La saison 2023/2024 de ski alpin a été marquée par une série d’annulations dues aux conditions météorologiques défavorables. Face à ces évènements, la Fédération Internationale de Ski s’est vue quelque peu obligée d’adapter son calendrier et ses règlements pour la saison à venir. Sites plus en altitude, ajustement sur les épreuves annulées, exigences d’équité sportive, le secrétaire général de la FIS, Michel Vion, nous en dit davantage.
Lors de la saison hivernale 2023/2024, ce fût l’hécatombe ou presque pour la Fédération Internationale de ski (FIS). La cause ? Des annulations à répétition en raison des mauvaises conditions météorologiques. La FIS invoquait des « raisons de sécurité » consécutives aux « températures élevées et donc aux conditions d’enneigement défavorable aux compétitions. » Au total, treize épreuves de Coupe du monde de ski alpin ont été annulées la saison dernière. Ces changements de dernière minute ont perturbé les stations de montagne organisatrices, les compétiteurs et les partenaires, posant de nombreuses questions sur l’organisation de cette coupe du monde.
Mais alors, le nouveau calendrier de la saison 2024/2025 est-il adapté au vu des conditions actuelles ? La FIS pense-t-elle décaler sa saison, changer de lieux, remanier son cahier des charges ? Réponses avec Michel Vion, secrétaire général de la FIS et ancien skieur alpin originaire de Pralognan-la-Vanoise.
« On a toujours cinq ou six annulations pendant l’hiver, mais il faut avouer que la saison dernière, c’était particulier, concède Michel Vion. Et ce, pour des raisons très diverses : les premières ont été annulées à cause du vent, malgré la neige en abondance. Ensuite, il y a eu trop de neige et nous avons dû annuler trois épreuves en trois jours – une première. Enfin, nous avons dû annuler les slaloms de Val d’Isère à cause de la pluie et la finale parce qu’il faisait trop chaud. » Et s’ils décident d’annuler une épreuve, c’est que la sécurité des athlètes est remise en cause et que l’équité sportive ne peut pas être assurée.
le géant et le slalom ne seront pas remplacées si annulées
en raison des conditions météorologiques
La faute au réchauffement climatique ? « Au dérèglement climatique, à une mauvaise année… » concède le secrétaire général. Mais la FIS prend-elle des mesures en conséquence ? Car si l’impact n’a pas été trop important sur le classement général de la coupe du monde « parce qu’on a annulé un peu de toutes les épreuves, donc ça équilibre », l’impact sur les athlètes est certain. Les compétitions annulées étaient décalées et les skieurs se retrouvaient à enchaîner trois jours d’épreuves jugés « trop proches » selon la FIS. « Il y a eu plusieurs accidents, par exemple celui d’Alexis Pinturault en janvier dernier. C’était trop. »
En résulte une nouvelle règle : si les épreuves techniques (le géant et le slalom) doivent être annulées, elles ne seront pas remplacées ou rejouées à une date ultérieure. La justification ? « Ce n’est pas une bonne idée, ça fait des voyages et de la fatigue en plus pour les athlètes. » Pour la vitesse (le Super G et la descente), deux dates sont réservées en cas d’annulation, mais deux dates seulement.
