fbpx

Ski. Painting the mountains : descentes d’une vie en Patagonie

Descente de l'Aiguille Poincenot ©Matthew Tufts

Ces montagnes attirent les meilleurs grimpeurs mais plus rarement les skieurs et pour cause : les aiguilles de granite fauve qui zèbrent le ciel d’El Chalten, en Patagonie, sont des big walls où la neige est peu présente. Mais en septembre 2023 une équipe s’est lancé le pari d’y tracer des lignes, éphémères, durant le printemps patagon. Vivian Bruchez, Aurélien Lardy et Jules Socié ont pu skier quelques itinéraires exceptionnels, documentés par le photographe Matthew Tufts, et rencontrer une légende locale, Max Odell. Sous l’oeil du réalisateur Pierre Cadot, l’histoire est contée dans un beau documentaire, Painting the mountains, qui sort en festivals et que nous avons pu voir en avant-première. 

Les aiguilles de granite surgissent à l’horizon : figures connues, le Fitz Roy, le Cerro Torre et leurs sommets voisins sont bien visibles depuis le petit bourg d’El Chalten.  Sur l’Aiguille Poincenot, une très fine rampe de neige barre l’imposante tour de roc : c’est là le trio a réalisé sa plus belle descente, visible depuis la plaine. Il a fallu onze années pour que cet itinéraire plus qu’audacieux soit répété. Et que d’autres soient ouverts. « Cette rampe, quand tu es dedans, elle plonge dans le vide. Elle fait jusqu’à, disons, 15 mètres de large maximum, à 55 degrés de moyenne. Il y a des passages encore un peu plus raides » nous a raconté Aurélien Lardy, l’un des trois skieurs à s’y être risqué au printemps patagon.

« Cette rampe Whillans, du nom de la voie qui l’emprunte, fait 300 mètres de dénivelé. Ce n’est pas une énorme ligne, mais elle est très exposée. C’est comme si tu posais cette rampe-là de neige à 55 degrés au sommet des Drus, au-dessus de mille mètres de vide.» Du ski en paroi, ou comme l’appelle dans le film le photographe américain Matthew Tufts, qui a accompagné les Français au pied de l’Aiguille Poincenot, du «big wall skiing».

Skis et gros sacs sous l’oeil du Cerro Torre.  ©Matthew Tufts

Difficile d’imaginer plus grande exposition que celle choisie librement, mais avec longue réflexion, à l’aiguille Poincenot sur cette Cochrane-Whillans. Une ligne de rêve absolue, selon Aurel Lardy, mais qui empêche de dormir la veille. « Oui, c’est du ski en paroi. Il est rare d’avoir cette impression-là, d’être dans un endroit autant exposé. Dans le massif du Mont-Blanc je l’ai eue dans la descente de la face sud de l’aiguille du Moine, avec Jules Socié, l’hiver dernier. La première descente de Boivin est un exploit. Tu as cette notion où tu es au-dessus du vide et tu ne vois que du rocher. Et quand tu regardes la face, tu te dis, ce n’est pas possible

C’est pourquoi il fallait attendre le printemps patagon – septembre – pour que les giboulées printanières collent sur ces dalles de rocher, et recouvrent les zones où la glace affleure d’habitude.

Devant ce type de ligne, au début, tu te dis que ce n’est pas possible de skier. Aurel Lardy

©Matthew Tufts

 

Les trois skieurs, Vivian Bruchez, Aurel Lardy et Jules Socié arrivent sur place accompagnés de deux cameramen : le réalisateur et cadreur Pierre Cadot, et le droniste et cadreur Thomas Guerrin. L’objectif ? Skier des lignes de rêve, mais pas seulement. Essayer, humblement, de «ne pas arriver en conquistadors» plaisante Aurel Lardy. En fin d’hiver, El Chalten est désert, avec seulement une petite centaine d’habitants. Rien à voir avec le rush de l’été austral, en janvier février.

