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Une bouteille à la mer pour… Christophe Raylat

De nos jours nous communiquons à outrance, nous publions, nous postons à tout va, mais quid de nos correspondances ? Une bouteille à la mer c’est une série de correspondances mer-montagne à lettre ouverte, pour croiser les regards et partager les visions ! La bouteille est lancée aujourd’hui vers Christophe Raylat, réalisateur de films documentaires dont la plupart accompagnent le regard d’un certain Sylvain Tesson. 

La Rochelle, le 10 juin 2020

Cher Christophe,

Eu égard à ton dernier film qui revisite en filigrane une part de l’histoire de l’Aéropostale, cette correspondance sonne comme un symbole. C’est depuis une falaise du littoral Atlantique – certes ridicule pour le montagnard que tu es – que j’expédie à la mer cette bouteille qui t’est destinée. Gageons qu’elle fasse du sud pour trouver l’embouchure de la Gironde, d’où elle ralliera la Méditerranée via le canal des deux mers. De là elle poursuivra son odyssée en embouquant le Rhône qu’elle remontera jusqu’à Genève pour enfin voguer toujours à contre-courant dans l’Arve jusqu’au débouché de sa haute vallée où tu la cueilleras au hasard d’une ballade en bord de rivière. Point de nectar dans ce flacon tu l’auras compris, mais une correspondance à laquelle je l’espère tu voudras bien répondre…

De là à penser que Sylvain
est un peu ton Tintin du XXIème siècle,
il n’y a qu’un pas

Je te sais adepte de belles histoires et d’aventures, à imaginer, à vivre puis à raconter. Il y a tant de manière de raconter une histoire me diras-tu. Qui plus est lorsque celle-ci relate une aventure vécue. Et au-delà de la manière il existe encore tant de moyens, de médias pour reprendre un terme en vogue ! La littérature ne t’est pas étrangère c’est un fait. Pourtant ces dernières années, c’est pour la casquette de réalisateur de films documentaires que tu as troqué ta casquette d’éditeur. Mais à croire que les lettres te collent aux basques, c’est autour d’un certain Sylvain Tesson que gravite l’essentiel de ta filmographie. Rassure-toi, j’ai bien compris que tu n’y voyais pas l’occasion de raconter encore et toujours le phénomène Tesson, écrivain-voyageur désormais célèbre. Mais plutôt de convier Sylvain à livrer un regard intellectuel, poétique, géographique, historique voire philosophique sur un sujet original ayant trait au voyage, à l’aventure, à l’exploration ou à la découverte. De là à penser que Sylvain est un peu ton Tintin du XXIème siècle, il n’y a qu’un pas. Que je franchis !

Sylvain Tesson face dans le massif du Fitz Roy, lors du tournage de Les Ailes de Patagonie en janvier dernier. © Thomas Goisque / National Geographic

Que d’aventures avez-vous vécu ces dernières années ! Fouiller l’histoire de l’alpinisme à l’ère soviétique dans les monts Oural, sillonner l’Océan Indien d’îles en îles dans les Eparses à bord d’une frégate de la Marine Nationale, revisiter l’Odyssée, l’œuvre d’Homère entre terre, mer et mythes en Méditerranée et tout récemment nous livrer une histoire improbable mais oh ! combien réussie à base de héros de l’aéropostale et de paralpinisme dans le massif du Fitz Roy – Patagonie, en compagnie d’une cordée du GMHM* ! Et avant tout ceux-là il y avait eu, bien plus près de chez toi, Un Mont-Blanc en quête d’auteurs, qui a peut-être scellé la collaboration à suivre avec Sylvain, d’ailleurs ?

 

Le GMHM et Sylvain Tesson dans le massif du Fitz Roy, lors du tournage de Les Ailes de Patagonie en janvier 2020. © Thomas Goisque / National Geographic

Sylvain, toujours un mot d’avance, évoque avec prodige les environnements, les lieux, les hommes, leurs parcours et leurs passions. Telle une caméra stylo à lui tout seul. Mais alors dis-moi, comment travaillez-vous sur ces projets de films ? Quelle est la part d’écriture en amont ? La part d’intuition, de laisser faire, d’improvisation sur le terrain ? Et quid du rapport de Sylvain à l’image ? Lui l’écrivain passionné, le chantre du papier et du carnet de notes…
Finalement j’ai le sentiment que votre binôme d’arpenteurs trouve son équilibre dans une épure à base de curiosité, de terrain, d’intellect et d’écriture. Une manière de (re)donner du sens à l’aventure. Dont le film en somme ne serait qu’une trace, un témoignage du vécu…
Tu peux glisser ton écrit dans la bouteille ayant servi à l’aller, puis la déposer dans le cours de l’Arve. Les bouteilles voyagent vite de nos jours, et puis elle connaît le chemin, nul doute qu’elle arrivera à destination dans l’entre-deux tours… du vieux port !
Hâte de te lire,


Stéphane


*Les films résultant de ces différentes aventures : Octobre blanc, Les Îles éparses, Dans le sillage d’Ulysse, Les Ailes de Patagonie.
Parmi les films de Christophe Raylat, on peut également citer l’excellent film « entretien » avec Ueli Steck : On ne marche qu’une fois sur la lune.