A l’automne dernier, les deux jeunes grimpeurs Simon Gietl (italien) et Louis Gundolf (autrichien) ont répété la voie Safety Discussion, dans les Dolomites orientales. Cette ligne au nom éloquent fut ouverte par David Lama et Peter Ortner en 2012. Elle demeure un chef d’oeuvre d’escalade « montagne » de haut niveau, à la sauce dolomitique. Nous avons posé quelques questions à Louis afin de comprendre pourquoi leur ascension n’est que la 3e répétition de cette voie ouverte 9 ans plus tôt. Et devinez quoi ? Il est question de sécurité et d’engagement.
Safety discussion : drôle de nom pour une voie d’escalade ?
Louis Gündolf : Oui, c’est un nom étrange pour une voie mais je pense qu’il la décrit bien. Il y a plus d’un passage où il vaut mieux ne pas tomber et je pense que c’est ce qui la rend si intéressante. En falaise ou en salle d’escalade, beaucoup de gens grimpent en 8b. Mais en montagne, là où il y a toujours une prise qui vous échappe des mains et où il faut prendre des décisions rapidement sans avoir beaucoup de temps pour analyser les mouvements, il y a beaucoup moins de monde. Je ne pense pas que tout le monde puisse le faire aussi facilement.
C’est pour ça que je pense que c’est le nom parfait pour cette voie, et je pense que David Lama a posé un jalon avec elle.
David Lama était l’un des meilleurs grimpeurs de sa génération. Qu’est-ce que cela représente de gravir « sa » voie ?
LG : Pour être honnête, je ne suis pas allé dans cette voie parce qu’elle a été ouverte par David Lama, même si c’est très spécial d’avoir à l’esprit qu’une légende comme lui l’a ouverte.
Je l’ai un peu connu personnellement, car mon père a assuré son équipe de cameramen en tant que guide pendant son expédition au Pakistan sur le Masherbrum.
Je ne suis jamais très à l’aise pour exprimer mes sentiments, mais je pense pouvoir dire que je suis vraiment fier d’avoir gravi cette voie. Surtout quand je me souviens de cette chute en dernière longueur, où j’ai arraché un piton en tombant. Ce n’était pas un très bon moment mais rétrospectivement, c’est un souvenir plutôt cool qui est maintenant accroché dans ma voiture sur le rétroviseur !
je suis tombé sur cette voie
par pur hasard
Alors comment as-tu eu l’idée de te lancer dans un projet si ambitieux ?
En fait, je suis tombé sur cette voie par pur hasard. Avec un copain, nous cherchions une voie alpine difficile près de chez nous et nous sommes tombés dessus dans le topo-guide de mon père, Osttirol climbing. La semaine suivante, nous y allions. J’ai rapidement enchainé les longueurs. Restait donc à en enchaîner l’ensemble !
Safety Discussion, 200m, 8b max. ©Salewa
Louis Gundolf, après l’ascension de Safety Discussion. ©Salewa
Simon Gietl, compagnon de cordée « expérimenté » de Louis Gundolf dans Safety Discussion. ©Salewa
Quelques mots sur cette région montagneuse et l’escalade en général là-haut ?
L’endroit où se trouve la voie, dans le Tyrol oriental, dans la région de Lienz, est tout simplement incomparable. Je connais peu de voies alpines qui sont constamment aussi raides et surplombantes. Le rocher lui-même est en fait très compact par rapport aux trois sommets mais étonnamment assez solide pour qu’on puisse tenir des prises.
A pied, il faut compter environ 3 heures depuis le refuge. En général, l’environnement y est parfait pour l’escalade alpine et sportive. C’est un petit coin secret et idéal car en plus des voies alpines dans tous les degrés de difficulté, on trouve aussi des sites d’escalade sportive qui sont vraiment dures et old school.
En termes d’engagement, comment t’es-tu débrouillé ? Est-ce difficile à protéger ?
La voie comporte 9 longueurs dures et le reste n’est qu’en 4 ou 5. Sur ces 9 longueurs, il n’y a que 6 spits. C’est probablement pour cela qu’elle s’appelle Safety Discussion !
Le reste est à base de friends et de stoppers. Il y a des pitons mais pas beaucoup, et ceux qui sont là ne sont vraiment pas bons. Comme je le disais, j’en ai enlevé un malgré moi dans la dernière longueur et maintenant il est dans ma voiture !
Quel est le crux de la voie et comment l’as-tu géré ?
La longueur crux est le toit raide en 8b. Mais pour moi, la longueur la plus dure était la dalle en 8a+. C’est très risqué, avec un mouvement vers un petit bombé que l’on ne peut pas voir. De plus, elle est très mal protégeable et une chute y serait bien plus dangereuse que dans la longueur du toit.
Cette voie est-elle comparable à d’autres voies dures des Alpes ?
Pour être honnête, je n’ai pas encore escaladé tant de voies dures dans les Alpes. Mais je pense qu’elle est incomparable de par son histoire et son engagement. Même dans une grande voie dure comme Bella Vista (8b+, Cima Ovest, The Cime Di Lavaredo) n’est pas de même ampleur car elle n’a plus ou moins qu’une ou deux longueurs difficiles. Le reste n’est que de l’escalade facile.
Dans Safety Discussion, je pense que le plus dur est d’enchaîner toutes les longueurs difficiles. Chacune d’entre elles, prise individuellement, ne serait pas si difficile que ça, mais en enchaînant, c’est épuisant.
Dans ce niveau de difficulté, il faut à la fois grimper le plus léger possible mais emmener quand même de quoi se protéger. Comment as-tu géré cet équilibre subtil ?
Pour être honnête, je n’ai pas pu placer beaucoup de matériel. Nous nous sommes débrouillés avec un total de 5 dégaines, 5 friends, 1 set de stoppers et une barre énergétique !
Quand on était allés là-bas pour la première fois, on avait beaucoup de matériel, mais au bout du compte, on en avait utilisé qu’une infime partie.
Simon (Gietl) m’a dit après coup qu’il aurait bien placé deux points de protection en plus dans chaque longueur ! Ça m’a fait réaliser que je passe en mode tunnel quand je grimpe fort. C’est quelque chose que je dois prendre en compte à l’avenir. Je veux apprendre à gérer le risque comme le font Simon et d’autres grimpeurs expérimentés.
Louis Gundolf utilise le matériel Salewa
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