Un an après la crue dévastatrice de 2024, cinq refuges du Haut-Vénéon peinent toujours à entrevoir la saison estivale. Gardiens oubliés, navettes inadaptées, aide minime et décisions prises sans concertation : les socio-professionnels de la vallée tirent la sonnette d’alarme. Cette tribune dénonce un abandon progressif du territoire et appelle à repenser d’urgence l’avenir touristique et humain du Vénéon, à quinze jours de la date d’ouverture habituelle.
Près d’un an s’est écoulé depuis la crue qui a condamné le hameau de la Bérarde et empêché toute activité touristique dans la vallée. Cependant, sur les 8 refuges que comporte la vallée, l’ouverture des 5 établissements du Haut-Vénéon reste aujourd’hui incertaine. En effet, les mesures proposées par les autorités ne sont pas à la hauteur des enjeux. Les navettes proposées, notamment, ne sont pas adaptées aux besoins touristiques et aux contraintes des refuges, ce qui est révélateur du manque de considération pour la parole et la réalité des gardiens de refuges de la vallée. Au vu de l’importance de ces refuges pour le tourisme dans le Vénéon, c’est l’avenir de toute la vallée qui est menacé.
Se dirige-t-on vers l’abandon progressif du tourisme et de la possibilité de travailler et vivre dans le Vénéon ?
c’est l’avenir de toute la vallée qui est menacé
Rappel des faits
Le 21 juin 2024, le torrent des Étançons déversait 300 000 m³ de matériaux sur le hameau de la Bérarde, entrainant sa destruction partielle. Ce même jour, le torrent du Vénéon détruisait plusieurs tronçons de la route départementale 530 (RD 530), nécessitant la fermeture de cet axe routier par arrêté préfectoral pour plusieurs mois. L’ensemble de la vallée du Vénéon a été fortement impacté par cet évènement, conduisant à une saison blanche pour la plupart des socio-professionnels. Après plusieurs semaines d’incertitude, nous, les gardiens de refuges de montagne, avons été contraints de fermer nos établissements.
La vallée compte 8 refuges de montagne, accessibles uniquement à pied après un accès routier par la RD530. Ils permettent un accès à la montagne aux randonneurs, alpinistes, grimpeurs et contemplatifs. Ce sont des lieux de vie indispensables à la découverte, au partage, à la pratique des activités de montagne et la sensibilisation au milieu naturel.
Nos rôles de gardiens de refuges (travailleurs indépendants rémunérés essentiellement par la vente des repas et boissons) sont multiples : accueil, cuisine, conseils, sécurité et maillon nécessaire en cas de secours… Ces refuges n’ont pas été impactés par la catastrophe et les sentiers d’accès ont été rapidement remis en état par les agents communaux et du Parc National des Écrins.
Ainsi, la saison 2024 a été catastrophique pour la plupart d’entre nous, avec une perte de plus de 80% de nos chiffres d’affaires, ce qui n’a pas suffi à compenser le fond d’aide d’urgence de la Communauté de Communes de l’Oisans. Nous investissons en effet chaque année des sommes importantes pour le démarrage de nos saisons qui s’étendent de début juin à mi-octobre.
Pendant des mois, nous avons fait confiance et participé activement à toutes les réunions, en Préfecture comme ailleurs. Malgré notre implication nous nous retrouvons au pied du mur, et ce à quelques semaines de l’ouverture seulement d’une saison qui nécessite de se préparer très en amont.
Les mesures mises en place par la préfecture compromettent
la viabilité économique des refuges du Haut-Vénéon
La situation aujourd’hui
La situation actuelle nous contraint déjà à décaler nos dates d’ouvertures et réduire la durée de notre saison. Les mesures mises en place par la préfecture compromettent encore plus la viabilité économique des refuges du Haut-Vénéon : fermeture de la route plus de 10 km en aval de la zone sinistrée, fréquence et capacité des navettes largement insuffisants, absence de plan de fonctionnement de la vallée, fermetures de route prévus en juin pour des travaux mineurs ! Cette année à nouveau, le renouvellement de l’aide de la CCO ne permettra pas aux gardiens du Haut- Vénéon de gagner correctement leur vie.
À 3 semaines du début de saison, l’ouverture des 5 refuges situés en amont de Saint-Christophe-en-Oisans est toujours compromise (Promontoire, Soreiller, Carrelet, Temple-Écrins, La Lavey, soit plus de 200 couchages). Pourtant l’ouverture de ces refuges est cruciale pour l’activité touristique et économique de la vallée ; les autres refuges en aval (Alpe du Pin, Muzelle, Selle) seront également impactés. Après les fermetures des refuges du Chatelleret et de la Pilatte ces dernières années, c’est bien la vie et l’avenir de la vallée du Vénéon qui sont en jeu !
