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Cresta Signal au Mont Rose : l’arête du soleil levant

Les plus belles courses d'Alpine

Premiers rayons sur la Cresta Signal ©Coll. Chapuis/Pasquier/Porret

La Pointe Gnifetti, sommet du mont Rose culminant à 4554 m, est célèbre par le refuge qui coiffe son sommet : le refuge Regina Margherita, le plus haut d’Europe. Mais aussi pour son arête Est dite Cresta Signal, véritable chemin de ciel séparant la vallée d’Alagna Valsesia au sud de celle de Macugnaga au nord. Perché sur l’arête à 3624 mètres, le bivouac Resegotti est le point de départ de ce parcours mixte somptueux de près de 1000 mètres de dénivelé, et gravi pour la première fois en… 1887.

Ce qui m’attire en montagne, ce n’est pas la performance, mais le lien de la cordée, les personnes avec qui je partage ces moments forts, parfois difficiles. Avec Carine et Laura, nous avons créé une cordée qui fonctionne parfaitement, chacune avec ses forces et ses faiblesses… Et c’est une évidence : nous souhaitons faire cette longue et magnifique course de la Cresta Signal ensemble ! Difficile d’avoir les conditions, ainsi que les disponibilités pour toutes les 3… Mi-Août, les planètes semblent s’aligner, et nous partons pour l’Italie et ce joli voyage en altitude.

Deux jours d’approche

Jour 1. Nous choisissons l’option « longue durée ». La première journée nous permet de faire la route depuis Grenoble (4 heures via le tunnel du Fréjus), la traversée en remontées mécaniques depuis Stafal jusqu’à Alagna (avant la pause de midi, les remontées s’arrêtant de 12h30 à 14h), ainsi que la montée au petit refuge de Barba Ferrero (2250 m). D+ : 750 m – Environ 2 heures tranquillement.

À l’arrivée au refuge, Andrea nous accueille chaleureusement ! Nous profitons du bar libre-service, de la terrasse ensoleillée pour admirer la face Est de la Pointe Gnifetti qui se dresse au-dessus de nous : neige, rochers, séracs… Le décalage est fort avec l’ambiance du refuge, perdu au milieu des vaches, des alpages, de l’herbe et des fleurs.

Montée au refuge Barba Ferrero ©Maud Chapuis

La terrasse du refuge Barba Ferrero ©Carine Porret

Jour 2. Après un très bon repas et une nuit réparatrice, nous prenons le chemin du bivouac Resegotti. Le chemin monte droit au-dessus du refuge dans les alpages, puis le long de la moraine avant d’arriver sur un replat à 2800 m d’altitude. Le paysage devient minéral et de là, on peut observer le bivouac Resegotti, petite cabane rouge perchée sur l’arête neigeuse.

Nous poursuivons notre montée, la Pointe Gnifetti ainsi que le bivouac se drapent dans les nuages. Les cumulus gonflent et entourent les sommets. Nous prenons pied sur le glacier Delle Locce, où nous chaussons les crampons pour plus de sécurité et de confort. La rimaye est facilement passée, et les câbles nous emmènent rapidement à la terrasse du bivouac.

Derniers rochers équipés de câbles pour atteindre le bivouac Resegotti ©Maud Chapuis

Vue sur le départ de la course depuis la terrasse du bivouac ©MC

L’orage, l’attente

La petite cabane est équipée de vaisselle, d’un poêle (mais mi-août, plus de bois en réserve), de gaz, de couvertures et de matelas. L’après-midi passe vite à faire de l’eau, à tenter de faire sécher les vêtements, les chaussures. Notre abri est à moitié enterré dans la neige, et le brouillard environnant ajoute à l’humidité du lieu. À 18h, nous commençons notre diner : étude comparative des différentes marques de lyophilisés, ambiance bien différente de la veille au soir ! À 2h du matin, quand le réveil sonne, surprise : la pluie tombe sur les tôles du bivouac, et Carine m’apprend que l’orage a débuté à 23h. Dehors, tout est bouché, les nuages enveloppent la face. D’un commun accord, nous décidons de ne pas nous lancer dans le mauvais temps. Nous nous recouchons et nous aviserons demain.

Jour 3. Nous décidons de temporiser une journée : on tentera demain matin, la météo prévue étant meilleure. Nous descendons à Barba Ferrero où Andrea est surpris de nous revoir… Un plat de polenta, une douche, une sieste, et c’est parti, on remonte. Une cordée guide/client nous précède : ils auront refait de l’eau à notre arrivée. Une autre cordée père/fils rejoint le bivouac à une vitesse impressionnante. S’ensuit une sympathique soirée à 3600m d’altitude où se mélange français, anglais et italien. À 20h, extinction des feux en prévision de la belle aventure du lendemain.

La course

Jour 4. Nous sommes les premières à nous lever à 2h15. Le réveil sonne, chacune son rituel : 3 tasses de thé accompagnées de muesli pour l’une, un faible appétit pour l’autre, une tentative de lyophilisé pour la troisième… À 3h, les frontales sont fixées sur les casques, le ciel est étoilé, l’air est doux, le regel est partiel, tout est noir autour de nous. On s’encorde et on démarre dans les traces de nos prédécesseurs, passés deux jours avant nous d’après le Livre d’Or. Rythme lent, pour réveiller le corps. J’ai du mal ce matin : l’arête neigeuse est effilée, ourlée de corniches et il faut faire attention à la pose des pieds.

