En cette année 2021, la Compagnie des guides de Chamonix fête son bicentenaire. Comment raconter en images cette longue histoire, qui n’est pas seulement celle d’une institution mais aussi celle du métier de guide et des évolutions de l’alpinisme ? Le réalisateur Pierre Cadot s’y est attelé avec Thomas Guerrin, co-auteur du film. Encordés, 200 ans dans le regard des guides de Chamonix est programmé dans de nombreux festivals dont les Rencontres Ciné Montagne de Grenoble, le vendredi 5 novembre. Entretien avec Pierre Cadot.
Avec Thomas Guerrin, tu as créé il y a cinq ans la société Yucca Films, spécialisée dans les films outdoor. Pourquoi se lancer dans une grande fresque historique ?
Pierre Cadot : Je suis né et j’ai grandi à Chamonix. Thomas et moi sommes proches de beaucoup de guides (NDLR : Pierre a notamment réalisé La Montagne des cristalliers qui suit une équipe de guides dans les recoins secrets du massif du Mont-Blanc). On savait que l’anniversaire de la Compagnie approchait et qu’elle souhaitait faire un film sur son bicentenaire. Répondre à cette demande était donc un défi très stimulant ! En creusant le sujet, je l’ai trouvé vraiment intéressant. Après mes études de cinéma à Paris, je pensais faire des films d’auteur loin des montagnes (rires), finalement ma passion pour la montagne s’est liée à mon métier. Et je me suis dit que nous pouvions apporter un regard cinématographique sur cette histoire des guides.
Ce film est assurément le plus gros défi de réalisation auquel j’ai dû faire face. Pierre Cadot.
Est-ce difficile de travailler avec une institution comme la Compagnie des guides de Chamonix ?
Pierre Cadot : Ils nous ont fait confiance, nous n’avons eu aucune contrainte. Nous avons interviewé une quinzaine de guides de toutes les générations, nous avons eu accès à leurs archives, à celles des musées de la vallée et des spécialistes de la question.
Comment faire pour raconter 200 ans d’histoire en 52 minutes ?
Pierre Cadot : Eh bien on se stresse et on dort mal ! Ce film est assurément le plus gros défi de réalisation auquel j’ai dû faire face. J’ai lu tout ce que je pouvais sur le sujet. On s’est posé beaucoup de questions sur le plan et finalement on a fait très simple, en s’intéressant aux grands changements de regards des guides. À la fin du XVIIIe siècle, Jacques Balmat découvre que les montagnes ne sont pas maudites et c’est ce qui ouvre la voie à la première ascension du mont Blanc. À chaque époque, on a mis en avant les guides incontournables et les changements dans leur métier, y compris aujourd’hui avec les défis du réchauffement climatique ou de la surfréquentation auxquels ils doivent faire face. On souhaitait aussi avoir une double trame narrative entre tradition et modernité, entre film historique et film contemplatif. On a donc filmé le guide Damien Marchini et sa cliente dans leur ascension du mont Blanc par Bionassay. Les deux trames se rejoignent au sommet.
Mon but a été de faire un film universel qui ne parle pas qu’aux Chamoniards.
Vous avez eu recours à des images d’animation pour certaines parties historiques, pourquoi ce choix ?
Pierre Cadot : L’objectif était de faire vivre le passé en n’ayant pas uniquement recours à des gravures anciennes, qui pour certaines ont déjà été beaucoup utilisées. On a donc fait appel à la société de post-production Spacesheep à Annecy. Les dessins sont de l’illustrateur Rémi Farjaud, avec un style très pictural qui fait vraiment ressentir la puissance de la montagne. La recherche esthétique a été très importante pour nous.
Est-ce que tu penses que ce film intéressera au-delà du massif du Mont-Blanc ?
Pierre Cadot : Mon but a été de faire un film universel qui ne parle pas qu’aux Chamoniards. Il est sélectionné dans les festivals à Grenoble, la Rochelle, dans les Pyrénées, en Autriche et il a déjà reçu un prix en Slovaquie. On espère que ce n’est que le début !
Voir la bande-annonce du film ici
Propos recueillis par Sophie Cuenot, FODACIM