Il est connu que des salopards vivent vieux, j’en veux pour preuve un certain Donald aux États-Unis. Il est malheureusement connu que de chouettes gars meurent prématurément. C’est la loterie, et personne n’y peut rien, quand elle frappe sans crier gare. Archil Badriashvili était un alpiniste doué, très. Il a été victime d’un accident, a priori dû à la foudre, qui l’a précipité dans le vide alors qu’il grimpait sur l’arête du pic Shkelda à plus de quatre mille mètres d’altitude, en Svanétie, Géorgie.
On peut définir quelqu’un en disant que c’était un chouette type. Archil en était un à coup sûr. On peut dire qu’il avait reçu un piolet d’Or, pour la magnifique ascension du Saraghrar, 7303 mètres, avec Baqar Gelachvili et Giorgi Tepnadze, une montagne située dans l’Hindu Kush pakistanais, à la frontière avec l’Afghanistan. Il fallait avoir l’idée.
On peut aussi le remercier d’avoir placé la Géorgie, et les formidables montagnes du Caucase, dans la carte mentale de plein d’alpinistes. Ses réalisations, nombreuses, dans son pays natal, parlent pour lui. L’Ushba, l’une des plus belles montagnes de la planète, n’avait pas de secret pour Archil.
Archil Badriashvili à Briançon, 2022. ©JC
Ce printemps, Archil s’est encordé avec deux routards de l’altitude, des décennies d’expérience en parois diverses et avariées, hauts voire très hauts sommets. Une cordée en or, qui a vu Marko Prezelj et Manu Pellissier grimper avec Archil Badriashvili pour gravir quelques belles montagnes dans l’Himalaya indien. Ils nous ont raconté leur improbable aventure, dans des montagnes peu, ou pas fréquentées.
Des montagnes sauvages ? Sans doute ce qui animait Archil. Pas les voies normales, pas les refuges ou lodges du Khumbu. Non, comme Marko ou Manu, qui grimpent dans les recoins les moins fréquentés des Alpes, Archil préférait sans doute, une fois sorti de son sauvage Caucase, fréquenter d’autres montagnes sauvages, vierges de présence humaine. Une source d’inspiration pour nous qui sommes coincés entre Insta et C2C.
La première fois que nous avions échangé, c’est parce que je lui ai envoyé une photo du Pangpoche, un très, très beau sommet au nord du Manaslu, dont Archil et ses compagnons géorgiens ont fait la première. Ces deux Pangpoche se dressaient sous le nez de plein d’alpinistes qui montent au camp de base, mais c’est Archil qui a cueilli ces beaux sommets, après un run d’échauffement (le Nanga Parbat sans ox).
Archil préférait sans doute, une fois sorti de son sauvage Caucase, fréquenter d’autres montagnes sauvages, vierges de présence humaine
Alors quand lundi la nouvelle est tombée, j’ai revu la gouaille, la tête hilare d’Archil à Briançon au milieu de plein d’alpinistes aussi talentueux mais pas aussi heureux d’être là, simplement. Archil était sans doute aussi un peu fier de voir que l’ambassadrice de son pays avait fait le déplacement pour son piolet d’or.
Mais je sais que ce qui l’animait, c’était l’aventure, pas les récompenses. L’aventure qu’il a cherché, dans le Caucase et dans l’Himalaya. L’aventure qu’il a peint avec ses piolets, avec son grand sourire. Merci Archil.
Après la triste nouvelle, Manu Pellissier lui a dédié ce mot. Première règle en voyage, et première règle pour oublier la douleur, et vivre à nouveau. « Travel light my friend ».