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UTMB, le sponsor pas comme il faut

Ne dites plus UTMB, mais « Dacia UTMB ». C’est l’histoire d’un gros poisson, le groupe UTMB, bouffé par un plus gros poisson, le groupe Ironman (basé à Tampa, en Floride). C’était en 2022, et déjà Dacia pointait le bout de sa calandre comme partenaire exposant. Le gros poisson a faim : cette année marque le vingtième anniversaire de l’UTMB, et Dacia est devenu « partenaire titre » de l’UTMB à Cham’, mais aussi partenaire principal du circuit UTMB World Series. La marque de voitures dite low cost fabrique des petits SUV, et, comme encore beaucoup d’autres, des véhicules roulant à l’énergie fossile, d’où la bronca de certains coureurs, une pétition circulant contre ce sponsoring. Une course en pleine nature sponsorisée par une marque de voitures qui par définition polluent en émettant du carbone ? Allons.

Si le trail running a depuis longtemps cédé aux sirènes du marketing, il y a le feu dans la maison quand la pratique horrible du « naming » devient l’arme du marketing. En 2019, dans un roman marquant, les Furtifs, l’écrivain Alain Damasio imagine que la ville d’Orange vend son nom à Orange, l’opérateur téléphonique, Paris à LVMH et Cannes à la Warner. En 2023, l’Ultra Trail du Mont Blanc vend son nom à Dacia, et ce n’est pas un clin d’oeil à la tentative avortée de descente en voiture du mont Blanc lui-même, circa 1980.

Son nouveau nom, Dacia devant UTMB – que vous retrouverez partout, du web au groupe Strava officiel – est moche. L’événement gigantesque – 100000 spectateurs, 10000 coureurs – le plus grand se déroulant en montagne l’été, n’avait pas besoin de choisir un sponsor « high carbon » (pollueur) tel qu’un fabricant de voitures, disent les athlètes signant la pétition. C’est bien connu, la plupart des 100K visiteurs viennent en train (comme à Zermatt) et en vélo, et l’élite du circuit UTMB se déplace à la voile. Les plus cyniques noteront qu’un sponsor voiture pour un événement où tout le monde vient en voiture, c’est logique.

Les 100000 visiteurs viennent en train, comme à Zermatt

Accuser l’UTMB Group est donc assez hypocrite. Après tout, la ville de Chamonix elle-même est bien sponsorisé par Kia, autre fabricant de voitures. Mais le naming, c’est moche parce que celui-ci utilise la sphère publique (la notoriété d’un événement qui doit beaucoup aux communes autour de Chamonix, le massif du Mont-Blanc lui-même) au bénéfice d’un sponsor privé. Alors oui, ceux qui crient au greenwashing n’ont pas tort, et les réponses aux critiques du directeur général d’UTMB Group, font sourire : « nous n’avons plus de bouteille en plastique sur les ravitaillements, nous trions les déchets. » Comme tout un chacun. Et Frédéric Lénart, nouveau directeur de l’UTMB et ancien directeur des 24 heures du Mans (si, si) d’insister sur le « gros dispositif de transport collectif des coureurs qui permet de réduire l’empreinte carbone » de la semaine de course UTMB.

Mais Ironman n’est pas directement responsable des émissions de carbone à Chamonix. C’est notre responsabilité. Coureurs. Spectateurs. Randonneurs, alpinistes qui y passons de temps à autre. À toute vitesse la plupart du temps.

Moche est la privatisation des mots et de la sphère publique

Mais je trouve moche la privatisation des mots, d’un mot, fut-il celui d’une course qui fait rêver des coureurs depuis vingt ans. Je trouve moche la privatisation de l’espace public, la pollution de l’air comme celle du silence, absent de Chamonix et alentours pendant une semaine.

Penser qu’il suffit de renommer l’UTMB ou de trouver un sponsor qui permette aux athlètes de fermer les yeux ne change rien à l’affaire : seule la réduction de la taille de l’événement peut y faire quelque chose.