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Vercors : belle croix pour Solène Amoros

Lignes de vie aux 3 pucelles

Grimpeuse talentueuse, Solène Amoros s’est longtemps passionnée pour la compétition, avec succès puisqu’elle décroche deux titres de championne de France jeunes, en 2014 et 2016. En février 2020, Solène Amoros s’envolait en Jordanie avec l’équipe FFME Roc Aventure Programme pour ouvrir un big wall en libre, la Voie du Coeur. Elle poursuit aujourd’hui sa quête du haut niveau en se tournant vers les grandes voies, avec la réalisation de Lignes de vie, une superbe voie exigeante aux Trois Pucelles, dans le Vercors, à deux pas de Grenoble.

Tu viens de réussir Lignes de Vie aux Trois Pucelles, comment as-tu eu l’idée de grimper cette voie ?

C’est Jonathan Crison, le coach FFME, qui m’a soufflé l’idée, il y a déjà deux ans. Lignes de vie a été ouverte par Sylvain Maurin, grimpeur et guide grenoblois. La voie a une histoire, puisque c’est après avoir été opéré à maintes reprises pour un cancer que Sylvain Maurin va réussir à équiper, puis à gravir chacune des longueurs de sa voie, en 2018. L’année dernière, Romain Noulette, un ami, a fait cette voie, il était le premier à enchaîner toutes les longueurs dans l’ordre.

Ambiance au départ de la voie. ©Gaël Bouquet-des-Chaux/FFME

Les petites prises verticales de L4, 8a. ©Gaël Bouquet-des-Chaux/FFME

Dans la longueur-clé, L3, 8a+. ©Gaël Bouquet-des-Chaux/FFME

Au début je mettais des marques pour me souvenir des prises, mais après la pluie quand je revenais le samedi il n’y avait plus rien !

Comment s’est passé le travail dans la voie ?

Cet été j’étais en stage à Grenoble, je travaillais la semaine et le week-end j’allais essayer la voie. L’hiver dernier, j’ai eu une fracture du scaphoïde, et quand je suis allée voir la voie en juillet je me suis fait rouster ! Et puis samedi après samedi, j’ai des copines qui sont venues m’assurer, ce qui est sympa car d’habitude c’est avec des garcons mais elles trouvaient d’autres méthodes.

Au début quand je trouvais les méthodes, j’ai mis des tickets à la craie (des petites marques), mais il pleuvait la semaine et quand je revenais le samedi il n’y avait plus rien (rires) ! Finalement j’ai appris par coeur les mouvements des quatre longueurs dures. Mi-août j’ai tenté l’enchaînement mais il faisait trop chaud. Je suis tombée dans le 8a+, dans le crux sous le relais ! Repos le dimanche, j’y suis retournée le lundi, il faisait frais et ça allait beaucoup mieux. Les conditions idéales étaient réunies. J’ai réussi toutes les longueurs les unes après les autres.

En haut, j’étais soulagée, je me suis sentie zen, apaisée.

C’est un style d’escalade plutôt déroutant par rapport aux voies en falaise « moderne » : de la dalle ou du faible dévers, des petites prises souvent verticales… comment t’es tu adaptée ?

C’est sûr que c’est un style d’escalade particulier. J’ai fait beaucoup de compétition, mais je viens du Briançonnais, où on grimpe beaucoup sur des falaises différentes, mais on n’a presque jamais ce style de dalle difficile. Je suis sans doute plus à l’aise dans le style moderne, comme au Verdon où je travaille une voie dure dans la baume déversante de la Ramirole. Après, c’est un défi que je voulais relever, pour moi, c’est la définition d’être un bon grimpeur que de s’adapter à différents styles.

La quatrième longueur, en 8a, est sans doute le plus beau 8a de Grenoble

À quoi ressemblent les passages les plus durs de la voie, autour de 8a+ ?

La troisième longueur est une traversée en dalle, en 8a+, délicate et complexe. La quatrième longueur, en 8a, est sans doute le plus beau 8a de Grenoble, et je sais de quoi je parle puisque j’en ai fait beaucoup en quelques années ici ! Les prises sont verticales, le rocher n’est pas très adhérent, mais j’ai pu m’y faire. Cette longueur est magnifique. Normalement dans ce niveau je suis à l’aise [Solène en est à 8a vue et 8c après-travail, ndlr]. Mais même si tu connais la voie par coeur, tu as cette sensation d’insécurité, propre à la dalle dans ce niveau. Tu peux tomber simplement si ton placement de pied n’est pas optimum. C’est une école d’humilité, il ne faut pas en faire un plat, mais rester calme… et prendre du recul par rapport aux cotations.

La 4ème longueur, majeure, en 8a. ©Gaël Bouquet des Chaux / FFME

La vue incroyable sur Grenoble ©Jocelyn Chavy

Le photographe et l’assureur au top ! ©Gaël Bouquet des Chaux / FFME

Les Trois Pucelles by night ©JC

Heureuse de la croix, Solène Amoros ©Bouquet-des-Chaux/FFME

Que retires-tu de cette expérience ?

Lignes de vie me tenait à coeur car je pars de Grenoble après avoir fini mes études [d’ingénieur, ndlr] et c’est un peu un passage dans ma vie. Le lendemain de l’enchaînement je quittais Grenoble. Ma vie d’étudiante se terminait là. Pour les images j’y suis retournée ensuite, pour faire les photos et un film avec Gaël Bouquet des Chaux. Je suis définitivement attirée par les grandes voies !

Tu as pris goût aux grandes voies, qui sont encore peu courtisées par les meilleures grimpeuses, car tu as aussi grimpé en haute montagne ?

Oui, j’ai fait Unchi Maka à l’Aiguille de Sialouze (une voie ouverte par Ben Kempf, Fred Roulx et Francis Elichabe) avec deux amis, on a dormi au refuge du Sélé, j’ai fait les longueurs dures en tête, les deux autour de 7c+. Je n’ai pas réussi à vue, mais j’ai enchaîné en réessayant. Ce qui m’a posé le plus de problème c’est l’altitude !

Essayer des grandes voies dures me motive complètement, je pense que je peux me faire plaisir là-dedans, j’aime ce côté plein de facteurs à gérer, la performance est très complète. Il y a la stratégie, l’accès, la descente, le hissage, les conditions, la météo… Actuellement je concentre mes efforts sur un 8c+ à la Ramirole, mais je suis vraiment attirée par les grandes voies un peu oubliées.

Lignes de vie, le topo et les cotations :

L1 : A0/6b. L2 : 7b+. L3 : 8a+. L4 : 8a. L5 : 7c+. L6 : 7a. L7 : 7c.