Au départ l’arête effilée demande de la vigilance, ou d’être réveillé ©Maud Chapuis

Dans le halo de lumière de la frontale de Carine, un court passage rocheux, marqué de traces de crampons, apparait. Nous le franchissons rapidement et atteignons le Passo Signal (3769 m) : fin de la première partie. Derrière nous, on aperçoit l’arête qui mène au bivouac. Les rochers prennent une teinte orangée, le bleuté du lever du jour laisse place aux couleurs chaudes. Pause, nous éteignons les frontales.

Une pente de neige entrecoupée de rochers nous amène au pied du premier ressaut, qui se contourne par la gauche via un couloir en terrain mixte  (1 piton au départ). Nous remontons ce couloir en une grande longueur (passage bien prisu, nombreuses traces de crampons), et rejoignons l’arête.

Le couloir de contournement du premier ressaut ©Coll. Chapuis/Pasquier/Porret

Retour sur l’arête à la sortie du premier ressaut ©Maud Chapuis

La suite est plus facile et nous amène au pied de la cascade caractéristique. La pente de neige vient buter sous un beau mur raide coloré : il faut alors prendre une rampe à droite au niveau d’un piton (environ 20 m sous la cascade). Elle mène à un dièdre couché (marques de crampons) que l’on remonte en une longueur d’environ 40 m (passages en IV).

Les pentes mixtes qui conduisent à la cascade ©Maud Chapuis

Au pied de la cascade, virer à droite ©Maud Chapuis

À la sortie, des pentes de neige et glace assez raides (45°) conduisent au pied du second ressaut de l’arête, sur environ 100 mètres de dénivelé. Au second ressaut, on traverse 50 m vers la gauche sur une vire (1 piton puis 1 piton au pied d’un pas malcommode en III), avant de pursuivre en ascendance à gauche pour déboucher sous les pentes sommitales.

Le refuge Margherita semble si proche, la face est raide… Il est 9h30, la neige chauffe depuis plus de 3 heures et se transforme : on essaie d’avancer vite tout en protégeant au maximum la progression. On vient buter sur un dernier ressaut rocheux qui est rapidement avalé (pas de III+), et on débouche à 4500 m d’altitude sur l’arête facile menant au refuge.

Dernier ressaut sous le refuge Margherita ©Coll. Chapuis/Pasquier/Porret/

Sortie du dernier ressaut avec vue sur l’arête ©Maud Chapuis

À 10h30, soit 6h30 après notre départ du bivouac, c’est le retour à la civilisation. Nous passons d’un univers vertical et solitaire à un univers plat avec des hordes de cordées, à perte de vue ! Nous nous dirigeons vers le refuge, et finissons notre course par un pas de IV pour atteindre la terrasse du local groupe électrogène… Notre seule erreur de parcours !

Nous mangeons une pizza bien méritée en compagnie d’Andrea et Joseppe qui nous ont suivis durant la course. C’est l’effervescence ici et sans tarder, depuis le sommet de la Pointe Gnifetti, on entame la descente par le Col du Lys (4151 m). On croise de multiples cordées : montagnards aguerris, amateurs en manque d’acclimatation… C’est une autoroute pour rejoindre le bas du glacier, puis le téléphérique de Punta Indren qui, en 30 minutes, nous conduit d’un univers glaciaire et minéral à la petite station de Stafal, dans la verdure et la chaleur…

La boucle est bouclée : ce magnifique voyage restera pour moi une des plus belles courses que j’ai réalisées. Un grand merci à mes compagnons de cordée, et vivement nos prochaines aventures ensemble.

Massif du Mont Rose, Punta Gnifetti en traversée Alagna > Stafal (D), 4554m, 3 jours

Ouverture en juillet 1887 par Aloys Supersaxo, Harold W. Topham et un porteur.

Accès

Départ de Stafal, prendre les remontées mécaniques (AR à 34 euros + 12 euros pour redescendre de Punta Indren au retour) pour rejoindre Alagna Valsesia. De là, remonter la route jusqu’au parking de Merletti où une navette (3 euros) vous emmènera au terminus (Acqua Bianca). Monter au refuge Barba Ferrerro ou rejoindre directement le bivouac de Resegotti. Gaz, vaisselle, couvertures et matelas à disposition (environ 12 places).

Topos

Chemins de ciel, les plus belles courses d’arêtes des Alpes, Mario Colonel (Arthaud, 2003) – Les Alpes valaisannes, les 100 plus belles courses, Michel Vaucher (Denoël 1979)

Matériel

Corde à simple 40m.

Quelques friends, sangles, dégaines.

Crampons, piolet technique (x2 selon conditions / préférable pour le leader).

Difficulté

L’Itinéraire est grandiose, varié (arête neigeuse, mixte, grimpe), d’une difficulté  modérée (D), mais il s’agit d’une course relativement longue et engagée. Une bonne acclimatation permet d’envisager la course plus sereinement, et un bon enneigement facilitera la progression.