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Reconnecter Chamonix ?

On dit qu’il n’y a pas de mauvaise pub, juste de la pub. Alors est-ce que le « bad buzz », pour citer nos confrères de France 3, qu’a généré la dernière campagne de l’Office du Tourisme de Chamonix, avec son image modifiée par l’intelligence artificielle, était prévu ? Les panoramas figurant sur ces visuels comme on dit, car il y en a plusieurs, ne sont même pas tous vus depuis Chamonix, puisque l’un d’entre eux est pris du Prarion, commune de St-Gervais. Mais ce qui provoque l’interrogation, et l’ire de certains internautes, c’est le fait que les visuels en question ont été modifiés, en ajoutant au premier plan des photos des personnages, skieurs ou non, accompagnés d’un malheureux animal, avec entre autres un bébé renard qui n’est pourtant pas visible en plein hiver, insistent les critiques. Bref, l’IA c’est chouette sauf quand ça met cinq doigts à la main d’un modèle ?

Une campagne qui vante les mérites de la neige en partie artificielle (plus de 40 enneigeurs au total sur la vallée), en utilisant des visuels générés par l’intelligence artificielle, a le mérite d’une certaine cohérence, pour les plus cyniques. Les autres regretteront sans doute qu’une ville accueillant le premier Chamonix Photo Festival et régulièrement des photographes de talent ne se contente pas de briefer des professionnels de l’image.

Pas du tout selon l’OT : « nous respectons (et défendons) le travail des photographes : toutes les images « de fond » sont de vraies photos afin de crédibiliser notre promesse sur la beauté de nos paysages (et qui n’atteindront jamais artificiellement l’émotion suscitée). » Ouf, nous voici rassurés.

Publicité ©OT Chamonix

Le 19 octobre, le quotidien Libération faisait les frais de cette utilisation de l’IA, avec sa une montrant un manifestant pro-palestinien (réel) brandissant une pancarte sur laquelle figurait un bébé hurlant au milieu des gravats. Cette image du bébé étant une image générée par IA et utilisée par les manifestants, le quotidien national a confondu devoir d’informer et sensationnalisme.

Des bébés ont bien fini sous les gravats à Gaza City (et d’autres assassinés de l’autre côté de la frontière). Mais non, cette construction-là, moitié réelle, moitié IA, qui a fini en « une » de Libé, n’existe pas plus que la fable du copain-renard sur l’image de Chamonix. Que si l’une serait plus légitime que l’autre, elles n’en sont pas moins des créations artistiques, non des preuves photographiques. Calculée, l’affirmation de la pub « sublimée par l’IA », pour être honnête sur la forme, ne l’est pas sur le fond. 

l’affirmation de la pub « générée par l’IA », pour être honnête sur la forme, ne l’est pas sur le fond

Selon l’OT, « le duo homme-animal généré par l’AI, gardiens et témoins de la beauté fragile de leur espace de vie, renforce notre envie de faire aimer ce que l’on aime, de le respecter. » Comme une peluche donnerait envie d’être végétarien et de venir à Cham’ en train ?

Ce marketing atteint des sommets de désinvolture, et de déconnexion. Le slogan « reconnecter à la nature » résonne étrangement avec une semaine UTMB toujours plus obèse, et avec les chantiers pharaoniques des Grands Montets et du Montenvers, alors même que la question des transports routiers n’est en rien réglée au niveau franco-italien (cf les gigantesques bouchons du tunnel avant sa fermeture). Ou comment produire de la dissonance cognitive à l’insu de son plein gré.

Reconnecter à la nature, c’est bien, mais commencer par augmenter la portion congrue dévolue à d’autres activités que l’hyper tourisme telle que l’élevage et l’agriculture serait mieux, suggère l’association Terres et Paysans du Mont-Blanc.

Chamonix « laboratoire de la transition énergétique » ? On en rêve, mais l’IA ne l’a pas encore fait.