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Arctic Ice : les cascades d’Akka en Laponie suédoise

Bourses Expé 2021

Sur la glace dure du cercle polaire arctique... ©Coll. T. Cattelain

Lauréats des Bourses Expé 2021, Nils Chapuis, Thibault Cattelain, Nathan Lioret et Estelle Vincent ont réussi leurs missions : découvrir et ouvrir des cascades de glace superbes en Laponie suédoise, et réaliser un très joli film de leur expédition. Genèse du projet et topos des ces premières lignes ouvertes au-delà du cercle polaire arctique, par Thibault Cattelain.

Le thermomètre annonce -29°C. La nuit est en train de tomber. Cela fait à peine quelques heures que l’on a terminé de creuser le gouffre qui accueille désormais notre camp de base. La température de nos corps est inéluctablement revenue à la normale, ce qui n’est pas pour arranger notre résistance au grand froid. Même Lana (le petit Husky), pourtant bien plus adaptée que nous aux conditions actuelles, est roulée en boule dans un coin de la tente – c’est peu dire.

À travers les orifices d’aération, on aperçoit à l’horizon de longues coulées de glace qui se perdent dans un immense mur austère et rocheux. Le coucher du soleil les recouvre d’une lueur rougeâtre exceptionnelle. Malgré le froid saisissant et persistant, toutes ces lignes inconnues nous ouvrent les bras … Nous sommes bien en 2022, en Suède, dans le gigantesque Parc national lapon du Sarek, bien au-delà du cercle polaire arctique. Et ce n’est pas un rêve, ce fabuleux massif au pied duquel nous nous endormons, nommé Akka, est vierge de toute exploration de cascade de glace.

Lever de soleil sur le massif d’Akka ©Estelle Vincent

Aurore boréale dans le ciel d’Akka ©Estelle Vincent

©Estelle Vincent

réaliser le rêve de Nils : escalader les cascades
qu’il observait au loin lorsqu’il était petit

Petit retour en arrière, plus d’une douzaine de mois auparavant.
Janvier 2021. Entre deux confinements. Je cherche désespérément à m’évader des Alpes françaises pour prolonger la saison de cascade de glace. La Norvège a calfeutré ses frontières. J’étudie le cas de la Suède et de la Finlande, sans trop d’espoir. Je discute de manière incongrue avec Nils Chapuis au cours d’une sortie des Equipes Jeunes Alpinisme de l’Isère, qui s’exclame aussitôt : « Mais attends, vas en Suède ! Mes grands-parents habitent en Laponie, j’y vais en vacances depuis que je suis tout petit, je suis sûr qu’il y a des cascades de glace à explorer ! »

Improbable, mais vrai.

J’étudie les succinctes informations que l’on peut trouver sur le web, je tends un piège-vacances à une amie, et me voilà parti à la découverte de cette région nordique peu connue des glaciéristes occidentaux. Trois semaines plus tard, le verdict est sans appel : il y a effectivement là-bas un véritable potentiel d’exploration pour la cascade de glace. Il faut y retourner !

Les outils pour survivre en Laponie : la pelle… ©Thibault Cattelain

… la scie… ©Thibault Cattelain

La perceuse à glace pour pêcher ! ©Estelle Vincent

Nils est bien évidemment partant, ce sera l’occasion pour lui de revoir ses grands-parents qui sont gardiens de refuge l’hiver dans les montagnes lapones, et de réaliser un rêve d’enfance : escalader les grandes structures gelées qu’il observait au loin lorsqu’il était tout petit. On motive sans trop forcer Nathan et Estelle, deux autres jeunes des Équipes, pour se joindre à nous.

Après une année complète de préparation, un hiver français d’échauffement (i.e entre fin décembre et début février), environ 35 heures de route d’un bout à l’autre de l’Europe, on arrive enfin au bout du lac de Stora Sjöfallet, où l’on trouve un petit village de pêcheur nommé Ritsem. La route ne va pas plus loin l’hiver.

À partir de là, il nous faut plus de 3 heures de marche à skis pour traverser d’un bout à l’autre le fameux lac, quittant véritablement la civilisation pour plusieurs semaines. Notre premier objectif est de nous arrêter quelques jours dans le refuge des grands-parents de Nils. Curt et Ulla, âgés de 80 ans, sont probablement les plus vieux gardiens de refuge suédois. C’est leur dernière saison ici, et on est très heureux de pouvoir les aider à ouvrir le lieu !

Thibault Cattelain dans « Vänskrap », le grade 6 aux airs d’Érection à La Grave  ©Coll. Thibault Cattelain

C’est ainsi que pour les premiers jours de l’aventure nos piolets restent bien au chaud au fond des pulkas, et nous nous attelons à déblayer les 2 mètres de neige qui encombrent l’accès à la source marécageuse – et donc à l’eau potable. Prendre de l’avance à la scierie en coupant du bois, changer les bouteilles de gaz, déneiger les allées entre les cahutes. En partageant le quotidien de Curt et Ulla, on découvre la rudesse et l’authenticité du refuge suédois, tout en s’émerveillant devant la grandeur de ces deux personnages souriants et passionnants. Le refuge est situé dans un cadre magique. Si un jour vous êtes de passage dans le Sarek, on ne peut que vous conseiller de vous y arrêter !

