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Ouvrir une voie depuis le bas : un art, une valeur sportive aujourd’hui en risque de banalisation

Dans cette tribune, un collectif d’ouvreurs souhaite ouvrir le débat sur l’éthique de l’ouverture d’une voie depuis le bas. Ils pointent une utilisation jugée abusive du trou foré et des amarrages amovibles. Parmi les signataires figurent Michel Piola, Daniel Anker, Nico Favresse, Rolando Larcher ou encore Silvan Schüpbach. Ils ont imaginé une nomenclature pour distinguer l’ouverture du haut et celle du bas, et des règles à respecter dans le cas d’une ouverture stricte depuis le bas avec cette devise : « Ne jamais imposer aux répétiteurs des passages d’escalade libre qu’ils n’ont pas eux même gravis à l’ouverture. »

L’escalade est notre passion, que nous soyons répétiteurs ou ouvreurs de voies. Ces itinéraires que nous adorons grimper ont été ouverts par des équipeurs passionnés, depuis le haut (rappels, cordes fixes), ou depuis le bas. En grandes voies, et même parfois en moulinettes, l’ouverture depuis le bas « stricte » est considérée comme la manière la plus sportive de créer, car l’ouvreur se trouve dans la même configuration que le répétiteur, en y ajoutant incertitude, engagement et matériel d’ouverture (pour placer les points – si la voie est équipée, tout ou en partie – il doit s’arrêter de façon précaire sur ses crochets du ciel, ou se tenir d’une seule main).

Nous estimons qu’il s’agit de la méthode la plus juste, car elle nous permet de ne grimper (“ouvrir”) que si nous donnons la preuve d’être à la hauteur des difficultés auxquelles nous sommes confrontés. Nous laissons ainsi la place aux générations futures lorsque nous n’avons pas le niveau physique ou mental requis. Nous pensons qu’il s’agit d’un aspect d’ouverture important, le plus loyal possible: il nous interdit de nous approprier le maximum d’espace, mais uniquement celui qui est réellement à notre portée.

Michel Piola à l’ouverture de California Dream, L12, 6c+ ©Collection Piola

Cependant, avec l’apparition de divers moyens de progression amovibles (trous forés intermédiaires, « Removable bolts » auparavant, « Pulses » récemment), les façons d’ouvrir depuis le bas prennent les formes les plus diverses, de la version la plus rigoureuse et éthique (escalade libre intégrale entre chaque point placé) à l’escalade entièrement en artificielle (sur trous percés entre les points, A0, etc…).

« L’ouverture depuis le bas » avec des aides artificielles est à la portée de chacun, quel que soit son niveau, et se rapproche de l’ouverture depuis le haut. Il suffit ensuite de supprimer les points temporaires et d’équiper définitivement la voie, en second ou sur corde fixe. Ainsi, sans trop d’efforts, rapidement, toutes les parois du monde peuvent potentiellement être « équipées ».

Ces différences d’ouverture sont en général invisibles pour les répétiteurs, mais elles revêtent une importance fondamentale. Pour un ouvreur « du bas », il est non seulement important de réaliser le parcours librement, comme tout grimpeur sportif, mais aussi d’aborder une paroi ou une ligne vierge avec respect.

ne jamais imposer aux répétiteurs 
des passages d’escalade 
libre 
qu’ils n’ont pas eux même gravi à l’ouverture

Nous craignons que cette méthode ne se généralise, conduisant à une consommation effrénée de toutes les belles parois vierges dans le monde, au détriment des prochaines générations d’ouvreurs et d’alpinistes sportifs. Chacun est libre de grimper ou d’équiper comme il l’entend, mais nous suggérons aux chroniqueurs et aux journalistes spécialisés des magazines web et papier, lorsque la méthode est connue, de toujours la préciser.

