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Elise Poncet, championne de course en montagne et skieuse-alpiniste

Elle a 27 ans, passe ses étés à courir en montagne et ses hivers en ski alpinisme. Amoureuse de la montagne, Élise Poncet s’est installée il y a trois ans à St-Gervais-les-Bains pour franchir le cap, dit-elle. La championne de France de course en montagne 2022 en est à sa deuxième édition de la Pierra Menta, à Arêches-Beaufort. Une belle occasion d’échanger avec elle sur sa vision de la montagne, ses motivations et ses projets.

Raconte-nous tes débuts en montagne !

Élise Poncet : je suis de région parisienne. Mais j’habite à Saint-Gervais-Les-Bains depuis trois ans maintenant. Ma famille vient des Pyrénées et de Haute-Savoie, donc on allait en vacances à la montagne tout le temps. J’ai cette empreinte montagne depuis toute gamine. J’étais complètement obnubilée par la montagne et j’ai toujours dit à mes parents qu’à 18 ans j’irais y habiter. C’était un objectif de vie et c’est trop cool parce que j’ai donc déjà réalisé un de mes objectifs !

Ça fait maintenant trois années que je fais du ski alpinisme, mais j’ai commencé l’athlétisme à 15 ans, et je faisais du cross country avant le ski alpinisme. J’adore le ski et j’ai toujours eu très envie d’en faire. Après le Covid, je me suis dit que c’était le moment de franchir le cap. Mais je suis venue sur le tard au ski alpinisme. Je ne connaissais même pas l’existence du ski de randonnée quand j’étais à Paris ! J’étais comme une vraie parisienne, je faisais ma petite semaine de ski, j’obtenais mon étoile et j’étais contente… Et maintenant je suis à la Pierra Menta.

Élise Poncet, championne de France de course en montagne 2022.

Tu étais plutôt orientée vers la course à pied, où tu as eu de super résultats…

Élise Poncet  : J’ai débuté l’athlé il y a un peu plus de dix ans, en commençant traditionnellement par apprendre à courir sur piste, ce que j’ai détesté ! Mais c’était nécessaire d’apprendre à courir pour pouvoir bien courir en montagne. Et puis en tant que parisienne, je n’avais pas non plus un choix énorme. En m’installant ici dans les Alpes, j’ai décidé de me spécialiser dans la course en montagne – c’est-à-dire les courtes distances. J’adore ça ! C’est entre 10 et 20 km, voire jusqu’à 31km par exemple Sierre-Zinal qui est un peu le championnat du monde officieux dans le milieu des courses en montagne. Parce qu’il y a aussi bien des gens qui viennent de la route que du trail (comme Kilian Jornet et Jim Walmsley) et de la course en montagne.

Comme en athlétisme, il y a plusieurs disciplines dans le trail : la course en montagne, le trail court, le trail long, l’ultra. Souvent on me dit que plus tard je m’orienterai vers l’ultra, mais moi ce que j’aime c’est la courte distance, donc je ne pense vraiment pas ! J’aime les courses jusqu’à 40 km, alors que beaucoup pensent que c’est vraiment un aboutissement de faire l’Utmb. Mon rêve est plutôt de performer sur des championnats, et d’un jour faire une grosse performance sur Sierre-Zinal. J’aime les courtes distances parce que ça va vite… et que ça ne dure pas trop longtemps.

on me dit souvent que je m’orienterai vers l’ultra,
Mais moi j’aime la courte distance, la vitesse

Raconte-nous ces Championnats de France de course en montagne que tu remportes l’année dernière…

Le titre de championne de France en 2022 dans les Pyrénées, c’était vraiment un bel objectif. Même si on ne le verbalise ou l’écrit jamais, c’est secrètement un rêve d’être la première. Et puis il y avait toute ma famille, c’était là où j’ai appris à faire du ski, c’était vraiment génial, un de mes meilleurs souvenirs. C’est vraiment une discipline qui me tient à coeur donc être championne de France, c’est quand même significatif.

Quelqu’un t’aide à t’entraîner ?

J’ai un coach, Simon Gosselin, du team Sidas Matryx. Ça fait maintenant trois ans que je travaille avec lui. Les chiffres, les statistiques, Strava etc, ce n’est vraiment pas mon truc, ça ne m’intéresse absolument pas ! Heureusement qu’il est là, c’est lui qui gère ça. Et puis on est mieux dehors à faire ses trucs un peu cachés, et heureusement. Je n’ai pas ennvie de trop montrer ce que je fais de ce côté-là, mon alpinisme, ma grimpe, etc. C’est à côté de ma carrière sportive.

Même si on ne le verbalise pas,
c’est secrètement un rêve de faire championne de france

Comment en es-tu arrivée à faire du ski alpinisme ?

