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Orange is the new white

Vent de sable et fonte des neiges

Un bout de France s’est réveillé sous un ciel de feu. Ce matin du samedi 6 février 2021, le orange était au-dessus de toutes les têtes dans les Alpes. Après s’être frotté les yeux à plusieurs reprises, le nez collé à la fenêtre, nous sommes nombreux à avoir cru comprendre : un vent de sable, bien sûr ! Mais si : du vent qui vient du Sahara et apporte avec lui des poussières orange, qui retombent ensuite sur les montagnes. Simple oui, mais pas anodin.

Après avoir photographié l’évènement sous toutes les coutures, façon sépia naturel, garanti sans filtre, c’est en baissant la tête que l’effet wahou s’est volatilisé. Bon sang, mais la neige aussi a roussi !

une fonte anticipée de 38 jours !

Embrasement de Notre-Dame-de-la-Gorge, aux Contamines (photo sans filtre). ©Ulysse Lefebvre

De retour devant l’ordinateur, après une petite prise de tête de photographe avec la balance des blancs, quelques recherches m’amènent à une étude très sérieuse publiée dans la revue Cryosphère, émanation du European Geosciences Union (EGU), organisation européenne de recherche en géosciences.

L’étude de 2019 confirme une idée toute simple : les apports de poussières et autres sables du Sahara accélèrent considérablement la fonte des neiges touchées. Sur les trois années étudiées dans le Val d’Aoste, l’auteur révèle même une fonte anticipée de 38 jours ! Plus d’un mois de neige en moins sur la saison 2015-2016 ! En 2019 également, le CNRS se penche sur un important dépôt de sables dans le Caucase. Les scientifiques confirment la diminution de l’albedo, la capacité de la neige à réfléchir l’énergie solaire. La fonte est donc plus rapide.

Vue des Pyrénées catalanes, aux allures de Sierra Nevada, depuis le satellite Sentinel 2, le 6 février 2021. ©European Union Copernicus Sentinel 2 imagery

Naturel ? Oui mais. Le vent de sable se produit en Europe lorsqu’une dépression en Méditerranée « aspire » les sables du Sahara. Cela n’est pas rare, mais d’une intensité de plus en plus forte. Surtout, le phénomène se produit habituellement plus tard en saison. Tout laisse penser que la hausse des températures à l’échelle planétaire ne pourra rendre que plus fréquentes les dépressions, et donc ces vents cuivrés. D’ailleurs, les chercheurs du CNRS n’ont pas tardé à lancer un appel aux prélèvements de ces sables pour en mesurer les quantités.

On connait maintenant l’impact immédiat d’un grain de sable
dans l’engrenage de l’écosystème montagnard.

Côté photo, la chaleur semble avoir envahi la cascade de glace de Notre-Dame-de-la-Gorge, déjà bien abimée par l’important redoux de ces derniers jours. L’herbe et la mouse réapparaissent, le ciel s’embrase et les images de cascade brûlent sous les kelvins, cette unité de mesure de la « température » de couleur en photographie. Mais les vents de sable pourraient perturber bien plus que les photos de montagne. On connait maintenant l’impact immédiat d’un grain de sable dans l’engrenage de l’écosystème montagnard. Espérons que les Alpes ne soient pas trop souvent blanches comme une orange.