Gaston RĂ©buffat a toujours eu a coeur de transmettre sa passion pour la montagne et toutes les valeurs qu’elle vĂ©hicule selon lui. AprĂšs l’Ă©criture d’Etoiles et tempĂȘtes, l’un de ces livres le splus cĂ©lĂšbres, RĂ©buffat dĂ©cide de porter le rĂ©cit Ă l’Ă©cran. Pour cela, il fait appel Ă Georges et Pierre Tairraz, RenĂ© Vernadet et l’un de ses cĂ©lĂšbres compagnons de cordĂ©e, Maurice Baquet. Extrait de Maurice Baquet, portrait avec violoncelle, d’HervĂ© Bodeau.Â
RĂ©buffat est un passeur. Dans ces annĂ©es 1950, aprĂšs le succĂšs de Premier de cordĂ©e et la conquĂȘte de lâAnnapurna, lâalpinisme et ses hĂ©ros se sont fait une place dans lâimaginaire des Français. La montagne a ses chantres et RĂ©buffat est en passe de devenir lâun dâeux. Il veut raconter sa montagne, une montagne dâengagement mais surtout de beautĂ©, de bonheur et dâamitiĂ©. Une montagne qui permet Ă lâhomme de se rĂ©aliser, quâil veut faire partager Ă tous sans galvauder son sujet. Ă son actif, au milieu des annĂ©es 1950, dĂ©jĂ plusieurs films et ouvrages, dont le magnifique Ătoiles et TempĂȘtes paru en 1954. Le guide y raconte ses ascensions dans les grandes faces nord des Alpes mais fait surtout une grande dĂ©claration dâamour Ă la montagne.
James Couttet, Gaston Rébuffat et Maurice Baquet à la Noire de Peuterey, 1943. ©Coll. Guérin
Cette dĂ©claration, il dĂ©cide de la porter Ă lâĂ©cran en rĂ©alisant une adaptation du livre. Ă ses cĂŽtĂ©s, ses amis. Pour les images qui seront toutes tournĂ©es en altitude, câest toujours Georges Tairraz qui opĂšre, assistĂ© par son fils Pierre et un jeune cadreur qui fera bientĂŽt parler de lui dans le cinĂ©ma de montagne, RenĂ© Vernadet. Afin de donner un caractĂšre unique au film, RĂ©buffat fait appel Ă Maurice â et CĂ©rĂ©bos â pour partager lâaffiche avec lui. Sur lâĂ©cran, il y aura deux artistes dont la complicitĂ© et lâamitiĂ© souligneront la beautĂ© et le pouvoir de lâaltitude.
Gaston, ce sera le geste parfait, la puretĂ© du regard posĂ© sur la montagne. Ă Maurice, la fantaisie, la touche dâhumanitĂ© et de tendresse dĂ©ployĂ©e dans un univers brut oĂč lâhomme semble toujours engagĂ© dans un combat. « Lâalpiniste nâest ni un athlĂšte, ni un artiste mais un complexe des deux », avait coutume de dire le guide. Lâhistoire sera racontĂ©e, sur un ton bon enfant, par Maurice dans le rĂŽle de lâapprenti alpiniste qui sâinitie, se perfectionne et finit par accompagner le guide dans les fameuses faces nord.
Sur le tournage d’Etoile et tempĂȘtes. Maurice Baquet, Gaston RĂ©buffat et Georges Tairraz, Chamonix, 1945. ©Coll. GuĂ©rin
Plan sur Momo qui descend, accompagnĂ© de CĂ©rĂ©bos, lâavenue Michel Croz Ă Chamonix, engagement Ă la Brasserie Centrale comme violoncelle solo, arrivĂ©e de Gaston et premiĂšres grimpettes au col des Montets sur le petit Cervin. AprĂšs une trĂšs belle sĂ©quence de RĂ©buffat dans les Calanques, les deux amis ont rejouĂ© lâarrivĂ©e de Maurice Ă Chamonix et leur rencontre. Ensuite, direction la haute montagne pour son apprentissage. Les deux compĂšres forment une cordĂ©e insolite.
CĂŽtĂ© knickers et pull jacquard, câest toute la gamme des techniques qui est jouĂ©e : gestuelle de lâescalade, du cramponnage, escalade artificielle, tyroliennes, rappels⊠Momo, lui, est Ă la fois le double et lâĂ©lĂšve facĂ©tieux du grand guide Ă©lĂ©gant. Sur sa partition qui fait Ă©cho Ă celle du maĂźtre, il ajoute ses petites notes : mimiques, grimaces, positions rocambolesques, sketchs vestimentaires, cordes qui sâemmĂȘlent, commentaires en tout genreâŠ
Au pied de lâĂ©peron des Cosmiques, Ă 3 600 mĂštres, Momo et CĂ©rĂ©bos convoquent Ravel pour accompagner une descente en rappel du guide et la transformer en petite chorĂ©graphie du vide. La grĂące est lĂ . Puis les deux amis partent cĂŽte Ă cĂŽte dans la vallĂ©e Blanche, tels des Don Quichotte et Sancho Panza de la montagne. Comme deux frĂšres, lâun avec sa corde, lâautre avec son violoncelle. Maurice apprend vite et la deuxiĂšme partie du film projette les deux compĂšres dans un tour des Alpes dâascensions exceptionnelles.
Au programme, dans la camĂ©ra de Tairraz, les faces nord du Piz Badile en Engadine, des Grandes Jorasses, de la Cima Grande dans les Dolomites, des tentatives Ă lâEiger, au Cervin, et enfin lâascension du mont Blanc par son arĂȘte de Peuterey dans le versant italien. Des grandes courses dans lesquelles notre Sancho Panza se rĂ©vĂšle ĂȘtre un alpiniste de valeur et digne de confiance. Ătonnant pour quelquâun qui sourit tout le temps !
Ătoiles et TempĂȘtes sort en 1955. Il est projetĂ© au Festival international du film de montagne de Trento oĂč il obtient le grand prix. Câest pour RĂ©buffat un support de choix qui lui ouvre la porte dâune activitĂ© de confĂ©rencier dans plusieurs pays. Quand il le peut, Maurice est aussi prĂ©sent. Le comĂ©dien emmĂšnera les bobines jusquâĂ lâuniversitĂ© de Moscou pour les prĂ©senter aux alpinistes soviĂ©tiques. « Dans le grand amphithéùtre, violoncelle non loin de moi, je commente le film devant de graves montagnards revenant du Caucase. Une cordĂ©e de deux cents alpinistes soviĂ©tiques. Tout seul contre eux ! Je me suis bien dĂ©fendu. »