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Tamara Lunger, l’instinct montagne

Athlètes La Sportiva 1/3

Tamara Lunger ©La Sportiva

Himalayiste, Tamara Lunger n’a pas choisi les voies de la facilité mais celles, exigeantes, du style alpin et des hivernales.  Elle a su faire demi-tour quand cela était nécessaire, ou sauver un compagnon de cordée. De ces expériences hors du commun, Tamara a su en tirer une réflexion sur ce qui l’a pousse en montagne, et sur ce qu’elle veut écouter plus que tout : son intuition. Interview réalisée lors du meeting La Sportiva à Freissinières.

Comment a-t-on un jour envie de grimper à 8000 mètres d’altitude en hiver ?

Tamara Lunger : Tout le monde doit penser que j’aime le froid, mais ce n’est pas le cas ! Je vais faire des 8000m en hiver juste parce que je veux échapper à la foule, pas parce que j’aime le froid. Je veux être seule avec ma cordée, pas au milieu d’une foule. J’ai accepté le froid parce que c’était plus important pour moi d’être seule avec mon équipe et parce que c’est incroyable d’être responsable de chaque pas, de chaque décision qu’on prend.

Je grimpe sans oxygène et sans sherpas mais j’utilise les cordes quand il y en a. Le K2 en hiver serait impossible autrement. Tout est complètement gelé. Le vent et le froid soufflent la neige, donc en hiver il faut se frayer un chemin, c’est très rude pour le corps et les muscles. Je ne m’attendais pas à ce que ce soit aussi dur en hiver comparé à l’été. C’est vraiment un autre monde.

gravir un 8000 sans oxygène a toujours été la discipline reine, le plus haut accomplissement que l’on puisse accomplir

Je pense que, de nos jours, les gens cherchent la sécurité dans la foule. Depuis le succès de Nimsdai, je vois beaucoup de femmes qui n’avaient jamais été en altitude avant s’aventurer là-dedans. Mon coeur saigne quand je vois et j’entends des histoires de ce qu’il se passe là-bas.

Pourquoi dis-tu cela ?

Parce qu’en voyant ce qui se passe, je pense que je suis né un peu trop tard. Je dis toujours que j’aurais dû naître il y a cent ans. Une personne qui m’inspire est Erich Abram qui a fait partie de la première ascension du K2 en 1954 et qui a été le dernier survivant de cette expédition. J’ai eu la chance de le rencontrer dans les 3 dernières années de sa vie. Il est incroyable, c’était un pionnier de l’aviation. Je suis pilote d’hélicoptère et lui aussi ! Il a atterri en aéroplane sur le glacier Adamello, a dû rester là-bas à cause du mauvais temps et a construit un igloo pour y dormir. C’était également un pionnier du sauvetage alpin dans le Tyrol du sud, là où j’habite.

Pour moi gravir un 8000 a toujours été la discipline reine, le plus haut accomplissement que l’on puisse accomplir. Je disais que mon coeur saignait parce que les valeurs du vrai alpinisme ne sont plus vraiment actuelles. Tout est pensé pour Instagram, on suit la masse. On ne pense qu’à checker des cases, à se dire qu’on a fait ça et ça et ça, le plus possible. 

©Tamara Lunger

En 2021, hivernale au Gasherbrum I. Simone Moro et Tamara Lunger cherchent un passage avant que Simone ne chute dans une crevasse et soit sauvé de justesse par Tamara. ©Matteo Zanga/La Sportiva

Comment te sens-tu depuis l’accident de Sergi Mengote en 2021 dont tu as été la témoin ? 

Depuis cette expédition au K2 en hiver (2021), je me sens très différente. J’étais complètement détruite après l’accident, remplie de tristesse. J’ai vu Sergi chuter et il est décédé dans nos bras. C’était comme une âme sœur pour moi, et nous avions déjà prévu de faire d’autres projets ensemble. Dans un premier temps, je ne voulais plus aller en montagne, je ne voulais plus souffrir, plus sentir le froid. Je ne faisais que manger ! J’ai donc beaucoup travaillé avec de la méditation et la recherche de mon vrai moi. J’ai dû apprendre à gérer cette perte. J’ai dû travailler sur moi-même. J’ai aussi compris que j’avais besoin de cette tragédie pour comprendre des choses sur moi.

Avant, après chaque fois où j’ai failli mourir, je continuais. Cette fois, après le K2, c’était tellement fort que j’ai compris que j’avais besoin de changer. Avant, je me battais contre moi, je cherchais à faire le plus de kilomètres, le plus de sommets, le plus de montagnes… J’ai pu digérer ce drame. Malgré cela, c’était la période la plus difficile de ma vie. J’avais toujours pensé que je faisais de l’alpinisme pour moi, mais en fait il y avait aussi autre chose : je faisais ça parce qu’on me mettait la pression de le faire.

Tamara Lunger à Aiguilles, Queyras, janvier 2023. ©Jocelyn Chavy

La pression n’est-elle pas indissociable de l’athlète sponsorisé, fut-il alpiniste ?

