Cinquante jours après son retour du K2, où il a établi un record de vitesse puis conduit un sauvetage, Benjamin Védrines est reparti en expédition en Himalaya. Mais point de voie normale ou de cordes fixes cette fois-ci. Avec Nicolas Jean et Léo Billon, ils espèrent ouvrir la face nord du Jannu Est, 7468 mètres, par laquelle la cordée veut atteindre le sommet, encore vierge. Plus étonnant, un duo américain vise aussi le même Jannu Est. Depuis le camp de base, atteint il y a quelques jours, Benjamin Védrines donne des nouvelles.
L’arrivée au camp de base du Jannu
Benjamin Védrines : je suis au camp de base du Jannu, à 4 700 mètres. On est au pied de la face nord du Jannu principal et on voit juste de profil le projet qu’on a en ligne de mire, qui est donc la face nord du Jannu Est, sommet encore vierge de cette région et qui présente une belle face nord de 2 400 mètres, très homogène. C’est ce vers quoi on a tourné nos regards ces derniers mois.
Et puis, ça date déjà depuis un an, ce projet, avec Léo Billon et Nicolas Jean. On est tous les trois ici, accompagnés de Thibault Marot, pour capturer les images. Le trek d’approche dans la jungle s’est bien passé. On a pu très vite rejoindre l’altitude de 4 000 mètres. C’est un très bon point pour nous parce que ça nous a permis de pouvoir commencer l’acclimatation assez rapidement.
De mon côté, j’ai bien vu que finalement, l’acclimatation du K2, sur laquelle je comptais un peu, est en fait loin derrière. Je n’ai pas tant pu profiter de tout ce que j’ai pu acquérir physiologiquement au Pakistan cet été.
L’acclimatation
Benjamin Védrines : on est monté faire deux nuits en altitude ces derniers jours. Avant-hier, on a pu faire une nuit à 5600 mètres et une deuxième nuit à 6100 mètres, pile vraiment sous le sommet qui s’appelle le Mera Peak, avec deux R, à ne pas confondre avec le Mera Peak le plus connu du Népal, qui lui se trouve près du Makalu. Ça nous a permis de pouvoir faire des globules et voir comment on se sentait.
Tout le monde s’est à peu près senti bien, même s’il y a eu quelques maux de têtes ici ou là, mais globalement bien passé. On a un dilemme parce que la météo se dégrade sérieusement. Il y a des grosses suites de neige à annoncer avec un fort risque avalancheux. Il faut qu’on termine cette acclimatation par encore quelques rotations, c’est-à-dire au moins une ou deux nuits là-haut.
Pour l’instant, c’est pas très facile d’imaginer entreprendre cette remontée parce que déjà ce matin, on s’est levé avec 40 cm de neige fraîche autour de la tente et on n’a pas pu dormir à cause de ça d’ailleurs !
déjà 40 centimètres de neige fraîche en une nuit
La préparation de l’ascension
Benjamin Védrines : ils annoncent encore des chutes de neige et cela va faire plus d’un mètre en trois jours. Donc pas facile pour nous de choisir si on prend le risque de monter ou pas, mais je pense qu’on ne va évidemment pas trop le prendre. On a encore le temps, donc on va sûrement attendre la semaine prochaine. Patience et rigueur comme toute expédition.
On va mettre à profit ce temps-là pour parler entre nous, communiquer, voir notre tactique d’ascension, puisque maintenant qu’on a la face pile à côté de nous, on va pouvoir plus facilement évaluer comment on va faire pour rétablir nos bivouacs, quelles longueurs seraient les plus dures. C’est de l’approximatif, mais ça reste quand même essentiel.
Déjà, ces différentes marches qu’on a pu effectuer au-dessus du camp de base nous ont permis de pouvoir voir la face et les conditions ont l’air vraiment super belles, super bonnes. C’est plutôt des plaquages type neige quick, glace-neige, qui sont bien formés, a priori. Il y a le bas de la face qui est légèrement moins fourni, à cause de la chaleur de ces derniers mois, cet été, a priori.
Le mot de la fin
Benjamin Védrines : on est plutôt optimistes et il reste à finir l’acclimatation, ensuite se reposer et espérer avoir peut-être une bonne semaine de beau temps parce qu’on envisage de passer au minimum cinq jours pour pouvoir faire le sommet et redescendre. J’espère pouvoir vous donner des nouvelles rapidement, vous dire qu’à nouveau, tout va bien.
À l’heure actuelle, je ne vois pas le sommet, mais c’est sous les nuages. Il pleuviotte un peu, mais on est très bien, très bien traités. On a eu des petits pancakes pour passer le temps. Donc, on va continuer à manger et stocker un peu de gras !