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Symon Welfringer coche les plus difficiles grandes voies de Corse

Corsica Trip

Symon Welfringer, Baraka, 8a. © Renaud Fine

Delicatessen, c’est la grande voie d’escalade, en libre, la plus dure de Corse. Un crux en 8b, une envolée de 180 mètres aux aiguilles de Bavella, à la Punta di U Corbu. Ouverte en 1992 par Stéphane Husson et Arnaud petit, elle compte 8 répétitions à ce jour. Une « croix » que l’ex-compétiteur d’escalade de difficulté et jeune alpiniste de haut niveau français Symon Welfringer ne pouvait ignorer… De retour d’un prolifique séjour en Corse, il nous raconte son ascension de la voie et révèle ses autres coups de cœur.

Une ambiance unique, comme le rappelle Stéphanie Bodet : « j’ai savouré plus qu’autrefois encore ces immenses dentelles de granit, ce rocher merveilleux aux couleurs incroyables, la vue sur la mer et ce jardin perché au-dessus du maquis, avec son grand pin qui a su résister à la foudre et aux chutes de neige. Lorsque je suis immergée dans de tels paysages, j’ai envie de disparaître, de devenir chamois, rapace ou juste fragile lichen dans une petite fissure… »

Pour ma part, les vagues bercent mon retour sur le continent. Je reviens de Corse, avec des étoiles dans les yeux et la peau des doigts usée : trois semaines d’aventure sur un terrain de jeu unique, dans des voies plus belles les unes que les autres. J’avais été prévenu mais l’escalade corse m’a émoustillé au plus profond, et j’ai découvert un endroit sauvage et féerique, au potentiel incroyable !

Cette voie, Delicatessen à Bavella, j’y pensais depuis un bout de temps, mais je n’avais jamais eu l’occasion de partir en Corse jusque là. Ses formes arrondies et la renommée de ses crux en dalles m’avaient de suite attiré.

 

Delicatessen, L4, 8a ©Renaud Fine

J’atteins cet état si particulier de gravité presque inexistante. Symon Welfringer.

Dès le début du voyage, après une découverte des lieux dans l’ultra classique Jeef, je décide de me rendre au pied pour m’approcher enfin de la bête. Je pose délicatement les doigts dans la première longueur en 8b. La gestuelle est incroyable et l’enchaînement semble envisageable, mais la journée est déjà bien entamée et je décide de revenir plus tard pour taper un premier essai.

Suite à quelques négociations, Manon accepte de venir m’assurer une première journée. Étant persuadé que le travail de la voie allait me prendre plusieurs séances, j’avais déjà motivé un paquet de copains pour venir là-haut avec moi. C’est donc surmotivé, mais encore apeuré, que je me lance dans la voie cette première journée.

Après avoir poser les dégaines et recaler quelques mouvements dans ce passage clé d’entrée coté 8b, je tape un premier essai. Les conditions sont parfaites, l’ombre arrive et le vent souffle sur la Punta di U Corbu. Je parviens à grimper exactement comme je me l’étais imaginé, relâché et concentré. J’atteins cet état si particulier de gravité presque inexistante, les pas physiques et les passages en dalle s’enchaînent sans chute, tout en douceur. Et à ma grande surprise, après un seul essai, je suis au relais du 8b, victorieux ! Mais rien n’est fait, les longueurs qui suivent ont une réputation qui les précède, et la tâche s’annonce coriace !

 

L3, 7c fino ©Coll. Symon Welfringer

Le topo ©Coll. Symon Welfringer

Sommet magistral

Cette première partie de journée m’a mis en confiance, et j’arrive à m’exprimer pleinement dans les deux longueurs suivantes : un 7c+ et un 7c hyper-exigeants avec à chaque fois quelques pas de lévitation (on se lance dans le mouvement persuadé que l’on va tomber mais notre corps tient bon, on ne sait par quelle magie).

À chaque relais, je hisse le sac et assure Manon, qui fait de belles sections dans les longueurs tandis que mon sourire grandit.

C’est plein d’énergie que je me lance dans la dernière longueur, un 8a bloc apparemment.

 

Mettre en place le nécessaire : quelques cris rageurs, arquer tous ce qui se glisse sous mes doigts et me colle au plus près du rocher

L’essai à vue se solde par un échec assez prématurément, mais je découvre surtout un passage de 2 mètres qui me semble impossible. Tous les espoirs s’évaporent et ma colère reprend le dessus, je mets ma peau sur des prises inexistantes et ne trouve aucune méthode valable, c’est la loose !!!

J’arrive finalement à caler, avec un peu d’imagination, un moyen de passer le crux et ensuite de léviter sur la dalle finale. Mais nouveau coup dur, mon index est complètement percé, impossible de taper plusieurs essais, ce sera la prochain ou rien.

Mettre en place le nécessaire : quelques cris rageurs, arquer tous ce qui se glisse sous mes doigts et me colle au plus près du rocher. Je rejoins enfin la lunule salvatrice du relais !!! Deux longueurs plus faciles nous mènent au sommet de la Punta di U Corbu, sommet magistral qui a du mal à se faire une place parmi la multitude d’aiguilles qui nous entourent. Ce massif de Bavella semble infini … Bravo à Steph et Arnaud pour l’ouverture du bas de ce bijou. Désormais, je comprends mieux pourquoi Stéphane avait une telle légèreté quand il grimpait…

 

La Punta Lunarda ©Coll. Symon Welfringer

Dans Parfum de violence (270m, 8a) et ses fissures athlétiques, à la Punta Lunarda ©Coll. Symon Welfringer

Autres bijoux

Trois jours après, accompagné cette fois de Renaud Fine et d’Octave Garbolino, je réussis la première répétition en libre et à vue de Roma (200 m, 7c+), une autre King line de la Punta di U Corbu ouverte en 2016 par les Italiens Rolando Larcher et Maurizio Oviglia. [NDLR D’après Maurizio, il s’agit effectivement de la première répétition]

Parmi les voies que nous avons pu parcourir, je retiens aussi particulièrement Parfum de Violence à la Punta Lunarda (270 m, 8a), une voie peu répétée et encore très sauvage. Après avoir attaqué dans les longueurs de Complément d’âme avec son 8a en dalle bien retord, nous avons rejoint les Offwidths de cette ligne mystique, must du coin.

 

La Baraka, 8a sur coinceurs ©Renaud Fine

Un rocher âpre, une chaleur à gérer ©Coll. Symon Welfringer

Comment enfin ne pas faire un tour dans La Baraka (8a), cette fissure rectiligne ouverte par Florence Pinet et Gérôme Pouvreau. Encore une pépite du massif qui propose une grimpe en fissure très variée à protéger soi-même, et un finish bien sketchy. Le massif de Bavella est infini.