Une première historique ! Le 16 janvier dernier tombait dans l’escarcelle des NĂ©palais le dernier des 8000 jusqu’alors jamais gravis en hiver : le K2, 8611 m. MenĂ©e par deux leaders, Mingma G Sherpa et Nirmal Purja, ces NĂ©palais dĂ©vorĂ©s par la faim d’écrire une histoire Ă leur manière, vont rĂ©ussir Ă dĂ©jouer les coups du sort. La journaliste Nathalie Lamoureux raconte comment ce groupe de montagnards Ă qui le reste du monde doit une grande part de la conquĂªte des plus hauts sommets du monde, a rĂ©ussi cet exploit, en vertu d’un esprit d’équipe remarquable. VidĂ©o et confĂ©rence Ă suivre Ă©galement au Chamonix Film Festival le 12 juin.
Le  16 janvier 2021 a fait date dans l’histoire de l’himalayisme. Une équipe de dix grimpeurs népalais est parvenue à gravir en plein hiver le K2 (8611 m), dans le massif du Karakoram au Pakistan. Comme l’Everest, et contrairement à ce qu’en dit Mallory, le K2 n’a pas toujours été là . Il est devenu un objet de fascination lorsque des alpinistes l’ont regardé en le créditant de qualités intrinsèques. Ces regards ont façonné l’image d’une montagne exigeante accessible à une poignée d’élus et, donc, hautement désirable. Le deuxième sommet le plus haut du monde résistait depuis des décennies aux assauts de la quintessence de l’alpinisme international, et de leurs équipes très fortes, mais aux égos boursouflés, source de rivalité voire d’inimitié. Les sceptiques ont très tôt dénoncé l’entreprise hasardeuse d’une bande de saltimbanques peu expérimentés, usant de moyen lourds (cordes fixes et oxygène).
ces grimpeurs népalais, dévorés par la faim d’écrire une histoire à leur manière, vont réussir à déjouer les coups du sort.
Partis par un matin de lune montante, encore balayĂ© par les colères de l’ogre, emportant avec eux leur foi sans faille, celle qui donne du courage ou qui fait peur quand les corps se mettent Ă geler, ces grimpeurs nĂ©palais, dĂ©vorĂ©s par la faim d’écrire une histoire Ă leur manière, vont rĂ©ussir Ă dĂ©jouer les coups du sort. Ce groupe de montagnards Ă qui le reste du monde doit une grande part de la conquĂªte des plus hauts sommets du monde, va rĂ©ussir cette performance, en vertu d’un esprit d’équipe exemplaire, avec comme un symbole fort, les images Ă©difiantes de fraternitĂ© montrant ces dix hommes qui se sont arrĂªtĂ©s pour faire leurs derniers pas ensemble. «Epaule contre Ă©paule, nous avons marchĂ© ensemble jusqu’au sommet tout en chantant l’hymne national nĂ©palais. Nous nous sommes tous arrĂªtĂ©s Ă environ 10 m du sommet pour nous serrer pour effectuer les derniers pas ensemble comme une Ă©quipe marquant cet exploit historique, la première ascension de K2 en hiver. »
Ces NĂ©palais font partie de cette nouvelle gĂ©nĂ©ration mondialisĂ©e qui en marchant dans les pas des occidentaux, se sont appropriĂ©s leurs valeurs – nouveau rapport aux autres Ă travers le mĂ©rite qui introduit de nouvelles hiĂ©rarchies ; nouveau rapport au corps, avec ses possibilitĂ©s et le dĂ©passement de soi qui Ă©largit le rapport Ă la rĂ©alitĂ© – et ont cherchĂ©, Ă leur tour, Ă s’affirmer, se distinguer. L’exploit Ă©tait rehaussĂ© par la prĂ©sence du plus cĂ©lèbre d’entre eux, Nirmal Purja, alias Nims DaĂ¯, tout lĂ -haut sans oxygène. Cet ancien soldat Gurkha membre de la troupe d’élite de l’armĂ©e britannique enchaĂ®ne les sommets comme on enfile des perles. Il appartient au groupe des Magar, populations tibĂ©to-birmanes de l’ouest du pays, qui dès le XIXème, ont Ă©tĂ© considĂ©rĂ©es par les Anglais comme des races martiales au mĂªme titre les Gurung, Rai, Limbu et les Sikhs et les Rajput en Inde.
Après avoir gravi les quatorze sommets de 8000 m en six mois, dans un style que les puristes qualifient de « lourd », Nims DaĂ¯ est devenu une figure populaire très mĂ©diatisĂ©e, un chantre de la pensĂ©e positive
Le K2, 8611 m.
Nathalie Lamoureux sur le Baltoro, l’hiver dernier ©NL
Pour ces serviteurs de la couronne britannique, l’exploration et l’escalade Ă©taient une parenthèse dans leur vie de militaire – au bout de 15 ans de service, leur solde leur suffisait pour vivre confortablement. Pour leurs compatriotes sherpa, qui n’étaient pas nombreux dans les rangs gurkha, les expĂ©ditions reprĂ©sentaient une source de revenus. En quittant les forces spĂ©ciales Nims DaĂ¯ a choisi de renoncer Ă une retraite confortable, pour se consacrer Ă l’ascension des montagnes. Après avoir gravi les quatorze sommets de 8000 m en six mois, dans un style que les puristes qualifient de « lourd », il est devenu une figure populaire très mĂ©diatisĂ©e, un chantre de la pensĂ©e positive, animĂ© par une conquĂªte de chaque instant, une mentalitĂ© du possible. Un gourou du Mountain dream.Â