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La protection du Mont-Blanc, c’est pour quand ?

Et si l’histoire sur médiatisée et sur dimensionnée des « hurluberlus » de la voie normale du Mont Blanc permettait enfin (!) que l’on avance vraiment et tous ensemble pour l’avenir de nos magnifiques hautes montagnes ?

Le couloir du Goûter peut, certains jours, être problématique… mais beaucoup a déjà été dit, écrit. Au delà, c’est tout le massif qui est soumis à des pressions envahissantes. Le bruit du survol des avions de tourisme et autres hélicos devient infernal, parfois au plus près des hautes parois granitiques. C’est destructeur pour tout le vivant et agressif pour ceux qui s’engagent par leurs propres moyens pour de grandes aventures dans le silence de la haute montagne. Cette haute altitude qui est devenu la seule terre européenne où les humains peuvent écouter, ressentir le silence et où l’on devrait épargner le vacarme des moteurs à la faune sauvage. La pollution résiduelle du trafic routier et des vallées s’invite également sur les glaciers et la neige « immaculée » du Mont Blanc. L’opinion publique s’émeut de plus en plus et les scientifiques inquiets multiplient les alarmes sur la disparition programmée, et qui s’accélère, de la Mer de Glace et autres, « encore» mais plus pour longtemps, grands glaciers des Alpes. Dans l’actualité, les effondrements marquants deviennent presque « banals ». A 3700m, entre l’Aiguille et Helbronner, câbles, pylônes et cabines sont encore là, comme des marqueurs de l’aménagement, là où les hommes ne vivent pas.

Au delà de la voie normale du mont Blanc, c’est tout le massif qui est soumis à des pressions envahissantes.

Le Tramway du Nid d’Aigle pourrait s’arrêter plus bas et préserver ainsi une vraie grande entrée en haute montagne mais non, il est prévu de le faire monter toujours plus haut… Nous regrettons de ne pas avoir eu le débat demandé par plusieurs guides, sur la relance ou non des Grands Montets. Heureusement par ailleurs des projets de gros aménagements en direction de la jonction du Glacier de Leschaux et de la Mer de Glace, au cœur du massif, viennent d’être rangés dans un tiroir. Aujourd’hui de tous les grands sommets le massif du Mont-Blanc est le moins protégé du monde. Le vivant et le non vivant trinquent. Et nos expériences humaines de passagers éphémères  au cœur de ce superbe haut massif sont de plus en plus dégradées. Et dans certains cas mêmes menacées.

Nous regrettons de ne pas avoir eu le débat demandé par plusieurs guides sur la relance ou non des Grands Montets.

Mes expériences de gardien de refuge et d’alpiniste dans le massif des Écrins renforce encore ma détermination à encourager des actions collectives et ambitieuses pour le Mont Blanc. Si là bas, au Sud, les effets du réchauffement climatique global sont malheureusement également dévastateurs, le Parc national installé depuis 40 ans se montre bénéfique pour ce haut massif, pour sa vie  naturelle et… pour les humains ! Pas du tout d’avions, quasiment pas d’hélicos (à la Bérarde toutes les rotations refuges sont regroupées sur une demie journée par mois).

Pas de moteurs donc, mais pas non plus de pénétration dans le cœur de Massif à coup de pylônes ou autres aménagements. Des pratiques de l’alpinisme qui valorisent l’autonomie, l’engagement, la liberté respectueuse et la recherche essentielle, peut-être fondamentale, d’harmonie entre le vivant, le non vivant et notre espèce humaine. Un suivi minutieux et une protection de la faune sauvage, de la flore d’altitude . De vrais efforts de réflexion et de travail collectif, avec l’ensemble des partenaires à l’image, par exemple, de la Convention Escalade. Pas un monde idéal non, mais une volonté forte, une démarche, des acteurs engagés et passionnés, des moyens (trop faibles, mais des moyens quand même) pour aider à être au mieux, libres, et respectueux de notre formidable bien commun que sont nos hautes montagnes.

réglementer l’alpinisme plutôt que de travailler à la transition du tourisme et de la vie économique est une impasse majeure

Dans le Mont-Blanc, il y a plus de 30 ans, quand Mountain Wilderness avait proposé de travailler à l’hypothèse d’un Parc national, personne n’avait embrayé. Certains se voyaient rois du toit de l’Europe, d’autres ne pensaient qu’aux dollars y compris chez des pros de la montagne, sans parler des velléités d’être de puissants aménageurs de sommets. Depuis des initiatives pour tenter de travailler collectivement ont régulièrement été menées par différents acteurs. Sans succès évident, ou si peu à la hauteur des enjeux !

Mais en 2020 les choses vont bouger. Ce qui c’est passé autour des « Hurluberlus » de la voie normale et de l’annonce d’un APHN, « Arrêté de protection des milieux naturels » pourrait accélérer la mobilisation de toutes les parties concernées. Mais, et il y a un gros MAIS… quand le travail collectif avec les acteurs de la montagne n’est pas au cœur du projet, on s’expose à des dérives qui pourraient être graves, rejetées et inefficaces. En effet, la menace demeure de vouloir réglementer l’alpinisme plutôt que de travailler à une transition du tourisme et une véritable protection du massif. Ce serait un non sens inacceptable !

le devenir proche de tout le massif du Mont Blanc est en jeu. On s’y met ?

Alors oui on s’y met tous ensemble. Mais vraiment et on met sur la table, toutes les problématiques, toutes les menaces, mais aussi les très nombreux atouts naturels et humains de ce superbe massif.
Et c’est essentiel, pour nous tous qui n’avons pas tant que cela l’habitude de travailler ensemble, c’est le moment de s’y mettre!

La France préside en 2020 et 2021 la Stratégie de l’Union Européenne pour la Région Alpine. Dans ce cadre nous avons proposé et décidé avec l’État et les Régions et de nombreux acteurs de la montagne de préparer les États Généraux de la Transition du Tourisme en montagne. Ce sera pour début juin 2021 dans 40 lieux en simultané.

Dès maintenant tous les citoyens, les élus, les professionnel de la montagne, les entreprises, l’ensemble des acteurs de terrain devraient se mobiliser, au-delà de l’APHN, c’est le devenir proche de tout le massif du Mont Blanc qui est en jeu.