Il est urgent de retravailler collectivement
le fonctionnement des mobilités
pour cet été 2025 et dans le futur
Les demandes
Afin de permettre l’ouverture des refuges du Haut-Vénéon dès le mois de juin, il faut d’urgence revoir la stratégie et prendre des mesures :
- La mise en place de navettes régulières, adaptées aux besoins du public et aux contraintes des refuges
Dès le mois de janvier 2025, on nous a laissé entendre que la route menant à la Bérarde ne rouvrirait pas et qu’un système de navettes serait mis en place pour que les randonneurs puissent accéder au fond de la vallée. Nous sommes favorables à l’idée de ces navettes qui doivent être mieux pensées (horaires, dates, etc.), en prenant compte la fréquentation de la vallée et au fonctionnement des refuges qui accueillent une majorité d’alpinistes.
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La prise en compte réelle de tous les acteurs de la vallée dans les décisions qui nous concernent
Dès la fin de l’été 2024, nous souhaitions préparer la saison estivale 2025. Malgré notre présence à de nombreuses réunions, la rédaction de courriels alertant sur notre situation, nos demandes répétées d’être intégrés aux processus de décisions, nous n’avons eu que très peu d’échanges avec les autorités en charge de la question. La Mairie de Saint-Christophe-en- Oisans et la Communauté de Communes de l’Oisans sont restées à notre écoute mais, à ce jour, nous n’avons toujours aucune confirmation officielle des mesures mises en place. Il est urgent de retravailler collectivement le fonctionnement des mobilités pour cet été 2025 et dans le futur.
- La préservation de l’avenir touristique du Haut-Vénéon
À plus long terme, la mise en place de solutions inadaptées et le manque de considération des acteurs du Vénéon nous interrogent sur les objectifs poursuivis par les autorités. Nous comprenons la volonté de limiter les risques liés à une fréquentation inadaptée dans le secteur de la Bérarde, mais ce sont par là toutes les activités montagne qui sont menacées, et on peut craindre de voir ces territoires de montagne peu aménagés complètement désertés !
Nous ne pouvons nous résoudre à être les victimes malgré nous de l’abandon des routes et vallées reculées de montagne considérées comme trop vulnérables et coûteuses, sans que les premiers concernés (les habitants, les pratiquants, les socio-pro, etc.) aient été pris en compte. Il y a sûrement une intelligence plus collective à activer pour rendre possible un avenir et un tourisme durable dans le Vénéon. Il est indispensable et urgent de travailler à cet avenir de court, moyen et long terme en concertation avec tous les acteurs de la vallée.
Une tribune des gardiennes et gardiens de refuges du Haut-Vénéon (Temple-Écrins, Soreiller, Promontoire, La Lavey, Carrelet) : Marie Gardent, Marielle Mollaret, Quentin Delavignette, Sandrine Delorme, Camille Caparros, Ludmilla Lebrun, Walid Aissaoui, Mathilde Dahuron
Avec le soutien de :
– Refuge de l’Alpe du Pin, Carine Magne
– Refuge de la Selle, Noémie Dagan, Justin Follenfant, Guillaume Yvetot
– Refuge de la Muzelle, Thomas Durdan
– Société des Touristes du Dauphiné (STD)
– Fédération Française des Clubs Alpins et de Montagne (FFCAM)
– Les Jarrets d’Acier
– Mairie de Saint Christophe en Oisans
– Marie-Claude Turc, hôtel restaurant café littéraire, La Cordée et habitante de saint-Christophe-en- Oisans
– Nathalie Tairraz, le gîte les Arias et habitante de Saint-Christophe-en-Oisans
– Bernard Tellier, Vénéon eaux-vives
– Jean Marc Rochette, écrivain et habitant des Etages
– Simon Parcot, écrivain et habitant de Vénosc
– Paul Bonhomme, alpiniste
– Benjamin Védrines, alpiniste
– Philippe Bourdeau, Professeur émérite, Université Grenoble-Alpes
– Association AVEC St Christophe
– Association Oisans Nouveau Oisans Sauvage
– Fédération Française de Montagne et d’Escalade (FFME)
– Fédération Française de Montagne et d’Escalade (FFME), comité Isère
– Bureau des guides de la Bérarde
– Bureau des guides de la Grave
– Bureau des guides et des accompagnateurs de Bourg d’ Oisans
– Bureau des guides et des accompagnateurs de l’Alpe d’Huez
– Bureau des guides et des accompagnateurs de Grenoble
– Bureau des guides et des accompagnateurs de Serre Chevalier
– Syndicat National des Guides de haute Montagne (SNGM) & la Compagnie des Guides Oisans-Ecrins : « Devant l’urgence de la mise en place d’une desserte de la vallée du Haut Vénéon à la hauteur des flux touristiques et des ambitions de maintien d’une réelle activité humaine et économique, le Syndicat National des Guides de haute Montagne soutient l’action engagée par le collectif des gardiens de refuge. »
– Syndicat National des Accompagnateurs en Montagne des Hautes-Alpes (SNAM 05)
– Syndicat National des Gardiens de Refuge et Gites d’Etapes (SNGRGE)
– Association des Gardiens de Refuge des Pyrénées (AGREPY)
– Association des Gardiens de Refuge des Hautes-Alpes
– Association des gardiens de Refuge de l’Isère
– Oisans Tourisme, Yves Genevois, Président
– Oisans Tourisme, Caroline Sillon, Directrice
– Mountain Wilderness