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Un surprenant alpiniste

Cette fois, personne n’a vu arriver la comète Haley. Il faut dire que Colin a été encore plus surprenant de spontanéité que d’habitude, dans sa décision de partir en Patagonie pour tenter les 1600m de la Supercanaleta au Fitz Roy, en solo et en hiver. Comme il le raconte dans notre article, l’américain de Seattle est passé d’une forme de train-train au Canada (« J’avais l’impression de perdre mon temps ») aux extrémités de l’hiver austral. C’est un peu comme passer du Requiem de Fauré à un live de Rage against the machine. Deux salles, deux ambiances.

En quelques minutes, le temps d’un coup de fil a l’inévitable « Rolo » Garibotti, voilà que Colin précipite l’essence même d’un alpinisme flamboyant : l’audace (d’une décision de dernière minute), la ténacité (d’un projet de longue date), la sincérité (et son corollaire de discrétion, sans tambours ni trompettes communicantes), l’engagement (l’hiver patagon) et l’expérience (déjà 38 ans le Colin !).

Colin Haley, à Chamonix. ©Ulysse Lefebvre

Ce n’est peut-être pas exagéré de dire qu’en cas de pépin, mieux vaut être coincé sur un sommet pakistanais que dans une face du Fitz. Même s’ils sont difficiles à mobiliser, les hélicoptères de l’armée pakistanaise restent efficaces en cas de secours. À El Chalten, il faut encore compter le plus souvent sur la caravane terrestre de volontaires, encore faut-il qu’ils soient prévenus de l’accident. Au Fitz Roy en hiver, c’est plutôt la solitude qui vous accompagne.

Alors c’est vrai, les prévisions météo se sont bien améliorées en Patagonie ces dix dernières années. Mais les créneaux hivernaux, même anticipés, restent très courts. Et qui a déjà ployé sous les rafales patagonnes sait combien la marge entre le calme et la tempête y est ténue. Colin a su s’y immiscer. Ajoutons l’opportunisme, au sens noble du terme, dans notre petite définition illustrée de l’alpinisme.

Haley réalise finalement
une ascension logique

À la réflexion, Haley réalise finalement une ascension logique, comme si dans son parcours, tout menait à ce climax, épure d’un style alpin qu’il prône depuis toujours, rapide, léger et sans concessions, des parois du Mont-Blanc à celles d’Alaska, et bien sûr en Patagonie, sa terre de prédilection.
La seule question qui demeure est de savoir ce que fera Colin après ça, lui qui nous annonçait passer à autre chose que le solo il y a deux ans. La réponse doit se trouver quelque part là où on ne l’attend pas.