome 1, François Damilano et Godefroy Perroux, Ice Editions.

Ice Bille paradise.  ©Jocelyn Chavy

Les nombreuses possibilités de Ice Bille.  ©Jocelyn Chavy

Le photographe passe devant l’objectif. Jocelyn Chavy dans Stalactus, L2. ©Arthur Lachat.