Élise Poncet  : Au moment du Covid, je me suis dit qu’il fallait essayer. En hiver, entre descendre dans la vallée faire une séance spécifique cross alors qu’il neige ou faire une séance en poudreuse, le choix est vite fait.

Lors de ma deuxième course, les championnats de France de Vertical Race à Méribel, la FFME m’a qualifiée en équipe réserve de ski alpinisme. J’ai donc pu participer à la coupe du monde de Verbier. C’était fou de participer à une coupe du monde avec les 25 meilleures ; il a d’ailleurs fallu batailler pour ne pas finir dernière (rires) ! C’était la troisième course de ski alpinisme de ma vie, et j’étais encore en train de m’entraîner à dépeauter le matin même. Le matériel en ski alpi et sa gestion, c’est un monde. En course à pied, j’ai des baskets, un short et un t-shirt, c’est tout. Mais en ski alpi, c’est super technique.

Ce que j’ai préféré, c’était la descente. Glisser à plat par exemple, ce n’est pas inné, c’est super dur. Sans parler des transitions !

Pierra Menta 2023, J2, vue du ciel et en drone. ©Jocelyn Chavy

Anna Tybor et Elise Poncet. ©JC

Y a-t-il des qualités physiques et mentales de la course en montagne que tu retrouves en ski alpinisme ?

La polyvalence ! Il faut être super fort aussi bien en montée qu’en descente – que sur le plat – en course en montagne, sinon tu te fais rattraper. En ski, c’est pareil, en ajoutant les manips. Et surtout, il faut pouvoir relancer à la fin d’une côte ; ça c’est la dimension mentale. Je trouve que le ski alpi est très très dur, et davantage que la course en montagne. Les départs à ski par exemple, tout le monde part en courant alors qu’on a quand même du poids malgré la légèreté du matériel. C’est le moment le plus dur de la course selon moi. En ski alpi, il faut vraiment que je m’accroche plus mentalement qu’en course à pied.

En ski, ça dépend de l’engagement
En course à pied, ça dépend de ta capacité musculaire

J’ai l’impression qu’en ski alpinisme, pour des épreuves de 35 minutes ou de 4 heures, ils partent à la même allure. En course en montagne, ça part très vite aussi, mais ça ne dure qu’une heure !

Le risque de ces deux disciplines est différent également ?

Oui, les risques sont différents. En ski, tu mets plus d’engagement. C’est sûr que tu peux toujours aller plus vite, ça dépend de l’engagement que tu y mets. En course à pied, ce sera plutôt ta capacité musculaire à encaisser les chocs, c’est un risque que tu vas payer sur le long terme. Tu ne peux pas avoir de grosse chute traumatique en course à pied, alors qu’en ski tu risques cette grosse chute, mais moins mal aux genoux…

Pierra Menta 2022. Photo réalisée en drone. ©Jocelyn Chavy

Ma première pierra menta était une super expérience

Comment t’es-tu retrouvée l’année dernière au départ de la Pierra Menta ?

Katie Schide, une Américaine qui fait de l’ultra trail à très haut niveau, m’a proposé d’être sa coéquipière. On ne se connaissait pas du tout mais elle cherchait quelqu’un pour la Pierra Menta et je pense que le fait qu’on vienne toutes les deux du milieu de la course a joué. Elle s’est dit que ça fonctionnerait bien. Au début, je me suis dit que c’était impossible. Je faisais un peu de Vertical race et des courtes distances, mais je n’avais jamais fait de si longues distances, et sur quatre jours ! Mais je me suis dit que c’était une expérience à faire, j’y suis allée, c’était hyper chouette, on était très complémentaires.

Quel est ton meilleur souvenir de la Pierra Ment’ de l’année dernière ?

Élise Poncet : Le col de la Forclaz, la dernière journée. Toute cette effervescence à Arêche-Beaufort ! J’étais en train de me faire tirer à l’élastique par Katie parce qu’on remontait la piste et que je déteste ça. J’avais un grand sourire, presque les larmes aux yeux et tellement émue. J’ai l’habitude des courses comme à Chamonix, l’Utmb, le marathon du mont Blanc etc. Mais là c’est vraiment un village avec une communauté à part, ils font sonner leurs cloches… C’est hyper sincère, c’était incroyable. C’est pour ça qu’on fait la Pierra Menta, c’est ce qu’on vient chercher !

Cette année, c’était un duo franco-polonais avec Anna Tybor. On a un peu mieux préparé la chose qu’avec Katie, on s’est rencontrées pour faire un peu de ski et de montagne avant. On a fait La grande trace ensemble pour se préparer et ça a tout de suite marché. On n’aime pas trop les premières montées sur les pistes, donc on s’entraide. On est un peu différentes, je suis meilleure en montée et elle meilleure en descente.