Chercher la neige là où elle est et limiter les risques
En organisant cette nouvelle saison, la FIS cherche à limiter les risques… et chercher la neige là où elle est : « On choisit d’aller dans des lieux qui nous garantissent de la neige, donc en altitude. C’est pour cela que nous commençons avec Sölden en Autriche pour l’ouverture de la saison les 26 et 27 octobre. On se tourne également vers la Scandinavie et l’Amérique du nord. »
La FIS cherche la neige pour limiter son manque, bien que le cahier des charges officiel requiert l’utilisation parfois massive de la neige de culture pour obtenir une couche damée de 40 à 50 cm. Encore une fois, « c’est la base, c’est une question de sécurité et d’équité sportive. C’est pour garantir que des compétitions se passent. Il y a des enjeux importants – financiers mais pas que – donc il faut de la neige de culture pour assurer un terrain compact et praticable par tous. »
il faut de la neige de culture pour assurer
un terrain compact et praticable par tous
Basés sur l’expérience et l’optimisation, les choix faits par la FIS reposent également sur des obligations : « on est une coupe du monde, pas d’Europe, rappelle Michel Vion. Donc il faut qu’on aille dans le monde. On essaye d’améliorer un peu ce sujet avec des calendriers plus cohérents, des choix de stations proches pour éviter les aller-retour… Mais dans le même temps, il faut avoir des compétitions aux alentours de 3 000 mètres d’altitude au mois de mars pour assurer la neige ! L’année dernière, à 1 000 mètres, c’était vraiment trop limite »
La question réside également dans l’exposition des pistes utilisées : celle de Crans Montana n’est pas optimale pour le mois de mars, mais est bonne en février, toujours selon le secrétaire général. Une question de températures, aussi, pour assurer la tenue de la neige de culture tout au long de l’étape de coupe du monde.
Cette année, la Coupe du monde de ski alpin débutera donc fin octobre avec le traditionnel slalom géant pour s’achever fin mars à Sun Valley, aux États-Unis d’Amérique. Au total, ce sont 75 courses, hommes et femmes confondus, dont trois en France : un géant et un slalom hommes à Val d’Isère le 14 décembre et un slalom femmes à Courchevel le 30 janvier. Mais cette année, pas de courses de vitesse helvético-italiennes (le Matterhorn Speed Opening) à Zermatt-Cervinia.
Les menaces de boycott des athlètes et les alertes des associations écologistes quant au bien-fondé de ce tracé sur le glacier du Théodule ont-elles pesé dans la balance ? « On est un peu toujours accusés de tout et de tous les maux, on est habitués, estime le dirigeant français. Mais pour être honnête, on n’était même pas au courant qu’il y avait des machines sur le glacier. C’est la station qui organise tout cela. On aurait pu et peut-être dû vérifier, c’est vrai. »
Il semblerait que ce soit les conditions météo très complexes à cette altitude – 3 500 m – au début de l’hiver qui aient tranché. En effet, les courses n’avaient pas pu avoir lieu au pied du Mont Cervin en 2022 et en 2023. « On essaye de trouver les meilleures solutions possibles. On a essayé Zermatt pour sa quantité de neige au mois de novembre, mais les risques météo étaient trop élevés. On a mis la barre un peu trop haute pour chercher de la neige… Mais on retournera aussi peut-être à Zermatt dans le futur – ça reste un site iconique ! »
Pour Zermatt, on n’était même pas au courant qu’il y avait des machines sur le glacier. On aurait pu et peut-être dû vérifier, c’est vrai. Michel Vion
Alors, faut-il vraiment garder autant d’épreuves, tenir aux traditions et monter en altitude pour trouver de la neige ? N’est-ce pas révolu, « plus dans l’air du temps » comme le reprochait Alexis Pinturault ? « Les stations se battent toujours pour accueillir les étapes et les athlètes veulent toujours garder les compétitions séparées par genre, répond Michel Vion. On nous dit aussi qu’il faut commencer plus tard dans la saison. Ce n’est pas un souci, on y pense, mais reculer de 15 jours ne changerait rien pour autant puisque nous commençons en Autriche et en Finlande, où il y a de la neige et où ils sont prêts ! »
Il assure qu’arrêter la Coupe du monde plus tard ne fonctionnerait pas non plus, la neige de printemps étant trop instable et l’intérêt médiatique trop faible en avril. « Il faut aussi prendre en compte que nous avons 40 courses de ski alpin à assurer chaque saison. Avec 80% des compétitions qui sont des classiques, des rendez-vous fixes dans les calendriers des athlètes et des spectateurs. Ce qu’on est d’accord de modifier, ce sont les excès – par exemple les courses décalées qui créaient des surcharges et des surcompétitions. Ça ne rimait à rien donc on les a stoppées. Autrement, on est rationnels et on fait en sorte d’améliorer ce qui est améliorable », conclut le secrétaire général. Rendez-vous dans 10 jours pour la première étape de la Coupe du monde, avec ou sans chute de neige.