De même, les auteurs de topos-guides peuvent utiliser les symboles usuels suivants :

↓ Équipement depuis le haut

↑ Ouverture (stricte) depuis le bas 

→ Équipement-ouverture mixte (utilisation d’escalade artificielle, même partielle)

En conclusion, pour toutes leurs nouvelles ouvertures depuis le bas, les signataires de cette lettre s’engagent à :

  • Préférer l’ouverture du bas à l’équipement du haut en grande voie.
  • Ne jamais grimper en escalade artificielle (trous forés intermédiaires ou autres) entre les points définitifs.
  • S’interdire toute sorte de « triche », comme faire un détour puis corriger ultérieurement la ligne, effectuer un repérage préalable du haut, etc…
  • En résumé : ne jamais imposer aux répétiteurs des passages d’escalade libre qu’ils n’ont pas eux même gravi à l’ouverture, dans les exactes mêmes conditions.

Nous vous souhaitons à tous de merveilleux moments d’escalade et d’aventure !

Liste internationale des signataires

Daniel Anker (CH)
Filippo Arrigoni (IT)
Federico Asciolla (IT)
Sara Avoscan (IT)
Simone Banal (IT)
Christos Batalogiannis (GR)
Vangelis Batsios (GR)
Alessandro Bau (IT)
Alessandro Beber (IT)
Tiziano Buccella (IT)
Fabi Buhl (AU)
Michele Cagol (IT)
Mauro Calibani (IT)
Michele Caminati (IT)
Francois Cazzanelli (IT)
Marco Cordin (IT)
Luca Cornella (IT)
Pierino Dal Prà (IT)
Gianguido Dalfovo (IT)
Stefano Dellantonio (IT)
Matteo Della Bordella (IT)
Marco Della Nave (IT)
Hanspeter Eisendle (IT)
Nasim Eshqi (Iran)
Massimo Faletti (IT)
Matteo Faletti (IT)
Nico Favresse (Bel)
Dario Feller (IT)
Marco Ferrari (IT)
Mauro Florit (IT)
Mauro Fronza (IT)
Rollo Garibotti (ARG)
Helmut Garghitter (IT)
Andrea Gennari Daneri (IT)
Omar Genuin (IT)
Luca Giupponi (IT)
Filippo Ghilardini (IT)
Gabriele Gorobei (IT)
Nicola Guzzo (IT)
Sina Heidari (Iran)
Recep Ince (TR)
Jacopo Larcher (IT)
Rolando Larcher (IT)
Alessandro Larcher (IT)
Fabio Leoni (IT)
Ben Lepesant (LU)

Rossano Libera (IT)
Enrico Lovato (IT)
Beat Kammerlander (AU)
Mich Kemeter (D)
Heinz Mariacher (AU)
Giovanni Massari (IT)
Samuele Mazzolini (IT)
Federica Mingolla (IT)
Leonardo Meggiolaro (IT)
Bruno Menestrina (IT)
Sergio Morra (IT)
Juan Sebastian Muñoz (CO)
Alessandro Neri (IT)
Franco Nicolini (IT)
Adam Ondra (CZ)
Maurizio Oviglia (IT)
Cesare Pastore (IT)
Fabio Palma (IT)
Roberto Pau (IT)
Francesco Piacenza (IT)
Michel Piola (CH)
Andrea Polo (IT)
Benjamin Ribeyre (F)
Berni Rivadossi (IT)
Nicola Sartori (IT)
Stefano Salvaterra (IT)
Simone Sarti (IT)
Riccardo Scarian (IT)
Roger Schäli (CH)
Raphaël Schmid (CH)
Reini Scherer (AU)
Martin Scheel (CH)
Adriano Selva (IT)
Stephan Siegrist (CH)
Andrea Simonini (IT)
Erik Svab (ITA)
Marco Sterni (IT)
Silvan Schüpbach (CH)
Nicola Tondini (IT)
Aykut Turem (TR)
Geremia Vergoni (IT)
Roberto Vigiani (IT)
Beppe Villa (IT)
Ermanno Zanetti (IT)
Alessandro Zeni (IT)