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Dans les gouffres du Marguareis

Immersion souterraine dans les Alpes-Maritimes

©Eric Maljournal

Chaque été, les massifs karstiques d’altitude sont le lieu d’organisation de camps spéléo. Dans les Alpes, les Pyrénées et en altitude, la plupart des gouffres sont en grande partie de l’année recouverts d’un épais manteau neigeux et c’est l’été que l’exploration de ces cavités devient réalisable. C’est la vie d’un de ces camps d’altitude, pas si éloigné des camps himalayens, qu’Éric raconte ici, avec les spéléos de l’Association sportive du Marguareis et des Pré-Alpes de Grasse.

Le Marguareis ? Il s’agit d’un massif calcaire d’altitude situé dans l’extrême pointe orientale du département des Alpes Maritimes. Partagé entre la France et l’Italie, à l’est du massif de l’Argentera – Mercantour, il s’étale sur dix kilomètres de long pour cinq kilomètres de large. Dominé par des sommets de plus de 2600 mètres d’altitude comme la Pointe Marguareis et le Monte Montgioie. Ce massif a toujours été prisé par des équipes de spéléologues français et italiens mais aussi du monde entier. La présence du magnifique réseau de Piaggia Bella, approchant les mille mètres de profondeur a façonné une grande partie de son prestige.

L’exploration spéléo commence

Comme chaque année, notre groupe, l’ASMPG (Association sportive du Marguareis et des Pré-Alpes de Grasse) installe son camp durant trois semaines au Col des Seigneurs à 2100 mètres d’altitude à la frontière franco-italienne. Notre équipe est constituée historiquement de spéléologues français et italiens. Arrivés sur place grâce à la piste de la « Route du sel », il nous faut deux jours pour l’installation du camp. Une grande tente principale servant de QG et de réfectoire est installée. De plus, une tente pour la cuisine et une réservée au matériel sont positionnées à proximité. Une réserve d’eau est aménagée et alimentée grâce à des portages de bidons provenant de la source coulant en contrebas du campement nous permet d’avoir un semblant d’eau courante. Tout autour de cette base de vie chacun installe sa propre tente pour le couchage. Un minimum de confort est nécessaire pour faire cohabiter la trentaine de personnes participants à la vie du camp durant trois semaines. Cette logistique est indispensable car il faut souvent accueillir des équipes sortant d’exploration très tard dans la nuit, frigorifiés, souvent mouillés après un long séjour de plusieurs heures voir de plusieurs dizaines d’heures dans des cavités où la température de l’air ne dépasse pas les 1 à 2 degrés avec 100% d’humidité et où le franchissement de rivière souterraine ou de cascades d’eau glacée sont légion.

Le camp de base au coeur du Marguareis. ©Eric Maljournal

Le complexe du Col des Seigneurs

Revenons au but de nos explorations. Après deux années passées à faire de grosses premières, cet été a été consacré à la poursuite des explorations pour comprendre le système souterrain du complexe du Col des Seigneurs dont les premières explorations remontent aux années 1960. Huit grottes ont été découvertes dans ce secteur. Ici, peu de concrétions, les gouffres ont le faciès typiques des cavités d’altitude, une roche compacte et souvent sombre avec un enchainement de plus de 400 mètres de verticale, agrémenté de puits de 100 à 200 mètres plein vide. Quatre de ces cavités se rejoignent dans une grande galerie alimentée par une rivière souterraine dépassant les 500 mètres de profondeur. Le rêve ultime est de découvrir le collecteur principal de ce réseau menant à la Grotta Labassa et au réseau de Piaggia Bella et enfin à la résurgence de l’Arma del Lupo 1000 mètres plus bas.

ici les gouffres ont le faciès typiques des cavités d’altitude, une roche compacte et sombre avec un enchaînement de plus de 400 mètres de verticale, agrémenté de puits de 100 à 200 mètres plein vide.

Approches parfois complexes au milieu du karst © E. Maljournal

Les dimensions hors normes des salles du Marguareis © Eric Maljournal

50 ans d’exploration de ce réseau se sont poursuivis cette année avec la découverte de nouvelles branches agrémentées de verticales de plus de 100 mètres. De plus, un gros travail de topographie a été réalisé afin de mieux comprendre les différentes ramifications de cette cavité et dirigé les futures explorations de l’été prochain. En effet, depuis trois ans, deux gouffres ont été découverts d’une grande ampleur avec des puits gigantesques où les lampes des explorateurs ont du mal à éclairer ces gros volumes ! Ils deviendront surement de grandes classiques du massif.

Ambiances dans les gouffres alpins du Marguareis ©Eric Maljournal

Il n’y aurait point de grandes découvertes sans la cohésion du groupe quel que soit les femmes et les hommes qui le composent. Spéléologues aguerris, débutants, accompagnateurs non spéléologues se consacrant aux tâches extérieures tel que l’organisation, la cuisine à toute heure, le portage nécessaire au transport du matériel, etc…

Si une équipe de pointe fait une première et découvre de nouveaux puits ou galeries, c’est grâce à tous, la joie est globale et c’est tout le monde qui « a fait la première ». Ici se révèle l’esprit spéléo composé de partage, d’entraide et d’amitié entre tous les membres composant une chaîne indéfectible pour mener les explorations les plus engagées. Une chaîne d’efforts qui ressemble, quelque part, aux camps de base d’alpinistes dans les hauts massifs du globe.

La magie du Marguareis. ©Eric Maljournal