Pierra Menta sous la neige, dernière étape 2023 ©JC

Il y a peu d’équipes féminines sur la Pierra Ment’. Sais-tu pourquoi ?

Je pense que toutes les filles en équipe de France pourraient faire la Pierra Menta, mais elles font des choix parce qu’il y a le circuit de Coupe du monde en même temps et elles ne peuvent pas faire les deux. Ou alors tu as des mutantes comme Axelle Gachet-Mollaret et Émily Harrop qui peuvent gagner des Pierra Menta et des coupes du monde en sprint, mais il n’y en a pas beaucoup… il y en a deux, et elles sont ensemble.

Si tu cours en trail, c’est très compliqué d’aller faire une Pierra Menta en mars parce que tu dois préparé tes trails, et ce ne sont pas les mêmes préparations.

 

Tu acceptes de te faire mal parce que les émotions que tu ressens après
Tu ne les vis que dans le sport

Explique-nous aussi le sens de l’expression que tu utilises souvent : avoir le coeur haut dans la bouche

Ça veut dire que tu vas te mettre dans le rouge, pousser fort sur la machine, notamment sur les départs. Tu vas surventiler dès le début de la course, et c’est le schéma mental qui prend place ensuite. C’est très dur, mais c’est toujours mieux après. Ce n’est pas vraiment agréable, ce n’est pas inné pour tout le monde, mais ça se travaille. Je ne trouve pas ça naturel du tout de se mettre le coeur dans la bouche et d’aimer ça. Je l’accepte, c’est un schéma mental, mais je ne peux pas dire que ce soit du plaisir. Et c’est un espèce de tabou dans le milieu.

C’est souvent un critère  » tu ne peux pas faire de haut niveau si tu n’aimes pas te faire mal « , mais c’est faux ! En fait, c’est juste que tu acceptes de te faire mal parce que ce que tu vas ressentir après est plus fort. Ce sont des émotions que tu ne vis que dans le sport, et c’est pour ça qu’on fait ça.

Élise Poncet, mars 2023. ©Jocelyn Chavy

Qu’est-ce qui te fait envie en montagne dans le futur ?

Le tour du Rutor, j’aimerais vraiment bien le faire ! Mais sinon, des trucs simples ! J’adorerais aller au mont Dolent, ce n’est pas le plus technique, mais j’ai envie d’y faire du ski. Ensuite, il y a beaucoup de voies d’escalade que j’aimerais faire, notamment dans les Pyrénées et en Haute-Savoie. Mes parents ont beaucoup grimpé au Bargy, Maladière etc, et il y a plusieurs de ces voies que j’aimerais beaucoup faire.

Comment trouves-tu le temps de faire tout cela ?

Tout est une question d’organisation ! Je priorise la montagne parfois, et c’est un choix. Un autre aspect très important pour moi est d’être pompier volontaire. La pratique en montagne et le haut niveau sont des pratiques très égoïstes, et ça fait quatre ans que je suis pompier volontaire pour me sortir de cette bulle des sports outdoor, de la performance. Je me retrouve avec des gens complètement différents et j’adore, tout comme donner de mon temps et de mon implication. 

Ma maman est la première femme du monde à avoir fait
du 7C+ et 8A à Fontainebleau, dans les années 90

Des personnes qui t’inspirent ?

Élise Poncet : Toutes les femmes qui sont en montagne aujourd’hui m’inspirent. Le niveau évolue énorment depuis quelque temps, et c’est top. Il y a 10 ans, quand je voulais tout autant me mettre à la montagne, il y avait beaucoup moins de femmes. C’est bien plus accessible et démocratisé maintenant, et ça donne envie !  

Adèle Milloz m’a beaucoup inspirée parce qu’elle a fait énormement de ski alpi en compet, commencé le cursus de secouriste en montagne et était la plus jeune femme guide de France. J’admire aussi Clovis Paulin, qui est vachement respectueux des traditions, pas médiatique, qui adore transmettre et a une super mentalité.

Et puis il y a ma maman, Dany Crenn, qui a eu un très très bon niveau en escalade. C’est la première femme du monde à avoir fait du 7c+ et 8a bloc à Fontainebleau, dans les années 90. Elle était hyper passionnée par cette forêt et a passé beaucoup de temps là-bas, mais ça n’a jamais été dans une pratique de haut niveau. C’était une époque très différente, personne ne la connait mais elle a fait des blocs tels que le Carnage, la Bérézina, Duel… C’est très inspirant parce que je l’ai vu faire du haut niveau sans que personne ne le sache.