RĂ©parer ses vĂªtements au lieu de les jeter, et d’en racheter : c’est le credo radical de Patagonia avec son Worn Wear Tour. Explications au dĂ©tour d’une randonnĂ©e Ă ski et en splitboard dans les Alpes de StubaĂ¯, en Autriche, dans la poudreuse de janvier.
Branches recourbĂ©es, ourlĂ©es de blanc, les pins tapissent le pied des sommets encore dans le brouillard. Les cristaux de neige flottent dans l’espace comme des cotillons devant une mairie le jour d’un mariage. Tout est blanc, gris, diffus. Les peaux glissent sur la neige fraĂ®che. Les flocons dĂ©rivent dans le ciel drapĂ© de blanc. Ă€ la lisière des arbres, la lumière irradie les tĂªtes qui Ă©mergent en sueur malgrĂ© les moins 13 degrĂ©s au dĂ©part. Nicholas Wolken a l’hiver dans la peau. NĂ© en Suisse, trimballĂ© en montagne dès son plus jeune Ă¢ge par son père, Nicholas a fait des sommets ciselĂ©s entourant Innsbruck, en Autriche, son terrain de jeu.
Nicholas Wolken en a aussi fait son métier, puisqu’il est designer et cofondateur de la marque de snowboards Korua Shapes, des surfboards orientées freeride. « Korua m’occupe une partie de l’année, l’autre partie est dédiée à mon futur second métier, psychothérapeute » explique Nicholas, qui concède lutter pour trouver assez de temps pour rider, de préférence en splitboard, la version rando du snowboard. Passionné de psychologie humaniste, Nicholas nous confie qu’il essaie, malgré ses déplacements à l’autre bout du monde, de « rider de plus en plus local, en utilisant les trains », ce qu’il explique dans son film Close to Home, comme son empathie pour la planète.
Un mètre cinquante de poudreuse tombée récemment.
Conditions parfaites
Au sud-ouest d’Innsbruck, KĂ¼htai est une petite station tyrolienne, et surtout une porte d’entrĂ©e pour la randonnĂ©e Ă ski dans les Alpes de StubaĂ¯. En dehors de glaciers, KĂ¼htai est rĂ©putĂ©e la mieux enneigĂ©e d’Autriche, sise Ă plus de 2000 mètres d’altitude. Le moins que l’on puisse dire est que janvier 2019 restera un excellent cru dans les Alpes autrichiennes : un mètre cinquante de poudreuse est tombĂ©e les semaines prĂ©cĂ©dentes, et le froid a conservĂ© cette ouate dans son Ă©tat originel, du moins dans les versants autres que sud. Des conditions parfaites, ou quasi-parfaites, notamment pour le splitboard, qu’utilise une grande partie de notre Ă©quipe, dont les riders locaux Nicholas Wolken et Mitch Tölderer. La rĂ©gion entière est un vrai eldorado du ski de rando, autour d’Innsbruck les massifs ne manquent pas. Ici le StubaĂ¯, ou le tout proche, bordant la ville au nord, le Karwendel et son tĂ©lĂ©phĂ©rique de Nordkette.
Les dernières pentes du Schafzöllen, 2399 mètres, ont Ă©tĂ© en partie tracĂ©es. Au sommet Nicolas et Mitch filent sur les arĂªtes pour trouver chacun sa ligne vierge : sous le splitboarder montagnard affleure vite l’ADN du freerider. La face de deux cent mètres est expĂ©diĂ©e en cinq ou six courbes Ă Mach 2, dans ce qu’on peut qualifier de neige de cinĂ©ma. L’Autriche ? On en mangerait bien tous les jours. Et le StubaĂ¯, on reviendra. La rĂ©gion autour de Kuhtai est une mine, un coup d’oeil sur la carte vous le confirmera. Au retour, les copains italiens, qui chez eux raclent les skis sur les cailloux ont l’impression dâ€™Ăªtre Ă NoĂ«l, et s’arrĂªtent prendre en photo les murs de neige bordant la route.
L’Autriche ? On en mangerait bien tous les jours.
Kit couture
Ă€ l’heure des promos Ă toute heure sur le web c’est une tradition perdue : celle de rĂ©parer ses propres vĂªtements. Pourtant ce soir dans la cossue ville d’Innsbruck, la foule se presse contre la roulotte Worn Wear : soit pour recoudre une poche, un bouton, ou remettre un zip de fermeture Ă©clair, soit pour coller un simple patch sur un accroc. Pas d’obligation de marque : tout le monde peut venir avec son pantalon de ski ou sa veste d’alpinisme, quelque soit sa marque. RĂ©parer et recycler plutĂ´t que jeter, le concept de Patagonia, une idĂ©e vieille comme le monde : utiliser son Ă©quipement le plus longtemps possible et le rĂ©parer annĂ©e après annĂ©e plutĂ´t que de racheter. Ce qui constitue l’acte le plus radical qui soit pour diminuer son impact sur l’environnement, et accessoirement un conseil dĂ©croissant plutĂ´t rarissime de la part d’un manufacturier de vĂªtements.
Made in Austria. ©Jocelyn Chavy
Le Tyrol, sa gastronomie goûtue. ©Jocelyn Chavy
« Au dĂ©part, explique Jelle Mul, reprĂ©sentant de Patagonia, l’idĂ©e est d’Ă©viter les Ă©missions de CO2, la production de dĂ©chets et la consommation d’eau nĂ©cessaires Ă la confection d’un vĂªtement. Si vous conservez par exemple un vĂªtement pendant neuf mois supplĂ©mentaires, nous pouvons rĂ©duire la consommation de carbone, de dĂ©chets et d’eau de 20 Ă 30%. » Mais pour rĂ©aliser cette mission la marque propose depuis quelques annĂ©es de rĂ©parer gratuitement les vĂªtements que l’on aime… et que l’on maltraite le plus. C’est le Worn Wear Tour : une roulotte baladĂ©e dans les Alpes, comme stand de rĂ©paration ambulante, de station en village. Vous pouvez aussi y glaner des infos pour apprendre Ă rĂ©parer vous-mĂªme vos vestes et pantalons, c’est le but du jeu.
Worn Wear Tour 2019
Après un lancement festif pendant trois jours de janvier Ă Innsbruck, le Worn Wear Tour reprend la route en 2019. La roulotte Patagonia, Ă©quipĂ©e pour affronter les routes enneigĂ©es, s’arrĂªtera Ă la Plagne le 12 mars, et Ă la Clusaz le 13 mars, puis sur le domaine skiable de La Grave du 3 au 6 avril, pour le Derby de la Meije. Et pour ceux qui voyagent dans les Alpes, un calendrier est disponible en ligne. L’Ă©quipe Ă bord proposera gratuitement aux skieurs, alpinistes ou snowboardeurs de rĂ©impermĂ©abiliser leurs vestes et pantalons de toutes marques, raccommoder les accrocs et trous ou encore rĂ©parer les fermetures Ă©clair.