Après ces beaux moments de partage, on quitte la chaleur des cabanes pour une journée de marche dans la toundra, nous permettant d’acheminer nos pulkas jusqu’au plateau austère qui borde les falaises gelées de la face ouest d’Akka. Là, avec les lèvres collées au thermos et l’ensemble des batteries stockées entre la première peau et la polaire, l’aventure peut véritablement commencer ! 

Le film de l’expé : « Back to Paradice »

Nathan Lioret dans le mixte de Repentance Hyper  ©Estelle Vincent

Ce serait dommage de vous spoiler : on vous laissera découvrir le reste de cette aventure en visionnant le film que j’ai réalisé, « AKKA – Back to Paradice ». Après une avant-première à la Bérarde en août, dans le cadre du Plus Petit Festival International du Film de Montagne, et une projection à la soirée Grand Prix des Bourses Expé en septembre (dont notre expédition a été lauréate en 2021), vous pourrez le voir et échanger avec nous aux 14ème Rencontres de la Cinémathèque de Montagne de Gap (le 25 novembre 2022, à 20h30) et dans de nombreux festivals français de cascade de glace, le 1er sur la liste étant le festival de la Première Glace à Aiguilles en Queyras, le samedi 17 décembre 2022 (suivre l’actualité des diffusions sur la page Instagram « Akka-Expedition »). Après la saison de festival, le film sera accessible en libre accès sur la chaîne Youtube des Bourses Expé (by Cabesto).

 

Topos des premières lignes ouvertes lors de l’expé

 

Comme vous ne trouverez pas ces informations dans le film, on vous propose en exclusivité dans cet article une sélection de topos des cascades que l’on a ouvertes en mars 2022 dans le Parc du Sarek. Si vous avez envie de vous prévoir un trip hivernal en Laponie suédoise, n’hésitez pas à me contacter, je vous flasherais les méthodes avec plaisir !

La première ligne que l’on a explorée est un peu éloignée de la grande face ouest d’Akka. Elle ressemble un petit peu à la « Sorcière Blanche » (F.Damilano, P.Batoux, B.Robert en 2006 dans le Cirque du Fer à Cheval), en version miniature. Après deux longueurs faciles dans un grand socle de glace, on atteint une belle vire surplombée par les énormes épées et les dévers sommitaux. Une longueur de mixte en arc-de-cercle, pas facile à protéger, nous amène derrière le cigare majestueux de sortie. Une dernière longueur de 40m, continue à 90° et aérienne à souhait, permet d’atteindre le sommet de la ligne. Pour faire un petit clin d’œil à l’histoire alpine de la cascade de glace, j’ai proposé d’appeler cette ligne Repentance Hyper. C’est la 3éme « Repentance » dans le monde (jamais 2 sans 3 !), et je suis convaincu avec humilité qu’elle restera à jamais moins célèbre que ces grandes sœurs. Qu’importe, c’est notre Repentance à nous, dans un pays où l’on est heureux d’ouvrir une ligne aussi majeure que celle-ci.

©Thibault Cattelain

Voici encore une vue d’ensemble des 3 nouvelles cascades dans la face ouest du massif d’Akka. Högström (i.e « courant fort » en suédois) est le nom de famille de Curt et Ulla, les gardiens d’Akka. On a décidé de nommer la plus grande cascade du secteur en leur honneur, celle qui continuera à jamais de veiller de toute son ampleur sur les alpinistes dans cette région. La plus petite cascade du secteur, Akkanamatata, est non seulement la ligne optimale pour faire de l’initiation mais également le point de départ de futures explorations en mixte sur la face… Nous, on n’avait pas les friends et les pitons en fond de pulkas, mais si un jour on doit y retourner, c’est par là qu’on attaquera les festivités !

©Thibault Cattelain

Enfin, la somptueuse « Érection » locale (en référence à une cascade phare de la Haute-Romanche, dont les difficultés sont concentrées dans une première grande longueur très soutenue – ancien degré 6, décoté au fur et à mesure des années…). C’est la première ligne que l’on a escaladée sur le secteur, c’est bel et bien une envolée de 50 mètres à 90°, avec un passage à 95°. On est très fiers d’avoir eu la chance de fouler une ligne comme celle-ci. Elle s’appellera Vänskrap (i.e « amitié » en suédois).

©T. Cattelain

©T. Cattelain

Nils, Nathan, Estelle et Thibault tiennent à remercier chaleureusement tous leurs partenaires : les Bourses Expé by Cabesto, les partenaires affiliés, la Biocoop Champolion, SnowPlak, Julbo Eyewear. Également tous les donateurs qui ont participé à la cagnotte et permis la réalisation de Akka, back to paradice. Thibault Cattelain remercie ses sponsors personnels, Grivel et Lagoped.