« Le ski est peu développé à El Chalten. Cela me motivait d’aller skier dans un endroit où presque personne ne skie, du moins à l’intérieur du massif, au plus près des montagnes géantes que sont le Fitz Roy et le Cerro Torre.» Car il y a (au moins) un skieur local motivé, en plus du photographe Matthew Tufts qui passe une partie de son temps sur place. Il s’agit de Max Odell, guide et «parrain» du ski à El Chalten. Qui n’est autre que le père des deux très forts jeunes alpinistes Pedro et Tomas Odell. Max, lui, avait rangé les skis… jusqu’à l’arrivée de l’équipe française.

©Matthew Tufts

L’approche du Fitz Roy commune à l’Aiguille Poincenot, dont on distingue la rampe Whillans. ©Matthew Tufts

Domo Blanco

« On avait à coeur de s’intégrer dans la communauté locale, de prendre le temps. On est resté un mois et demi, mais on était tendus en arrivant. Là, tu prends conscience à quel point ces montagnes sont grandes…» et les approches longues. Les Français se font accepter petit à petit par Max, le parrain du ski patagon, scié de voir comment le trio Bruchez-Socié-Lardy trace une ligne audacieuse sous les moustaches du Cerro Piergiorgio, jusqu’au sommet du Domo Blanco.

Imaginez un trait d’épée qui coupe en deux, en diagonale, la base d’un mur aussi lisse qu’El Capitan… L’exposition est là-aussi maximale, et le ski devient une tranche d’alpinisme, à la montée (ouverte en 1952) et à la descente, sous les yeux exhorbités de Max Odell et des nôtres à l’écran.

Les images tournées en drone de cette descente sont juste hallucinantes : du ski de pente raide à la sauce chamoniarde, mais au milieu des bigwalls patagons. Granite fauve, ciel bleu Klein et trois petits points sur une lame de neige : ça claque !

Granite fauve, ciel bleu Klein et trois petits points sur une lame de neige : ça claque !

Painting the mountains, le film réalisé par Pierre Cadot et produit par Picture Organic Clothing. À l’affiche au High Five à Annecy le 28 septembre, et en tournée cet automne.

Painting the mountains : dessiner des courbes éphémères, bien sûr. Mais surtout, prendre le temps avant de saisir le pinceau. Se poser la question du vent, de la stabilité de la neige. « Chacun a apporté sa pierre à l’édifice, apporter ses idées, ses convictions, ses peurs aussi » explique Aurel Lardy, avant de « prendre la décision d’y aller », dans cette fameuse ligne tracée sur l’aiguille Poincenot par Andreas Fransson onze ans plus tôt.

Partir trois jours, prendre un sac à dos de vingt kilos et avancer. Se lever au milieu de la nuit, car il reste encore quatre ou cinq heures d’approche. Humer l’air, sentir la neige sous les spatules, et se retrouver au pied de la rampe Whillans.

« Tu te rends compte à ce moment-là que c’est peut-être le moment, la chance de ta vie qui se présente, avec une stabilité incroyable, une neige printanière magnifique à skier. Alors tu prends ta chance » dit Aurel Lardy, les yeux encore émerveillés par la Patagonie, et le coeur encore plein de ces émotions violentes, nées dans un des plus beaux endroits de la planète. Lui qui a la même année traversé une partie de l’Alaska en ski pulka, gravissant au passage deux de ses plus grands sommets, a vécu une autre longue aventure hors du commun.

La Patagonie ? « La Whillans, c’était un but ultime dans une vie de skieur » dit Aurel Lardy. Comment en est-il arrivé là ? Et surtout, comment appréhendent-ils, lui et ses copains de cordée, un projet comme celui-là, avec le risque – grandissime – lié à ce genre de descentes ? Réponses dans Painting the mountains, le beau film de Pierre Cadot, produit par Picture Organic Clothing, et dans l’interview intégrale d’Aurel Lardy sur Alpine Mag.

 

Picture organic clothing, l’équipementier outerwear français, et La Sportiva, fabricant de chaussures de montagne, s’associent en cette rentrée autour d’une collection capsule de vêtements et de chaussures, en édition limitée, pensée pour traverser les générations et soutenir une cause commune.
Les deux marques veulent montrer leur engagement commun à préserver l’environnement en faisant don de tous les bénéfices de cette collection à POW (Protect Our Winters), une ONG visant à assurer la préservation des montagnes.