En montagne j’ai toujours voulu me prouver des choses à moi-même, savoir à quelle vitesse mon esprit et mon corps pouvaient aller. Mais quelques mois après le K2, les gens ont commencé à me demander quelle serait ma prochaine expédition. Je me suis dit “ Mince, je ne peux même pas être triste ou au repos parce que les gens ont des attentes.” C’était rude pour moi, je me suis dit qu’il n’y avait pas de Tamara sans alpinisme. Je voulais vraiment être la personne qu’ils me demandaient d’être, et j’ai recommencé à m’entraîner même si je n’en avais pas profondément envie. J’ai eu des douleurs dans le dos, et j’ai fini par me faire une rupture des ligaments au genou. C’était un signe qu’il fallait plutôt que je me repose et réfléchisse davantage sur moi-même. 

C’était douloureux pour moi d’être perçue comme Tamara uniquement en tant qu’athlète

Comment exister en tant que soi et pas seulement en tant qu’athlète ? 

J’ai vraiment compris que cette douleur dans mon dos était là parce que je ne suivais pas mes ressentis intérieurs et mon intuition mais les souhaits des autres. Je me suis donc assurée de m’écouter, et c’était le plus difficile. Je ne savais pas comment me comporter avec mes sponsors, je voulais m’échapper des médias sociaux. C’était douloureux pour moi d’être perçue comme Tamara uniquement en tant qu’athlète. C’était un problème parce que je ne me valorisais que dans cette activité, j’avais créé cette image et les gens me voyaient forte comme ça.

J’ai dit à mes sponsors que la seule chose possible pour moi était d’exprimer ce que je ressentais. Je leur ai dit que si je ressentais une pression sur un projet, je ferais l’exact contraire. Je ne leur donnerais pas de projet d’escalade ou d’alpinisme clair. A mes yeux, c’est le plus grand pas que j’ai fait parce que je me suis montré vulnérable et fragile, j’ai été honnête et libre d’agir. La Sportiva a réagi comme une famille qui a complètement accepté mes souhaits. Je me suis promis de faire uniquement les choses que j’aime.

 

Tamara Lunger (en haut à droite) discute des avancées de la La Sportiva G-Summit. ©Modica Visuals

Tamara Lunger en cascade à Aiguilles, janvier 23. ©Modica Visuals

Vous pensez que l’alpinisme a changé ?

Je pense que la période calme de la montagne est terminée. A l’époque de Messner, c’était un dieu mais il faisait de longues pauses et les gens étaient d’accord, ne l’embêtaient pas avec ça. Maintenant, nous avons la responsabilité de devoir des choses aux gens, et s’ils nous considèrent comme une inspiration, nous avons le devoir d’être une bonne inspiration, au sens du respect de la montagne et des autres.

Quand j’ai commencé l’alpinisme, les expéditions commerciales existaient déjà. Mais il y avait quand même beaucoup moins de monde. J’ai été complètement choquée sur le K2 en hiver parce que j’ai vu des personnes qui n’avaient rien à faire là-bas. J’ai eu un peu peur pour elles. Les personnes ne sont pas acclimatées, pas entraînées.

Dorénavant, je demande toujours à mon intuition et à mon moi intérieur ce que je devrais faire, ce qui est le mieux pour mon corps

Comment vous sentez-vous aujourd’hui ? Qu’est-ce que vous aimez le plus faire ?

Maintenant je ne me dis plus que j’ai besoin de m’entraîner, mais je fais ce que j’ai envie de faire. Je sens que je le fais avec passion, je n’ai plus besoin de me pousser et je ne le ferai plus jamais. Que j’ai envie de faire du yoga ou du ski alpinisme, je le fais. Je demande toujours à mon intuition et à mon moi intérieur ce que je devrais faire, ce qui est le mieux pour mon corps. Je peux être plus rapide et plus forte que si je m’entraîne de manière agressive.

Cela ne vous manque pas de voyager et de voir vos amis népalais et pakistanais ?

J’ai l’impression qu’après deux années, le feu intérieur revient ! Je veux repartir en expédition. Mais il y a aussi la recherche d’un compagnon de cordée, peut-être une femme. Je n’ai plus envie de faire quoi que ce soit en hiver, mais je veux retourner sur les 8000. Je ne sais pas si mes forces actuelles seraient suffisantes pour maintenir mon énergie dans ce désordre qu’est un camp de base !

Le ski-alpinisme et le ski de rando font partie de l’ADN de La Sportiva. ©Modica Visuals

La Sportiva Kyril Pant

La gamme vêtement ski-alpinisme de La Sportiva

Pendant des années Tamara Lunger a multiplié les compétitions de ski-alpinisme, sa discipline de prédilection avant sa carrière d’himalayiste. Autant dire qu’elle a sélectionné avec soin les vêtements de la gamme femme ski-alpinisme de La Sportiva, une gamme femme complète idéale pour le ski de rando.

Pour les vestes chaudes, les skieuses de rando ont le choix entre les vestes en syntéhtique comme la Mythic Primaloft La Sportiva  et les vestes en duvet comme la Titan W ou l’Atlas Down W. La Sportiva. Pour la polaire, le modèle Upendo W La Sportiva est en tissu polaire Techstrecht et est dotée d’une capuche, idéale quand le temps fraîchit.

Focus pantalon : Tamara a opté pour le Kyril Pant La Sportiva. Un pantalon ajusté et technique conçu pour les randonnées courtes et les séances d’entraînement. Le mélange de tissus permet une liberté de mouvement optimale, le système de ventilation aux genoux améliore la respirabilité et le tissu avant coupe-vent protège les muscles. Les détails réfléchissants garantissent une meilleure visibilité dans des conditions de faible luminosité.