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Mont Blanc depuis la mer : un record qui prend l’eau

Quand je descends d’une montagne, j’ai mal aux pieds, en général, comme vous. Pas Marcello Ugazio, « recordman » du mont Blanc au départ de la mer – de Gênes au sommet d’une traite. Après avoir atteint le mont Blanc, il a pris le taxi des airs, ça fait moins d’ampoules. Son « fastest known time » était pourtant original : gravir le mont Blanc en partant de l’altitude zéro, de la Méditerranée. Après être parti la veille de la plage de Gênes en vélo, l’italien Marcello Ugazio a atteint le sommet du mont Blanc dimanche 9 juillet à 8h43, après 14h et 42 minutes d’efforts.

Encordé au guide Denis Trento pour la partie alpine, Marcello Ugazio a vu les choses en grand : soutien logistique avec un fabricant coréen de voitures électriques, un grand stand publicitaire dans le val Veny, une équipe comprenant une vingtaine de personnes au total. Au sommet, un hélico l’a récupéré pour le redescendre dans la vallée. Voici comment le justifie notre confrère Planet Mountain, qui nous a habitué à mieux : « après l’énorme effort de 300 km à vélo puis toute l’ascension du Mont Blanc combiné à des températures particulièrement élevées, il aurait été trop hasardeux de descendre à pied. »

 » Marcello jouit d’un repos bien mérité », est-il écrit en haut de cette story postée hier par Ugazio. On distingue au loin l’Aiguille Verte, les Droites.

Ce « record » d’un nouveau genre a été créé en 1997 par Marino Giacometti, qui avait bouclé ce défi en 23 heures. Cela consiste à boucler 320 km en vélo, du golfe de Gênes jusqu’au lac Combal, dans le Val Veni, au-dessus de Courmayeur. Ensuite, il s’agit de remonter les seize kilomètres du glacier du Miage italien, puis de la voie normale italienne via le refuge Gonella, puis enfin, par l’abri Vallot et l’arête des Bosses, le sommet du mont Blanc. Nul ici ne conteste que la performance sportive est impressionnante, mais dénuée de sens. Cumuler 320 kilomètres à vélo et un mont Blanc en trottinant en moins de quinze heures ? Ce serait beau, sans prendre un hélico de confort pour descendre. Comment justifier une « performance » en montagne si on ne descend pas ? Comment justifier une « performance » avec un tel accompagnement ? Quel exemple cela donne-t-il ?

Si la descente est trop « hasardeuse », sans doute fallait-il s’abstenir de faire 300 km de vélo avant l’ascension… ou se faire sponsoriser par une marque de vélo électrique.

Comment justifier d’une performance en montagne sans la descente ?

Il y a peu, Hillary Gerardi, américaine vivant à Chamonix, a signé un magnifique record féminin d’ascension du mont Blanc, depuis l’église de Chamonix, en 7h25 aller-retour. D’autres alpinistes français se sont pris au jeu de partir à vélo de chez eux pour faire un mont Blanc « d’acclimatation » avant de partir en expédition, comme Symon Welfringer, au départ de Grenoble. En aller retour, évidemment. 

Rappelons qu’en France ce type de reprise héliportée ne serait pas possible, mais sur la frontière, il faut croire que si. Voici comment le mont Blanc est à nouveau le théâtre d’un record pour égotique, capable de ruiner le sommet pour tous ceux qui y étaient, et, plus grave, de faire croire que ce cirque serait respectable ou respectueux des autres, et de la montagne.