C’est un coin reculé de Belledonne, le Haut-Breda. Le nom du village principal de la vallée, Fond de France, en dit long sur la sensation de s’immerger en pleine montagne une fois là-bas. C’est dans un vallon adjacent que nous sommes allés poser nos spatules, à la recherche de bonne neige, sacré défi en cet hiver 2023. Au bout du vallon de Gleyzin, froid et sauvage, nous avons rejoint le cirque de l’Oule et son refuge, point de départ vers de nombreuses options pour la rando tranquille, le tour sportif ou la pente plus raide. Même si cette fois, ce fut le but.
Gleyzin. Un petit air de bout du monde. Bout de Belledonne en tous cas. Juste au-dessus, la « montagne du Bout » et son refuge « du Bout » lui aussi. Mais c’est plus loin, tout au fond du vallon que nous avons choisi d’aller aujourd’hui, vers le refuge de l’Oule (ou Antoine Cros, 1836m). Situé sur un replat, le refuge constitue le premier étage de notre randonnée à skis. Passé ces 750 premiers mètres de dénivelé, essentiellement en forêt, le paysage s’ouvre sur un cirque majestueux dont le vent s’est emparé en ce jour de janvier 2023.
Tout en montant progressivement sur la bonne trace, le nez encore planté dans les brumes matinales, on discute des plans A, B et C. C’est que le cirque de l’Oule ne manque pas d’itinéraires, et il y en a pour tous les goûts.
Plan A comme affuté : le tour du Grand Morétan (2775m), 2200m de dénivelé positif, 8h de course selon le topo, ce qui nécessite un peu d’entraînement et/ou de partir tôt et d’avoir de bonnes conditions de neige dans quasi toutes les orientations, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Tant mieux, on n’aura pas besoin de trop jauger notre condition physique !
Plan B comme bancal : choisir une face (Comberousse ? Porte d’Eglise ?) ou un col (Morétan ?) une fois sur place selon les conditions de visu. Autrement dit, un peu au nez mouillé étant donné que l’approche en forêt n’est pas très révélatrice des conditions plus haut dans le cirque venté.
Plan C comme c’est pas grave. Si les conditions sont trop délicates, on fera un petit tour dans le cirque, plutôt vers les Grandes Lanches, histoire de mieux comprendre où démarre le beau couloir ouest (5.2, E3, 50° max) et éventuellement le couloir ouest du Pertuis voisin (4.1, E2, 38° max). Autrement dit, une petite visite de découverte.
Deux woufs
Ce n’est pas nous qui les avons entendus mais un groupe de deux skieurs de retour du fond du cirque et que nous croisons à la pause au refuge. Alors qu’on déguste quelques graines agrémentées de saucisson (faut pas déconner), un autre trio pousse la porte et nous annonce également son demi-tour suite à des conditions de neige délicates. À ce moment là, on n’a tout juste effectué l’approche et pas encore entamé le « vrai » ski.
Voilà un excellent test, à la fois de notre motivation (mise à mal par le vent qui forcit et secoue la cabane de l’Oule), et notre capacité à analyser la situation froidement. Le défi ? Entendre les remarques des autres skieurs et leurs voyants au rouge, tout en gardant un oeil critique sur la qualité de la neige et les risques estimés. Autre difficulté : le bulletin d’estimation du risque d’avalanche qui, dans cette orientation ouest/sud-ouest, indique une limite de risque 2 et 3 vers 2200m, soit la partie haute des deux couloirs envisagés.
Le temps des repérages
On décide tout de même d’y aller, pour voir, en faisant encore plus gaffe que d’habitude, ne serait ce que dans la première traversée du refuge vers la face ouest des Grandes Lanches. L’idée de skier un couloir s’évanouit peu à peu. Acte manqué ou pas : on est de toutes façons déjà trop haut pour remonter le couloir ouest du Pertuis. On va donc se promener au pied de la belle face ouest des Grandes Lanches pour trouver la sortie de l’autre couloir plus raide.
La remontée vers le pied du couloir est belle. On s’élève et ce n’est plus Belledonne mais la Chartreuse qui apparait, Granier en tête. L’Isère n’a jamais été aussi savoyarde qu’en ce coin reculé de Belledonne nord. On prend trop rarement le temps de se promener pour repérer, comprendre et mieux revenir plus tard. Peut-être est-ce là un moyen de justifier le but que nous sommes en train de prendre ? Il est midi passé et le doute s’est transformé en certitude : la neige ne permettra pas de tenter le couloir le plus raide, ni redescendre pour rattraper celui du Pertuis.
Alors on ralenti. On prend le temps des photos. On savoure les modestes pentes qui nous attendent, plaisir simple mais reposant. Surtout, on regarde derrière, vers le cirque de Gleyzin. Tout le monde est redescendu et nous sommes seuls dans notre bout du monde de Belledonne. On n’ira pas plus haut aujourd’hui, le jeu n’en vaut pas la chandelle. À ce jeu là d’ailleurs, le skieur connait les règles. Pour relancer, il faut parfois savoir passer son tour. Le bluff n’est pas permi. On mise toujours gros. On sait qu’on reviendra, dans de meilleurs conditions. Il y a des coins de montagne qui demandent un peu de temps. On le prendra.
Massif du Belledonne, Gleyzin
Grandes Lanches, 2591 m, versant ouest
Accès
Du parking de la Bourgeat Noire, remonter la piste forestière vers le refuge de l’Oule (Antoine Cros, 1835m). Sauf si le couloir ouest du Pertuis (4.1, E2) vous attire. Dans ce cas, partir main gauche (est) vers 1450m pour gagner le bas du couloir assez évident qu’il faudra remonter.
Du refuge, beaucoup d’itinéraires s’offrent au skieur, pour tous les goûts, toutes les pentes, toutes les distances et orientations :
– couloir ouest des Grandes Lanches (5.2, E3)
– col de Morétan (2.3, E2)
– tour du Grand Morétan (4.2, E2)
– Selle du Puy Gris (3.1, E2)
Topos
Toponeige Belledonne, Volodia Shahshahani